La responsabilité liée aux activités juridiques Obligation d’information et de

La responsabilité liée aux activités juridiques Obligation d’information et de conseil Rapport français G. Pignarre, Professeur à l’Université de Savoie Version provisoire -1- Premières vues sur la responsabilité des professionnels. Le professionnel (homme de métier : commerçant, membre d’une profession libérale, officier ministériel, mandataire…) est une personne physique ou morale qui exerce une activité à titre habituel et dont il tire un profit. L’organisation qui lui permet d’assurer la continuité de son activité revêt généralement la forme d'une entreprise. Son partenaire (contractuel ou non) est le plus souvent mais non exclusivement un profane ou un consommateur. -2- Généralités et diversité des obligations pesant sur les professionnels1. L’étude des obligations des professionnels montre la place importante laissée au droit commun du contrat. La responsabilité civile l’innerve de part en part, le droit civil opère comme un remède universel aux lacunes du droit spécial. c’est en se fondant sur lui, que -3- La responsabilité des professionnels : un phénomène de civilisation. Il n’existe pas une discipline abritant un droit de l’activité professionnelle à l’instar du droit de la consommation23. Les raisons sont aisées à comprendre : face aux méthodes commerciales de plus en plus agressives et insidieuses, du développement et de la diffusion de plus en plus large des machines et appareils de toutes sortes, la sécurité du citoyen-consommateur est devenue une des préoccupations principales des pouvoirs publics. Un corps de règles d’origine légale, essentiellement protectrices et considérablement renforcé par une jurisprudence soucieuse de protéger la partie la plus faible, est donc né en réaction à ces pratiques. Depuis plus d’un siècle, la responsabilité des professionnels a eu tendance à toujours s’alourdir. Cela est dû à l’accroissement considérable de leur champ d'action, à l'apparition de nouveaux métiers ainsi qu’à la naissance d'obligations inédites. Cette montée en puissance a été concomitante avec l'extraordinaire demande de responsabilité qui caractérise le monde contemporain4. Il s’en est suivi une extension considérable des contraintes imposées aux professionnels en regard desquelles les interventions ponctuelles du législateur à l’endroit de telle ou telle profession5 apparaissent infiniment subsidiaires. Pour autant, le professionnel n’est pas démuni de toute protection. La loi leur reconnaît tout d’abord un certain nombre de droits spécifiques (en matière fiscale, quant aux baux….) ; et même si la jurisprudence occupe un « rôle considérable dans le droit spécialisé des contrats -dont les ‘responsabilités’ professionnelles sont le contre- jour- »6, elle a su, en tant que de besoin, adopter une certaine souplesse dans l’application des règles sévères qu’elle créait. -4- Focus sur l’obligation de renseignement et de conseil. Parmi les obligations pesant sur les professionnels, la jurisprudence a « découvert » 7 des obligations accessoires auxquelles les parties n’avaient pas songé, mais qui en découleraient naturellement comme une application de la bonne foi (art. 1134 alinéa 3 C. civ8.) ou plus encore comme « une des suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » (art. 1135 C. civil9). Certains de ces devoirs traduisent sans doute une émergence de l’idée de solidarisme contractuel10, de confiance devant s’instaurer entre les parties11, découlant de la bonne foi. L’apparition de toutes sortes de professionnels spécialisés et, par voie de conséquence, d’une diversification des contrats spéciaux, même les plus classiques comme le mandat12, implique l’existence de nombreuses diligences naissant de situations complexes et variées. Parmi ces obligations, nombreuses et importantes, l'obligation dite d’information et de conseil occupe une constitue une des illustrations les plus frappantes13. Elle retiendra, seule à ce titre notre attention dans le cadre de cette étude I - Identification de l’obligation d’information et de conseil -5- Obligation d’information (i.e de renseignements), devoir de conseil : précisions terminologiques. Eclairer un futur acheteur dans la période précontractuelle, n’est pas la même chose que le conseiller sur le fonctionnement, la pose ou le montage d’un bien acquis.Ainsi les renseignements qu’un vendeur ou un entrepreneur doit fournir avant la conclusion du contrat se distinguent de ceux qui doivent être délivrés après cette conclusion. Théoriquement, L'obligation précontractuelle de renseignement se distingue t du devoir de conseil et, a fortiori, de l'obligation de renseignement dans l'exécution du contrat, que celle-ci soit une obligation accessoire ou l'obligation principale du contrat14. Cette différence de nature commanderait une différence de régime quant à la responsabilité applicable15.Ces « distinctions plus conceptuelles que pratiques, et donc difficilement utilisables »16 ne correspondent pas à la réalité17.. En effet, pareille obligation n’est pas homogène. Son objet et son intensité varient selon la qualité des parties (spécialiste, profane, consommateur) et le type de bien vendu (chose dangereuse, complexe etc. Il est ensuite parfois difficile de distinguer l'obligation de renseignement de celle de conseil, leurs frontières étant floue18. Cela a été souligné : « le conseil étant la mise en relation d'un renseignement avec l'objectif poursuivi par le destinataire de celui-ci, l'obligation de renseignement est difficile à distinguer de l'obligation de conseil toutes les fois que le débiteur connaît – ou ne pouvait légitimement ignorer – cet objectif »19. Ceci explique peut-être que les auteurs ne s’accordent pas tous. Selon certains, il n’y a pas lieu de distinguer20. D’autres à l’inverse séparent nettement la première du second21. D’autres enfin, n’opèrent pas entre les deux une différence de nature mais de degré22. Il en résulte qu’il est difficile de synthétiser la jurisprudence qui paraît se prononcer au cas par cas23. Au-delà de cette casuistique, quelques lignes directrices semblent se dégager24.Ainsi par exemple, l’obligation d’information se retrouve dans la plupart des contrats, tandis que lorsqu’elle épouse les traits du devoir de conseil, elle trouve sa terre d’élection dans des contrats ayant pour objet le montage, l’installation d’ensembles complexes25 ou bien elle pèse sur les professionnels exerçant une profession juridique. Nous tenterons de les suivre en distinguant le contenu (A), puis l’étendue (B) de l’obligation. A / Contenu de l’obligation d’information et de conseil -6- Les parties intéressées. Si dans le cadre de notre étude le débiteur de l'information est par définition le professionnel, la détermination du « créancier » de l'information, quant à elle, mérite précision. Les bénéficiaires de l’obligation d’information sont, non seulement les consommateurs, mais encore les professionnels contractant dans leur sphère habituelle d'activité par un contrat d'adhésion ou, a fortiori, hors de leur compétence professionnelle26. Mieux, la jurisprudence engage parfois la responsabilité quasi délictuelle du mandataire professionnel qui n'a pas renseigné efficacement le tiers contractant (v. infra no 4094). Et il a été jugé, dans le même esprit, que « les rédacteurs d'actes sont tenus d'une obligation de conseil envers toutes les parties en présence »27 (2)). Ainsi, l'avocat, rédacteur d'un acte, doit éclairer toutes les parties en présence, même celles qui ne sont pas ses clientes28. - 7- L'objet de l'information : Du devoir de s’informer à l’obligation d’informer. Au point de départ, est le devoir de s’informer29 ; chacun a le devoir de veiller à ses propres intérêts et de se renseigner lui-même avant de contracter en faisant « usage de sa raison ».cependant, à partir de dispositions légales témoignant ponctuellement d’une obligation d’information30, celle-ci s’est généralisée. « Elle se manifeste surtout dans les rapports entre professionnels et non professionnels31 ; et, de manière plus générale, à chaque fois que l’une des parties ignore légitimement des informations qui lui auraient été utiles et que l’autre connaissait ou se devait de connaître »32. Ainsi un garagiste doit-il afficher ses tarifs de manière lisible… et visible33 ; il doit informer ses clients sur la nature et sur le coût des opérations d’entretien ou des réparations qu’il juge indispensable par rapport à la valeur vénale du véhicule34. le vendeur professionnel est tenu d’une obligation de connaissance que le consommateur n’a pas35. Un avocat fiscaliste doit « s'informer de l'ensemble des conditions de l'opération pour laquelle son concours est demandé »36. De même que l'assureur doit fournir à son client « une information précontractuelle adaptée à sa situation personnelle dont il [a] connaissance »37.Le démarcheur en matière bancaire va s’enquérir de la situation financière du client et de son expérience38. Informer c’est essentiellement éclairer le client, afin de rendre intelligibles les explications nécessaires qui doivent être exactes et pertinentes39. A défaut d’avoir cette connaissance, le professionnel est tenu de se renseigner afin de pouvoir renseigner le consommateur. Le partenaire contractuel n’a donc plus à se montrer curieux40, c’est au débiteur de l'information qu’il appartient d’anticiper le besoin de connaissance de son partenaire contractuel. Ce constat peut être fait quasiment dans tous les domaines41. -8- Un équilibre à respecter. Ces propos doivent être bien compris. L’ignorance du professionnel sur les besoins du client peut être légitime. Comment pourrait-il, en effet, délivrer une information correcte sans la participation active du client ? C’est dire que le renseignement donné doit en réalité résulter d’un « dialogue » entre les intéressés, seul à même de faire sourdre les besoins spécifiques du client potentiel42. A défaut donc de coopération mutuelle ou bien si le client utilise la chose à un usage inhabituel, il serait malvenu après coup de proclamer son insatisfaction. Cette exigence demeure pertinente en présence d’un devoir de conseil. B / Etendue de uploads/S4/ theme3-france-g-pignarre.pdf

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  • Publié le Jui 04, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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