UN DROIT DANS LA GUERRE ? Cas, documents et supports d’enseignement relatifs à
UN DROIT DANS LA GUERRE ? Cas, documents et supports d’enseignement relatifs à la pratique contemporaine du droit international humanitaire Marco Sassòli Antoine A. Bouvier Anne Quintin avec la collaboration de Juliane Garcia Volume III Cas et documents Seconde édition Partie III - Chapitre 1 - Remarques sur l’enseignement du DIH 1 Chapitre 1 Remarques sur l’enseignement du droit international humanitaire I. POURQUOI ENSEIGNER LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ? En premier lieu, les professeurs doivent être eux-mêmes convaincus de la nécessité d’enseigner le droit international humanitaire (DIH) ! Cependant, les étudiants doivent aussi comprendre les raisons pour lesquelles ils devraient l’étudier. En effet, ils ne feront les efforts nécessaires que s’ils comprennent son utilité et si cette dernière est mise en relation avec leurs aspirations, leurs idéaux et leur vécu. a) Pour stimuler la réflexion juridique Dans le monde actuel, les lois nationales changent rapidement. Les juristes doivent rester flexibles au sein d’un même système juridique et connaître les autres systèmes juridiques, afin d’identifier les différentes solutions dont ils disposent. L’objectif des études de droit ne consiste pas à mémoriser le droit positif, en perpétuel changement, facilement accessible dans les bases de données et les livres. Le but essentiel est donc tout autre : il s’agit d’acquérir une méthode de raisonnement et de développer des facultés de discernement et d’argumentation. Enseigner, expliquer et discuter des solutions du droit positif sont avant tout des exercices méthodologiques, dont l’objectif est de familiariser l’étudiant avec cette culture spécifique. Tout comme les informaticiens, les économistes, les philosophes et les journalistes apprennent le latin, l’arabe classique ou le sanskrit, les futurs avocats d’affaires peuvent étudier le DIH. C’est le raisonnement acquis durant l’apprentissage qui leur servira de base ultérieurement, plutôt que les règles précises concernant la conduite des hostilités, par exemple. 2 Un droit dans la guerre ? Certaines branches du droit offrent des champs d’exploration plus enrichissants que d’autres dans la poursuite de cet objectif. Le DIH mobilise des principes, tels que la distinction entre jus ad bellum et jus in bello ou celle entre civils et combattants, qui sont parfaitement indiqués pour stimuler le raisonnement juridique. Les règles détaillées ne pourront être comprises et appliquées que si les principes sous-jacents sont considérés comme des points de départ. En outre, ces principes n’apparaîtront pas comme purement théoriques. Ils doivent être pris en compte pour comprendre et débattre des solutions aux problèmes humanitaires rapportés quotidiennement par les médias. Bien sûr, d’autres aspects du DIH, tels que le traitement des prisonniers de guerre en conformité avec les règles détaillées de la troisième Convention ne susciteront probablement pas autant la réflexion et l’argumentation juridique. De ce fait, ils contribueront moins à la compréhension des interactions entre principes et règles puisqu’ils constituent simplement du droit positif régissant un problème humanitaire important. b) Pour promouvoir la « justice » dans les conflits armés Le droit n’est pourtant pas seulement une méthode de raisonnement, une technique pour justifier ou rejeter des solutions. Il est intimement lié à la justice. Il gouverne les êtres humains. La spécificité des êtres humains réside dans leur capacité à effectuer des choix éthiques. Contrairement à la Nature, la société humaine gère les frontières et les limites entre ce qui est perçu comme étant bien ou mal. Le droit ne fait pas qu’indiquer les solutions les plus efficaces, celles qui ont le plus de chances d’être respectées et qui sont les plus adaptées à la réalité. Il essaie également de servir les intérêts des êtres humains et le progrès de leur société, et tente d’indiquer une voie à suivre. Le droit essaie de protéger les plus faibles des plus puissants, quand bien même il serait plus efficace, plus réaliste et plus facile à faire respecter s’il se bornait à servir les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir. L’avocat qui ne comprend pas cet aspect du droit sera peut-être un bon professionnel mais il ne sera pas un juriste et ne servira pas la société. Comment cet aspect du droit peut-il être mieux compris qu’en étudiant le DIH, la discipline qui s’applique à l’activité la plus inhumaine, illégale, anarchique et archaïque qu’est la guerre ? Où la position du droit, dans cette interaction passionnante entre les catégories du Sollen (ce qui devrait être) et du Sein (ce qui est), pourrait-elle être mieux observée que dans l’étude, comme cet ouvrage le suggère, des protections offertes par le droit en temps de guerre ? Même ceux qui comprennent le DIH, peuvent choisir de le violer. Pour ce motif, l’enseignement du DIH est toujours, même au niveau universitaire, non seulement une tâche de formation, mais également d’éducation. Cet aspect implique des défis particuliers pour ceux qui l’enseignent, comme pour ceux qui l’étudient. Partie III - Chapitre 1 - Remarques sur l’enseignement du DIH 3 c) Parce qu’il est au point de fuite et au carrefour du droit international Étudier le droit international permet d’acquérir une compréhension plus approfondie de la nature du droit interne. Cela permet par exemple aux étudiants de dépasser les idées reçues basées sur une observation superficielle du droit interne dont les caractéristiques semblent provenir des décisions obligatoires des tribunaux et de sa mise en œuvre contraignante par la police. Lorsqu’on étudie le droit international classique, on peut observer la façon dont le droit peut fonctionner dans une société relativement désorganisée, où les sujets sont à la fois les auteurs, les destinataires et les organes principaux de l’application de ces règles. Le DIH permet de comprendre cette réalité, étant situé au point de fuite et au carrefour du droit international, où il subit son test ultime, à savoir les conflits armés. Comme expliqué plus haut, le DIH illustre parfaitement le relativisme des règles traditionnelles du droit international et les tendances modernes d’aller au-delà de cette relativité. L’un des plans de cours proposés ci-après montre que la grande majorité des questions qui pourraient être traitées dans un cours général de droit international peut être expliquée et débattue à l’appui d’exemples concernant les règles, les phénomènes et les problèmes de DIH. d) Parce que tous les étudiants ont besoin de connaître les principes fondamentaux du DIH Le droit international en général et le DIH en particulier ne devraient naturellement pas être enseignés uniquement parce qu’ils permettent de stimuler la réflexion juridique et de comprendre les mécanismes du droit. Ils méritent également d’être étudiés pour leur seul contenu. Le DIH permet aux étudiants de comprendre, en tant que juristes, un monde déchiré par les conflits armés – et particulièrement ce qui en est rapporté par les médias. Même ceux d’entre eux qui ont la chance de vivre dans des pays épargnés par les conflits armés et qui n’ont pas l’intention de travailler dans le domaine international, seront inévitablement confrontés – en tant que citoyens, juristes et en tant qu’êtres humains – à des demandeurs d’asile en provenance de régions en conflit. S’ils ne maîtrisent pas les principes fondamentaux du DIH, ils seront comme le dentiste qui aurait à procéder à une extraction dentaire sans avoir une connaissance de base de la circulation sanguine, de l’infection et de la physiologie. e) Parce que certains étudiants auront besoin du DIH dans leurs futurs métiers Il est enfin nécessaire de rappeler l’évidence. Au moment où ils suivent leur formation universitaire générale, beaucoup d’étudiants ne savent pas encore vers quelle carrière ils s’orienteront. Pour certains d’entre eux, le DIH constituera une partie de leur formation professionnelle. Par exemple, les futurs officiers des forces armées, s’ils veulent accomplir leur travail correctement et épargner de sérieux problèmes au niveau international à leur État, devront apprendre la manière dont il convient de conduire les hostilités, de traiter les civils et de 4 Un droit dans la guerre ? gérer les camps de prisonniers de guerre conformément aux règles du DIH. L’un des cas reproduits dans cet ouvrage offre d’ailleurs l’exemple du ministre de la défense du pays le plus puissant du monde, qui a dû répondre pendant une heure à des questions techniques de DIH puisqu’il ne pouvait – ou ne voulait – pas les déférer à ses experts (Voir Cas n° 270, États-Unis d’Amérique, Statut et traitement des personnes détenues à Guantanamo [Partie B.]). Pour nombre d’étudiants, le DIH sera un outil essentiel pour accomplir leur mission et pour protéger l’efficacité et l’image de leurs forces armées dans leur propre pays et face à la communauté internationale. S’ils ne le connaissent pas et ne le respectent pas, ils risqueront des poursuites pénales1. En outre, les futurs diplomates devront comprendre les mécanismes de mise en œuvre du DIH et les conséquences de la distinction entre le jus ad bellum et le jus in bello. Ils pourront ainsi conseiller leur gouvernement sur les positions à adopter dans les conférences internationales, sur la manière de réagir aux violations, de combattre le terrorisme, de mettre en œuvre une politique d’aide au développement et pourront aussi plaider devant les tribunaux internationaux. Les collaborateurs des organisations humanitaires devront disposer des meilleurs arguments de DIH pour réclamer le respect des victimes des uploads/S4/ un-droit-dans-la-guerre-volume-iii-cas-documents-et-supports-d-x27-enseignement-relatifs-a-la-pratique-contemporaine-du-droit-international-humanitaire 2 .pdf
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Licence et utilisation
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- Publié le Nov 12, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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