1 Dr. DIFFO TCHUNKAM Justine credodoc@yahoo.fr BP 1917 - Yaoundé Chargée de cou
1 Dr. DIFFO TCHUNKAM Justine credodoc@yahoo.fr BP 1917 - Yaoundé Chargée de cours - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques Université de Yaoundé II – CAMEROUN 2 Actualité et perspective du droit OHADA des affaires après la réforme de l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général du 15 décembre 2010 Résumé Soucieux de l’adéquation de son droit avec l’environnement des affaires, le législateur OHADA a révisé l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général du 17 octobre 1997 en y apportant des amendements et d’importantes innovations. Le nouvel Acte Uniforme adopté à Lomé le 15 décembre 2010 réaménage certaines conceptions connues de la commercialité pour encadrer la plupart des intervenants de la vie économique. En faisant une place importante à l’opportunité pratique des solutions et à la simplification des procédures, le processus de dématérialisation amorcé repose essentiellement sur l’équivalence fonctionnelle entre les supports physiques et numériques dans les transactions électroniques comme gage de la confiance dans l’économie numérique. C’est tout le sens et l’esprit de la réforme de 2010 qui marque le tournant vers un évolutionnisme simplificateur qui pourrait conduire à une cyberlégislation communautaire. Mots clés Activité économique – entreprenant – bail à usage professionnel – dématérialisation – équivalence fonctionnelle. 3 « Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre » J.-E.-M PORTALIS, Discours préliminaire sur le Code civil, présenté le 1er Pluviose An IX, Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, publiés par le Vicomte Frédéric PORTALIS, Paris, Joubert, 1844, réédité par le Centre de philosophie politique et juridique URA-CNRS, Université de Caen, 1992, p. 6 1. Le droit des affaires de l’OHADA a le mérite de soutenir l’évolution de l’économie. En effet, il est attentif à la pratique des affaires dont la dynamique et parfois la complexité provoque tantôt le renouvellement des normes, tantôt la production de règles nouvelles mieux adaptées aux besoins des intervenants de la vie économique. C’est sous ce prisme qu’il faut apprécier l’Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général1 issu de la réforme intervenue à Lomé le 15 décembre 2010. Ce texte qui abroge celui du 17 avril 1997 est porteur d’enseignements et d’innovations aussi bien théoriques que pratiques. Pourtant, à l’analyse, et nonobstant l’ampleur des amendements enregistrés, l’on a le sentiment que cette réforme aurait bien pu connaître une plus grande intensité au regard des enjeux de modernité et d’attractivité économique perçus comme déterminant de l’efficacité du droit. Notre contribution est confortée par l’observation de M. le Professeur J.-L. BERGEL qui, face aux innovations constantes de la pratique doublées de la complexité galopante des échanges commerciaux, constate que « le droit ne cesse d'évoluer dans un monde qui change. Les juristes travaillent (…) pour traiter des réalités de la vie et des relations humaines, politiques, économiques et sociales qui ne cessent de se développer et de se transformer. On ne peut alors se contenter de ce que l'on connaît fort bien en droit positif et qui risque de ne pas suffire pour répondre à de nouvelles situations et à de nouveaux besoins. Il faut donc tenter d'inventer d'autres instruments et d'autres méthodes, d'imaginer des solutions nouvelles, d'anticiper sur un droit en perpétuel devenir... »2. Ce travail d’anticipation emprunte alors à l’exégète l’interprétation intertextuelle de la loi et au constructivisme l’approche prospective pour tenter la conceptualisation des moules aptes à contenir « la nouvelle commercialité » adoptée par le législateur OHADA. 2. Dans cette contribution, la reconsidération des conceptions classiques de la commercialité côtoie habilement la mise en forme des bases juridiques de la cyberlégislation de l’OHADA. Elle s’opère tout d’abord à travers un double mouvement de déconstruction de certains repères classiques de la commercialité et de reconstruction3 d’une critériologie pratique adaptée à l’environnement modernisé des affaires. Ensuite, nourri de la substance économique4, le droit des affaires amorce son entrée dans l’économie numérique (et c’est le moins que l’on 1 - Ci-après : AUDCG. 2 - J.-L. BERGEL, « A la recherche des concepts émergents en droit », Recueil Dalloz, 2012 p. 1567; dans le même sens, consulter P. Le CANNU, D’un Code à l’autre : le droit commercial en mouvement, LGDJ, 2008 ; P. BLOCH, S. SCHILLER (dir.), Quel code de commerce pour demain ?, LexisNexis, 2007 ; Cour de cassation et Institut André TUNC (sous l’égide de), Bicentenaire du Code de commerce : la transformation du droit commercial sous l’impulsion de la jurisprudence, Dalloz, 2008 ; Association du Bicentenaire du Code de commerce, Bicentenaire du code de commerce, 1807-2007, Dalloz, 2008. 3 - Cette occurrence impose par conséquent une redéfinition de vecteurs de la commercialité qui tienne compte de la présence de nouveaux intervenants de la vie économique. 4 - Rappelant ici F. GENY pour qui « Le droit resterait comme un mécanisme tournant à vide s’il n’était constamment approvisionné et nourri de la substance économique », cité par P. VASILESCO, L’oeuvre de F. GENY et ses résultats, Recueil d’études sur les sources du droit en l’honneur de F. GENY, Recueil Sirey, 1981, tome II, p. 57 4 puisse dire) par la reconfiguration de l’environnement global des affaires aux fins de simplification des formalités et de dématérialisation des procédures. L’on voit alors se dessiner la roche sédimentaire délicatement tracée par l’actualité économique5 de l’OHADA qui, en construisant des passerelles transversales entre le droit civil et le droit commercial, finit par ériger en règles de droit des théories telles que l’équivalence fonctionnelle des résultats6 et la neutralité technologique7. La question qui préoccupe la doctrine cependant demeure celle de l’opportunité du maintien de la terminologie « droit commercial général » après la réforme du 15 décembre 2010 au regard des aménagements structurels engendrés dans l’environnement global des affaires. Cette problématique soulevée en son temps par certains experts avisés du droit comparé des affaires8, révèle en soi tout l’intérêt scientifique de la conciliation des concepts émergents du droit des affaires9 dans les processus législatifs. Ceux-ci postulent la prise en compte des données économiques comme critères d’évaluation de l’efficacité du droit des affaires dont le dynamisme, assez impressionnant, impose sans cesse de nouvelles structures, de nouveaux procédés de production et de commercialisation et un constant renouvellement des opérations juridiques. 3. Pour la clarté de l’analyse, l’on s'attachera de lege lata à détecter aussi bien les points de la réforme qui augurent une transformation profonde du paysage juridique de la commercialité des acteurs et des actes de commerce dans l’espace OHADA que les notions en gestation susceptibles de substituer au droit commercial général la plasticité des cadres juridiques du droit économique (I). De lege feranda, l’on envisagera la nécessité d’un Acte uniforme OHADA sur les transactions électroniques au service de l’essor de la cyberéconomie dans le continent africain (II). I- L’AMPLEUR DE LA REFORME DE 2010 SUR LA COMMERCIALITE ET L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES 4. Droit spécial, droit d’exception, droit des professions lucratives, le droit commercial, encore connu comme le droit commun des affaires et parfois aussi comme le droit économique10, est toujours appréhendé à travers sa double distanciation subjective (droit des commerçants) et 5 - J. FOYER, « L'actualité et le législateur », Actualité et droit, LPA, n° 138, 2005, p. 13. 6 - L’équivalence fonctionnelle des résultats procède d’une fiction juridique qui consiste à considérer que les supports physiques et les supports électroniques assurent les fonctions équivalentes en ce qui concerne aussi bien la validité que la preuve de certains actes juridiques. C’est par ce biais que le législateur assigne la même validité ou reconnaît la même valeur juridique à l’écrit et à la signature électronique comme moyens probatoires dans les transactions commerciales. Pour plus de développements sur l’équivalence fonctionnelle, voir infra, n°30 à 33. 7- La neutralité technologique quant à elle est une présomption de fiabilité de l’environnement technologique qui, dès lors, serait susceptible d’admettre une transposition des solutions consacrées en droit aux problèmes juridiques soulevés à l’occasion des transactions électroniques. Voir, V. GAUTRAIS, « Fictions et présomptions : outils juridiques d’intégration des technologies », accessible sur le site du Centre de Recherche en Droit Public (CRDP/CECOJI, Montréal 30 septembre 2003) de l’Université de Montréal sous le lien http://www2.droit.umontreal.ca/cours/Ecommerce/accueil.htm. 8 - Voir l’analyse faite par B. MARTOR et S. THOUVENOT, « L’uniformisation du droit des affaires en Afrique par l’OHADA », Semaine Juridique, JCP, Cahiers de droit de l’entreprise, n° 5, 2004, pp. 5-11 ; dans le même sens, J. LOHOUES-OBLE, « Innovations dans le droit commercial général », Petites Affiches, 13 octobre 2004, spéc. n°205. 9 - Pour aller plus loin sur cette notion, voir E. Le DOLLEY, Les concepts émergents en droit des affaires, Paris, LGDJ-Extenso, 2010. 10 - En faisant l’économie de toute polémique conceptuelle, voir G. RIPERT, R. ROBLOT, L. VOGEL, (Dir. M. GERMAIN), Traité de droit des affaires : du droit commercial au droit économique, Paris, LGDJ. Lex Extenso, 2010, tome 1, Introduction. 5 objective (droit des opérations commerciales) par rapport au droit civil, droit commun des relations privées. Mais quelle que soit son évolution à travers les âges, cette double distanciation n’a jamais permis de définir, encore moins de contenir de manière satisfaisante la matière. L’OHADA uploads/S4/actualite-et-perspective-du-droit-ohada-des-affaires-apres-la-reforme-de-l-acte-uniforme-relatif-au-droit-comm.pdf
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- Publié le Oct 23, 2021
- Catégorie Law / Droit
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