Cours : Institutions et principes fondamentaux du procès civil Auteur : Sylvie
Cours : Institutions et principes fondamentaux du procès civil Auteur : Sylvie DURFORT Leçon n° 6 : Droit judiciaire privé : Les actes du juge Au quotidien, les activités d'un magistrat sont multiples. Nous les examinerons en distinguant selon que ces actes revêtent ou non la qualification de décision juridictionnelle . A l'acte juridictionnel sont attachées des conséquences bien spécifiques. Tout ce qui est judiciaire n'est pas nécessairement juridictionnel, avec les conséquences particulières qui en découlent. Le juge se contente ainsi parfois de constater mais ne décide rien, il homologue. L’évolution, tant de la jurisprudence que de la doctrine sur ces questions, montre que la réflexion n’est pas figée. Section 1. Les actes juridictionnels La détermination du critère de l'acte juridictionnel est depuis longtemps une source de réflexion pour la doctrine . Il existait autrefois un contentieux, désormais quasi résorbé, quant à la place des décisions gracieuses. Une évolution s'est produite à partir du constat que dans le CPC les effets de ces décisions apparaissaient identiques à ceux des décisions contentieuses. L'enrichissement du débat dans le sens d'une prise en compte de la matière gracieuse a donc largement contribué à faire évoluer la typologie des actes juridictionnels. § 1. Le critère de l'acte juridictionnel Au départ, les propositions émanaient surtout des auteurs de droit public. Les critères proposés l'étaient essentiellement par référence à la matière contentieuse ; ils ont d'abord été liés au formalisme entourant les actes juridictionnels, puis à leur matérialité . A. Les critères formels Trois théories peuvent se rattacher à la conception formelle de l'acte juridictionnel : la thèse du critère organique , celle du critère procédural et celle de l'autorité de la chose jugée. Nous les présenterons successivement en faisant à chaque fois état des objections formulées à leur encontre. 1. Le critère organique 1 UNJF - Tous droits réservés • Cette théorie s'attache essentiellement à l'autorité dont émane la décision et en tire ensuite des conséquences quant à sa qualification (Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'Etat, 1920-1922, t. 1, p. 268s). Le critère fait référence à l'auteur de l'acte, défini comme un organe juridictionnel spécialisé, hiérarchisé, indépendant et impartial. La décision émanant d'un organe répondant à cette définition serait un acte juridictionnel. • On a objecté à cette proposition que les mesures d'administration judiciaire, dépourvues du caractère d'acte juridictionnel émanaient pourtant d'autorités répondant à cette définition. On peut aussi mentionner les autorités administratives indépendantes, qui rendent des décisions juridictionnelles, alors que la qualification d'organes juridictionnels leur a été déniée. 2. Le critère procédural • Cette théorie considère comme juridictionnel l'acte élaboré selon une procédure particulière donnant des garanties aux plaideurs. • Cet argument n'apparaît pas décisif car il existe aussi des procédures protectrices des droits individuels devant les commissions administratives, les jurys d'examens... 3. Le critère de l'autorité de chose jugée • Les partisans de cette thèse, considéraient comme juridictionnels les actes possédant un tel effet d'autorité de chose jugée (Jèze, Principes généraux du droit administratif, t. 1, n° p. 48s. ; Japiot, Traité élémentaire de procédure civile et commerciale, 3ème éd. 1935, n° 136 s.). • Ici le raisonnement est apparu faussé par inversion : l'acte juridictionnel a certes été assorti par le législateur de l'autorité de chose jugée, mais la détermination de la nature d'un acte ne découle pas de ses effets. B. Les critères matériels Après qu'aient été développés des critères structurel ou tenant à la contestation, le critère téléologique apparaît désormais retenu par la majorité de la doctrine contemporaine. 1. Le critère structurel • Ce critère a été proposé par Duguit, qui mettait en avant la structure de l'acte, considérant que l'acte juridictionnel comportait à la fois une prétention, une constatation et une décision, à la différence de l'acte administratif (Duguit, L'acte administratif et l'acte juridictionnel, RDP 1906 p. 446 s.). • La critique a objecté que la prétention était extérieure à l'acte et que tous les actes 2 UNJF - Tous droits réservés juridictionnels ne comportaient pas de décision (ex : question préjudicielle, demande non fondée) . Selon Serge Guinchard, même si elle doit être combinée avec des critères formels, la constatation effectuée par le juge reste le principal élément caractéristique de l'acte juridictionnel (S. Guinchard et F. Ferrand, Procédure civile, précis Dalloz, éd. 2006 n° 206). Pour J. Héron, toute constatation n'était pas absente des actes administratifs (Héron, Droit judiciaire privé, Montchrestien, 1ère édition, 1991, n° 267; 2ème édition 2002, par Thierry Le Bars, n° 311). 2. Le critère de la contestation • Japiot considérait que le propre de l'acte juridictionnel était l'existence d'un litige à trancher, entendu comme une contestation acceptée par les parties et soumise au juge (Japiot, op. cit., n° 147). • D'autres auteurs ont argué qu'une telle notion de contestation n'apparaissait pas forcément dans le cas de prétentions unilatérales (ex : recours pour excès de pouvoir) et que la détermination de la notion de litige s'avérait complexe, voire était absente des décisions gracieuses et des jugements rendus en équité. 3. Le critère téléologique Le critère téléologique, critère du but, de la finalité de l'acte) apparaît comme majoritairement retenu, avec des variantes, par la doctrine contemporaine: Serge Guinchardmet ainsi en exergue le but de la fonction juridictionnelle, qui consiste à dire le droit en opérant une constatation, c'est-à-dire une vérification des situations juridiques (S. Guinchard, op. cit., n° 161 p. 202). Il estime qu'il n'y a pas à prendre en compte la sanction qui émane de la décision et constitue un acte administratif. Pour Jacques Héronl'acte juridictionnel se caractérisait par une intervention du juge dans l'intérêt de la légalité (J. Héron, op. cit., 1ère édition, n° 271 et 2ème édition, par T. Le Bars, n° 315) . Il se fondait sur un critère, issu de la doctrine italienne, faisant valoir que le juge est un tiers, étranger aux intérêts en cause et préoccupé du seul respect de la légalité, d'où une différence avec l'administrateur, qui agit lui dans l'intérêt du service public. Ainsi, en matière contentieuse, sa mission consisterait à lever les obstacles à l'activité d'une personne, résultant de la résistance active ou passive d'un adversaire : l'appel au juge, autorité indépendante, se justifierait par l'interdiction de la justice privée. En matière gracieuse, l'obstacle serait artificiel et dressé par la loi qui voudrait que le juge agisse en cette qualité, d'où le rattachement de la matière gracieuse aux actes juridictionnels. Loïc Cadiet considère lui aussi que le critère tient à la nature de l'activité juridictionnelle : c'est l'acte par lequel le juge, saisi d'une situation donnée statue par application des règles de droit relativement à cette situation, peu important qu'il y ait litige ou pas, qu'il soit ou non déclaré (L. Cadiet, op. cit, n° 313 p. 140) . L. Cadiet précise que l'activité judiciaire comporte à la fois une démarche inductive (opération de qualification) et une démarche déductive (opération de décision) en liaison avec le syllogisme judiciaire. 3 UNJF - Tous droits réservés Conclusion : en fait, il est possible de combiner critères formels et matériels pour considérer comme juridictionnel l'acte émanant d'un juge qui, à l'issue d'une procédure procède à une constatation lui permettant de vérifier une situation au regard des règles de droit. Cette définition inclut la matière gracieuse . Mémo récapitulatif : Les critères de l’acte juridictionnel # Critères formels # Critères matériels • Critère organique : autorité dont émane la décision • Critère procédural : conditions d’élaboration de la décision • Critère de l’autorité de chose jugée : effet de l’acte juridictionnel • Critère structurel : acte composé d’une prétention, d’une constatation et une décision • Critère de la contestation : soumission au juge d’un litige à trancher • Critère téléologique : finalité de l’acte : vérification d’une situation par le juge au regard de la légalité § 2. Les effets de l'acte juridictionnel Certains effets touchent au fond du droit, d'autres à la procédure, d'autres encore à la force exécutoire. Jacques Héron a illustré la distinction, en précisant que le référé ne dispose que du seul effet substantiel, tandis que les jugements déclaratoires n'ont que les effets processuels (J. Héron, op. cit., 1ère édition n° 279 p. 205 et 2ème édition, par T. Le Bars, n° 330.) . Les effets substantiels sont liés aux faits allégués dans la demande et se traduisent par l'admission ou le rejet de la prétention, entraînant en général une modification de la situation de droit substantiel des parties (cela peut aussi valoir aussi en cas de jugement déclaratif car alors la personne ne tient plus son droit d'une règle abstraite mais d'une décision). Ces effets mettent en cause selon J. Héron le droit de l'auteur de la prétention à l'effet juridique de la règle. La force exécutoire consiste dans la possibilité de mettre en oeuvre la décision en recourant si besoin à la force publique. Elle n'appartient pas qu'aux jugements et n'assortit pas les jugements étrangers non exequaturés. Nous n'examinerons que les effets processuels qui sont, d'une part, l'autorité de chose jugée dont le domaine se limite à la constatation des uploads/S4/djp-6-les-actes-du-juge 1 .pdf
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- Publié le Aoû 15, 2021
- Catégorie Law / Droit
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