Saoudi Mohammed LA LIBÉRTÉ CONTRACTUELLE Introduction L’idée de liberté occupe

Saoudi Mohammed LA LIBÉRTÉ CONTRACTUELLE Introduction L’idée de liberté occupe depuis longtemps une place importante dans la pensée philosophique et juridique. Elle se trouve dans l’ouvre de Jean-Jacques Rousseau, notamment dans sa théorie du « contrat social », ainsi que celle de Montesquieu dans son essai « De l’esprit des lois ». Le terme de liberté porte plusieurs significations, comme l’indique Montesquieu : « Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations ... que celui de liberté ». En effet, la liberté échappe à toute définition « à la fois précise, quant à la signification, et générale, quant au contenu »1. Malgré la difficulté de réduire la liberté à une seule acception2, elle peut être entendue, selon les dictionnaires juridiques, comme « l’état d’une personne ou d’un peuple qui ne subit pas de contraintes, de soumissions, de servitudes exercées par une autre personne, par un pouvoir tyrannique ou par une puissance étrangère. C’est aussi l’état d’une personne qui n’est ni prisonnière ni sous la dépendance de quelqu’un »3. Au sens pratique, la liberté « est l’indépendance du vouloir à l’égard de toutes contraintes exercées par des impulsions à la sensibilité »4. Pour les individus, cette liberté est consacrée à l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Elle consiste « à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Ainsi, « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ». La liberté est donc le « pouvoir d’agir, au sein d’une société organisée, selon sa propre détermination, mais dans la limite des règles définies »5 et il appartient au seul législateur de déterminer ses bornes. Par conséquent, l’exercice de la liberté se fait selon la règle « tout ce qui n’est pas interdit est permis » car, d’après l’article 5 de la Déclaration, « Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché ». Ainsi entendue, la liberté peut revêtir plusieurs aspects, telle la liberté d’opinion6, la liberté d’expression qui est « un des droits les plus précieux »7, la liberté religieuse…etc. Parmi ses multiples aspects, la liberté trouve une application dans le domaine conventionnel. L’article 1101 du Code civil définit le contrat comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». En d’autres termes, le contrat est un 1 M. VERPEAUX, « La liberté », AJDA, 1998, n° spécial, P. 144. 2 J. ROBERT, Droit de l’homme et libertés fondamentales, Montchrestien, 1993, P. 13. 3 https://www.toupie.org/Dictionnaire/Liberte.htm ; voir aussi, G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 1987, P. 476. 4 H. DAUDIN, La liberté de la volonté : signification des doctrines classiques, PUF, 1950, P. 221 5 M. VERPEAUX, « La liberté », op.cit, P. 144 6 L’article 10 D.D.H.C. de 1789 7 L’article 11 D.D.H.C. de 1789. accord de volontés qui sont exprimées, en vue de produire des effets de droit et auxquels le droit objectif fait produire de tels effets. Dans ce cadre, la liberté a été consacrée comme l’un des principes fondamentaux régissant la conclusion du contrat car « le contrat par sa nature respire la liberté »8. Ce principe est la « liberté contractuelle ». Il est dérivé du dogme de l’autonomie de la volonté qui désigne le fait pour la volonté de se donner à elle seule ses propres lois. L’expression de l’autonomie de la volonté, qui est fondée sur la philosophie individualiste et le libéralisme économique des 18ème et 19ème siècles9, se traduit en droit des contrats par l'affirmation selon laquelle l'obligation contractuelle repose exclusivement sur la volonté des parties. La volonté a le pouvoir de créer sa propre loi et elle a seule ce pouvoir. Autonome, la volonté est libre de créer des droits subjectifs, et elle ne doit pas pouvoir se laisser imposer d’obligations10 ; « Les seules obligations légitimes que le contrat fait naître sont celles qui ont été voulues »11. Dès lors, il convient de se questionner sur la portée du principe de la liberté contractuelle. Pour cela, il nous parait judicieux d’analyser dans un premier temps le concept de la liberté contractuelle (A.), pour ensuite montrer les limites à ce principe (B.). A. Analyse du principe de la liberté contractuelle 1. Le portrait général du principe : La liberté contractuelle est l'essentiel de l'autonomie de la volonté. Elle signifie : « la liberté de conclure ou non, avec qui l'on veut, diverses sortes de contrats susceptibles d'être totalement aménagés par des stipulations particulières »12. Elle constitue l’une des plus anciennes libertés du système juridique français. La liberté contractuelle prend naissance avec le développement du consensualisme à partir du 17e siècle et s'épanouit progressivement au point de devenir l'un des éléments essentiels du droit des obligations. La liberté contractuelle est également une liberté originaire qui conditionne la reconnaissance et l’exercice de libertés dérivées, telles que le droit de propriété, la liberté d’entreprendre ou encore la liberté d’association. Le droit des contrats est dominé par ce principe de la liberté contractuelle selon lequel, un individu est libre de contracter ou non « mais encore et surtout de déterminer à son gré le contenu du contrat »13. C’est-à-dire, qu’il va prévoir toutes les clauses voulues 8 P. ESMEIN, Obligations, T. IV, 1e partie, in M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, éd. LGDJ, 1952, 2e éd., P. 17. 9 L. LEVENEUR, « La liberté contractuelle en droit privé », AJDA, 1998, P. 676. 10 Ibid. 11 Ibid. 12 L. LEVENEUR, op.cit., P. 676. 13 J. Carbonnier, Droit civil, les obligations, 24èm éd, PUF, 2000, P.36 dans le contrat. Et si le législateur dans le code civil par exemple, organise des types de contrats (contrat de vente…), il n’impose rien car il propose des modèles aux parties. On va dire que les règles sont supplétives de la volonté des parties. Par exemple, le vendeur doit une garantie à l’acquéreur contre les défauts cachés de la chose vendue. Mais ce n’est qu’une proposition du législateur. Cette liberté se trouve lorsqu’on s’intéresse plus à la forme du contrat, la liberté contractuelle implique le consensualisme. C’est-à-dire que la volonté des parties n’est pas enfermée dans des formes obligatoires. L’accord de volonté forme le contrat, on n’a pas besoin de le compléter des formalités particulières. Par exemple, on n’a pas besoin d’écrit. C’est l’idée que la parole donnée a une valeur contre contractuelle. Et le code civil consacre parfaitement le principe du consensualisme. L’accord de volonté est indispensable, nécessaire, mais il est suffisant pour former le contrat. On peut remarquer qu’en 1804, l’idée du consensualisme était révolutionnaire car le droit romain et l’Ancien Droit ne connaissaient pas le consensualisme. Au contraire, ces systèmes juridiques étaient formalistes, c’est-à-dire qu’au-delà de l’accord de volonté, pour former le contrat, il fallait respecter des formalités pouvant passer par l’intervention ou l’accomplissement des rites. 2. Les aspects de ce principe : En droit privé, la liberté contractuelle est qualifiée de principe premier du droit des contrats. Toutefois, il est notable qu’elle ne soit pas caractérisée par une définition abstraite ; elle est plutôt envisagée selon une approche globale, c’est-à-dire, la liberté contractuelle s’identifie par ses éléments constitutifs. Le fait que ce principe soit issu du dogme de l’autonomie de la volonté lui procure quatre aspects essentiels14. Tout d’abord, la liberté contractuelle implique la liberté de contracter ou de ne pas contracter. En effet, elle peut être une liberté positive ou une liberté négative car par le contrat, des obligations sont volontairement souscrites, et chacune (des parties) peut donc choisir de ne pas contracter. Cette faculté, consacrée par l’article 1123 du Code civil15, de recourir ou non au contrat peut cependant être restreinte par la réglementation16. 14 La nouvelle rédaction de l’article 1102 du Code civil – issue de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations –, relève ces quatre aspects : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ». La disposition entre en vigueur le 1er octobre 2016. 15 L’article 1123 du Code civil prévoit que : « Toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi » / art 3, al. 2 du DOC : « Toute personne est capable d'obliger et de s'obliger, si elle n'en est déclarée incapable par cette loi. » 16 Par exemple, l’article 515-2 du Code civil interdit le mariage entre ascendants et descendants en ligne directe. L’article L. 225-43 du Code de Commerce interdit aux administrateurs personnes physiques d’une société anonyme de se faire cautionner ou se voir consentir de prêt par celle-ci. L’article L. 122-1 du Code de la consommation confirme uploads/S4/liberte-contractuelle.pdf

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  • Publié le Jui 14, 2021
  • Catégorie Law / Droit
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