1 CREOP Centre de Recherches sur l’Entreprise, les Organisations et le Patrimoi

1 CREOP Centre de Recherches sur l’Entreprise, les Organisations et le Patrimoine, Université de Limoges. EA 4332. Livret de culture juridique générale à l’usage de l’expert judiciaire par Marcel Bayle Professeur des universités Docteur d’Etat en droit Codirecteur du Centre de Recherches sur l’Entreprise, les Organisations et le Patrimoine (CREOP, Université de Limoges, EA 4332) Avec la collaboration de Romain Dumas, Maître de conférences de droit privé, auteur des pages 55 à 70 de ce livret. Ce livret, mis à jour fin décembre 2011, est à la disposition des personnes désireuses de se présenter aux épreuves du Diplôme d’Université d’expertise judiciaire, dans le cadre de la formation de 72 heures mise en place à l’Université de Limoges, formation conçue par l’auteur de ce livret. 2 Objet du livret La loi N° 2004-130 du 11 février 20041 a modifié la loi N° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. Désormais, l’article 2 de cette loi de 1971, dans sa rédaction de 2004, prévoit une période probatoire de deux ans pour les personnes inscrites sur une liste de cour d’appel en tant qu’expert judiciaire. A l’issue de cette période, elles doivent présenter une nouvelle candidature. La réinscription, pour une durée de cinq ans, se fera après avis motivé d’une commission associant des représentants des juridictions et des experts. « A cette fin, sont évaluées l’expérience de l’intéressé et la connaissance qu’il a acquise des principes directeurs du procès et des règles de procédure applicables aux mesures d’instruction confiées à un technicien ». Les réinscriptions ultérieures se feront elles aussi sous les mêmes conditions, pour une nouvelle durée de cinq ans. Le décret d’application de la loi du 11 février 2004 est du 23 décembre 20042. Les candidats à l’inscription et aux réinscriptions ont désormais tout intérêt à fournir une attestation ou mieux, un diplôme universitaire, constatant leur maîtrise des principes directeurs du procès et des règles de procédure. Ce document prouvera plus globalement qu’ils détiennent une vraie culture juridique générale éclairant le contexte de leurs missions techniques. Un expert peut-il comprendre le sens de sa mission et les incidents qui risquent de l’émailler, sans connaître le vocabulaire juridique ou sans savoir, par exemple, ce qu’est une personne juridiquement capable ? L’objet de ce livret est d’abord de fournir les éléments de cette culture juridique fondamentale. 3 Mode d’emploi du livret La vocation première de ce livret est de familiariser les stagiaires du Diplôme d’Université d’Expertise Judiciaire avec le vocabulaire usuel qu’emploient les juristes français. Dans une formation courte, il n’est pas possible de consacrer un important volume horaire à la terminologie juridique. Pourtant chaque mot a son importance ; ne pas en maîtriser le sens est source de confusions. Or la plupart des stagiaires, tout en étant fort compétents dans leurs domaines techniques respectifs, n’ont pas reçu de formation juridique. Il s’agit de leur permettre d’accéder à la compréhension des échanges verbaux et écrits auxquels ils sont confrontés en tant qu’experts judiciaires. Ce livret est donc un socle sur lequel l’expert pourra construire ses connaissances juridiques à l’aide des matériaux apportés par chacun des intervenants de cette formation. Tout stagiaire devra le compléter à l’aide des cours entendus dans la formation. La formation a elle-même un objectif déterminé : il ne s’agit pas de délivrer un brevet de compétence technique aux diplômés. Le diplôme délivré valide une formation juridique de 72 heures : il atteste que la personne diplômée maîtrise l’environnement juridique de sa mission, ce qui lui permettra d’améliorer la pertinence, l’utilité et la lisibilité de son rapport d’expertise. C’est une formule d’intégration facilitée de la mission d’expertise dans le procès. 4 L’adjectif « judiciaire », qui qualifie le substantif « expertise », dans l’expression « D.U. d’expertise judiciaire », est ici utilisé dans son sens le plus large. Lato sensu, il désigne en effet ce qui appartient à la justice, qu’il s’agisse de la justice civile, de la justice pénale ou de la justice administrative. A cet égard, on prend conscience des phénomènes de polysémie qui compliquent la compréhension du droit. Le même mot du langage juridique a en effet parfois plusieurs sens. C’est ainsi que l’adjectif « judiciaire » est souvent utilisé stricto sensu pour qualifier les juridictions (tribunaux et cours) qui ne sont pas des juridictions administratives. En ce sens, les juridictions judiciaires constituent un ordre juridictionnel distinct de l’ordre administratif. Les stagiaires doivent donc connaître le sens large et le sens strict du mot « judiciaire », comme ils doivent connaître le ou les sens des multiples termes juridiques auxquels ils sont confrontés dans leur mission d’experts. A partir de 2010, est apparue une nouvelle dénomination : celle d' expert de justice. Le but des promoteurs de cette terminologie est d'englober dans une seule catégorie les experts nommés par les tribunaux relevant des deux ordres juridictionnels : l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. En réalité, comme l'ordre administratif ne dispose pas de liste officielle spécifique, l'intérêt d'un expert est d'être inscrit sur la liste tenue à la Cour d'Appel (juridiction de l'ordre judiciaire). Cela reste vrai, bien qu'en théorie les juges puissent désigner toute personne qu'ils estiment techniquement fiable et moralement irréprochable. En tout cas, vous pouvez employer indifféremment les expressions "expert judiciaire" ou "expert de justice". La première reste la plus utilisée. Dans ce livret, l’emploi de chaque mot ayant un ou des sens juridiques est assorti de repères visuels qui le singularisent lorsqu’il est utilisé pour la première fois. Ce mot est écrit en italiques et en gras lorsqu’il est suivi ou entouré de l’explication qui permet d’en comprendre le sens. Ainsi, le lecteur peut-il parcourir 5 « visuellement », avec rapidité, sans lire l’intégralité de l’ouvrage, les pages de son choix pour acquérir des éléments de terminologie. Il ne s’agit pourtant pas d’un lexique de termes juridiques. L’auteur a seulement souhaité familiariser les experts judiciaires au vocabulaire juridique français, en intégrant chaque terme de ce vocabulaire spécifique dans un texte facile à lire. Sa principale finalité est d’ordre pédagogique. Le sens de chaque mot se déduit du contexte dans lequel il est employé. Ce document n’a rien d’encyclopédique. Il est complété en annexe par quelques remarques sur l’orthographe ou (et) le sens de certains mots de français courant, utilisés fréquemment dans le vocabulaire juridique. Attention : à la fin de cette formation, vous ne serez pas devenu juriste, spécialiste du droit, capable de donner des consultations juridiques. Vous aurez simplement acquis une meilleure capacité de compréhension du contexte dans lequel se situe votre mission d’expertise ; vous aurez une culture juridique générale. Vous percevrez plus facilement l’attente du juge, et vous comprendrez ce que vous dira un avocat, un huissier, un greffier... D’ailleurs, le technicien qui se met au service de la justice n’a pas à fournir de consultation juridique : il doit se contenter d’éclairer le juge sur les faits litigieux ; le juge opèrera lui-même la qualification juridique de ces faits et en tirera les conséquences3. En somme, le juge est technicien du droit alors que l’expert est technicien du fait. Encore faut-il, dans le respect des règles de procédure, que le juge soit correctement renseigné par l’expert ; cela suppose que ce dernier ait une compréhension acceptable de ces règles, une connaissance du déroulement général du procès. Lorsqu’un code de procédure emploie le mot technicien, c’est pour désigner l’expert. Par exemple, l’article 232 du code de procédure civile indique : « Le juge peut commettre toute personne de son 3 L’article 238 du code de procédure civile précise que le technicien ne doit jamais porter d’appréciation juridique ; toutefois la jurisprudence admet que le juge est en droit de s’approprier l’avis d’un expert, même si celui-ci a exprimé une opinion d’ordre juridique excédant les limites de sa mission. 6 choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ». Evoquer le technicien, c’est déjà parler des techniques, ce qui mérite précision. On considèrera deux grandes catégories de techniques. D’une part existent les techniques qui éclairent la compréhension des faits : on y trouve notamment les techniques scientifiques, artistiques, médicales, comptables, industrielles, immobilières, agricoles, piscicoles, cynégétiques ; on y rencontre aussi les techniques de construction, d’entretien, d’évaluation de prix, de coûts, de fiabilité de matériels, les techniques d’interprétariat, etc. Chaque expert, dans son domaine spécifique, doit maîtriser ces techniques : la présente formation est sans incidence sur cette maîtrise. D’autre part, existent les techniques juridiques. Le juriste maîtrise notamment des techniques qui permettent de passer du fait au droit. Il sait qualifier juridiquement les faits. Lorsqu’il a accompli ce travail, il recherche la ou les règles de droit applicables et il en déduit des conséquences pratiques qui vont s’imposer aux personnes jugées. On examinera plus bas cette démarche intellectuelle. Pour l’heure, il suffit d’avoir conscience que le droit est composé d’un ensemble de techniques. C’est ce qui permet d’admettre qu’un apprentissage soit indispensable à toute personne qui veut parfaitement comprendre le déroulement d’un procès et ses conséquences uploads/S4/livret-de-culture-pdf.pdf

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  • Publié le Fev 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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