UNIVERSITE DE KINSHASA FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES COURS D’ECONOMIE DU DEV

UNIVERSITE DE KINSHASA FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES COURS D’ECONOMIE DU DEVELOPPEMENT 1ère Licence Professeur : Jean G. NYEMBO-SHABANI Année Académique 2008-2009 Economie du développement - 1 - En 1979, la Turquie n’exportait que 3% de sa production, contre 25% en 2007 ! Comment passe-t-on de 3 à 25% ? D’une industrialisation archaïque, repliée sur elle-même, au dynamisme, à l’exportation ? Du Tiers-Monde au statut de « dragon » économique, en l’espace de vingt-cinq ans seulement ? ». Guy SORMAN « Pour un économiste contemporain, l’enjeu n’est pas de comprendre la pauvreté, puisque, depuis l’origine des temps, elle est le lot commun de l’humanité. Mieux vaut s’interroger sur les causes de l’avance occidentale et, à partir de là, sur les conditions éventuelles de sa replicabilité». Guy SORMAN « (…) L’objectif essentiel de l’économie du développement est de rechercher à comprendre le processus qui permet de transformer une collectivité au taux d’épargne de 5% en une collectivité affichant un taux d’épargne de 12%.» Arthur LEWIS Economie du développement - 2 - TITRE I LA PREEMINENCE DES FAITS ECONOMIQUES DANS LA MARCHE DU MONDE Economie du développement - 3 - « L’économie est une facette omniprésente de tous les événements qui agitent le monde». Professeur Mark EYSKEENS « Avant –hier les rois demandaient aux sorciers et autres prêtres l’onction qui les légitimeraient. Hier ce fut le général victorieux ; aujourd’hui l’économiste». Professeur Jacques SAPIR Economie du développement - 4 - CHAPITRE PREMIER L’ECONOMIE COMME POLE D’ATTRACTION DES SOUCIS PERSONNELS DE L’HOMME Economie du développement - 5 - « Mais l’homme n’est pas qu’esprit. Les nécessités économiques sont aussi un pôle d’attraction de ses préoccupations et de son activité. Elles sont impérieuses[…] ». Le Révérend Père KAELIN, o.p Economie du développement - 6 - 1.1. La place des soucis économiques personnels dans les préoccupations majeures de l’être humain. L’histoire nous apprend que le souci dominant de l’homme a toujours été de nature économique : gagner sa vie et pourvoir aux besoins de sa famille. Telle est sans aucun doute la préoccupation essentielle qui détermine principalement le degré de satisfaction, sinon de bonheur de la plupart des hommes. Au psychosociologue Hadley CANTRIL nous devons les résultats d’une de ses enquêtes sur les soucis personnels et essentiels des citoyens de douze pays, riches et pauvres, communistes et non communistes, répartis sur cinq continents1. Pour cette enquête, l’auteur a demandé à chaque personne interrogée de définir dans ses propres termes « Le meilleur des mondes possibles ». Ce qui revient à spécifier une série des conditions d’existence qui amèneraient la personne interrogée à estimer qu’elle vit pleinement sa vie, c'est-à-dire qu’elle est heureuse parce qu’elle est satisfaite de la vie qu’elle a choisi de vivre. Comme le montre le tableau 1.1, ayant classé ses références en neuf catégories, CANTRIL fait ressortir une orientation des préoccupations remarquablement semblables d’un pays à l’autre. En effet, il se constate que, dans tous les pays, les soucis économiques personnels sont très nettement ceux qui sont mentionnés le plus fréquemment et cela malgré la présence parmi les neuf catégories d’une catégorie distincte « emploi ou situation professionnelle », qu’on peut logiquement intégrer à celle des préoccupations économiques. 1 CANTRIL Hadley, The Pattern of Human Concerns, in EASTERLIN Richard A, La Croissance Triomphante sur le XXIè siècle, Paris, Nouveaux Horizons, 1996, pp.148 - 151 Economie du développement - 7 - Economie du développement - 8 - Viennent ensuite les préoccupations se rapportant à la famille et à la santé. Par contre, celles relatives aux grands problèmes internationaux ou nationaux comme la guerre, les libertés politiques ou civiques et l’égalité sociale ne sont mentionnées que par une faible proportion des personnes interrogées. Pour tout dire, les soucis personnels concernant l’économie, la famille et la santé – mais surtout l’économie – ont une importance prépondérante dans les pays du monde entier, les préoccupations plus larges d’ordre politique ou social étant reléguées loin derrière les préoccupations économiques. Il coule de source qu’entre les hommes et les femmes de la planète, le consensus règne sur cette conclusion. Il est particulièrement important de noter que ce consensus est fondé sur l’expérience et des données vérifiables, empiriquement démontrables et ce, par- delà les clivages et les préférences politiques et les désordres théoriques. On se réfère ici aux travaux d’une génération d’économistes dont l’ambition est d’aborder les sciences sociales, les sciences politiques et l’histoire en faisant recours aux outils mathématiques pour décrire, comprendre et prévoir les comportements collectifs. Nous en parlerons plus loin. 1.2. La croissance comme une réalité fondamentale de notre ère, le pivot de nos aspirations terrestres. Le tableau 1.1 de la page précédente dégage la similarité dans les modalités générales de la vie humaine, c'est-à-dire la similarité dans les préoccupations individuelles du genre humain. Chez tous ceux qu’intéresse la marche du monde, cette observation fait l’unanimité. Ce qui nous amène à avancer l’idée selon laquelle la croissance est une réalité fondamentale de notre ère. Elle accapare notre vécu quotidien. D’où l’affirmation du professeur Mark EYSKENS, convaincu que : Economie du développement - 9 - «L’économie est une facette omniprésente de tous les événements qui agitent le monde. Que le citoyen s’y intéresse ou non, elle l’enserre dans un filet quasi inextricable de faits et d’interrogations »1 Comme pour faire écho à cette assertion, le professeur Achille HANNEQUART renchérit en termes ci – après : « [...] la croissance économique des sociétés et la richesse des nations sont à l’avant-plan des préoccupations »2 Telle est aussi la conviction de Richard A. EASTERLING persuadé que : « Le Depuis le milieu du XX è siècle, la caractéristique essentielle de l’histoire est le phénomène de la croissance économique moderne. Dans les régions où elle a commencé, cette croissance a plus que décuplé le niveau de vie matériel de l’individu moyen et totalement transformé la vie de tous les jours fait est là. ? »3 D’où l’intérêt spécifique que revêt la croissance dans la marche du monde et dans le vécu quotidien d’une large frange de l’ensemble de la population mondiale au point de considérer la croissance comme le seul avenir souhaitable et possible. Tout en décriant l’aura trop exagéré dont jouissent aujourd’hui la science économique et les économistes de talent, le professeur Jacques SAPIR finit par émettre malgré tout sur la même longueur d’ondes que bon nombre de ses pairs puisqu’il observe que : 1 EYSKENS M., L’économie pour tous, Bruxelles, Editions Labor, 1989, p.9 2HANNEQUART A., Histoire économique de l’Europe, Bruxelles, Editions de Boeck, 1993, p.v 3 EASTERLING R.A. Op. cit Economie du développement - 10 - «Le fait est là. Avant-hier les rois demandaient aux sorciers et autres prêtres l’onction qui les légitimerait. Hier ce fût le général victorieux ; aujourd’hui l’économiste? »1 Allant plus loin, l’auteur va jusqu'à témoigner que : «Pas de journaux ou de chaînes radio et télévision qui n’ait « son » économiste aux indiscutables références universitaires, voire même son émission spécialisée. Peu de gouvernements qui ne s’enorgueillissent d’en compter en leur sein. Allons plus loin, peu de démocraties qui, progressivement, ne remettent leur destin entre les mains de collèges d’experts économiques, que ce soit sous la forme de banques centrales indépendantes ou de comités chargés de réguler les marchés. L’expertise économique semble devoir inéluctablement borner la démocratie. On peut s’en offusquer comme on peut s’en réjouir. On peut y voir une abdication de la souveraineté populaire comme on peut estimer que ce mouvement constitue une montée du principe de compétence»2 Cette vision du Professeur SAPIR est conforme à la réalité, surtout depuis la formidable explosion de l’économie industrielle éclatée en Angleterre vers la fin du XVIIIè siècle, avant de déferler sur l’ensemble de l’Europe et de l’Amérique du Nord. En effet, depuis lors les faits sociaux qui se produisent en vue de l’acquisition et de la consommation des richesses tiennent le haut du pavé dans l’éventail des événements et des préoccupations qui rythment la marche du monde tout en s’imposant à l’être humain et aux nations modernes comme une donné naturelle. 1 EYSKENS M., L’économie pour tous, Bruxelles, Editions Labor, 1989, p.9 2 Sapir J., Les trous noirs de la science économique. Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Paris, Editions Albin Michel. 2000, page 13. Economie du développement - 11 - Il est donc évident que la prépondérance des intérêts économiques dans les soucis personnels du genre humain n’est nullement une vue de l’esprit. Ainsi que le confirment les chiffres du tableau 1.1 et les analyses de la nouvelle génération des économistes, ladite prépondérance est fondée non seulement sur les enquêtes d’opinion, mais aussi sur des faits quantifiés1. Elle mérite de ne pas être négligée ni ignorée et ce, dans la mesure où elle rappelle à ceux qui ont la charge de la marche du monde que les intérêts commandent l’histoire tout en confirmant que les individus sont mûs par la recherche de leurs intérêts matériels. Ce qui conduit à toujours garder à l’esprit que la quête du mieux-être ou sa conservation est le moteur des sociétés humaines. «Bien entendu, uploads/Finance/ ecodev-prof-nyembo-2009-1-1.pdf

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  • Publié le Jul 06, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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