Groupe de réflexion présidé par Jacques Attali Pour une économie positive Fayar
Groupe de réflexion présidé par Jacques Attali Pour une économie positive Fayard / Rapporteures générales : Julie Bonamy et Angélique Delorme Le rapport a été confié à Jacques Attali par le président de la République à l’occasion de la première édition du LH Forum lancé à l’initiative du Groupe PlaNet Finance en septembre 2012 au Havre. Le rapport a bénéficié des partenariats de Oliver Wyman Couverture : Atelier Didier Thimonier ISBN : 978-2-213-67820-7 © Librairie Arthème Fayard / Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2013. 7 Avertissement Économistes, chefs de petites ou moyennes entreprises, représentants d’organisations internationales, dirigeants de mul- tinationales, entrepreneurs sociaux, acteurs du monde acadé- mique, sociologues, climatologues… Le groupe de réflexion sur l’économie positive a réuni un large groupe de personnalités, françaises et internationales, issues d’horizons très divers, pour permettre des échanges vifs, riches et nourris, une appréhen- sion la plus large possible du thème abordé et l’émergence de propositions ambitieuses destinées à rompre avec le système économique actuel. Par ailleurs, des jeunes âgés de 16 à 30 ans, acteurs principaux du monde économique de demain, ont débattu de leur vision du monde en 2030 et de leur façon de concevoir une économie plus positive, c’est-à-dire respectueuse du long terme. Le présent rapport n’engage entièrement aucun membre du groupe de réflexion individuellement, ni l’institution ou l’orga- nisme qu’il représente. Il est le fruit d’un travail de réflexion collectif soucieux de dégager, à chacune de ses étapes, un consensus aussi large que possible. Les échanges entre jeunes ont également alimenté le diagnostic et les recommandations du rapport. Des objections ou des réserves ont parfois été POUR UNE ÉCONOMIE POSITIVE formulées, certains sujets ont provoqué des débats animés. Chaque membre du groupe a pu exprimer son point de vue personnel à la fin du rapport. 9 Sommaire Introduction ......................................................................... 11 Synthèse : Restaurer la priorité au long terme .................... 15 Chapitre 1 : Qu’est-ce que l’économie positive ?.............. 21 Chapitre 2 : La crise actuelle s’explique largement par le caractère non positif de l’économie mondiale.... 37 Chapitre 3 : Le monde en 2030, si l’économie ne devient pas davantage positive........... 41 Chapitre 4 : Le passage accéléré à l’économie positive aiderait à résoudre la crise actuelle ............................... 53 Chapitre 5 : Mesurer l’économie positive : deux nouveaux indicateurs............................................. 63 Chapitre 6 : Comment accélérer la (r)évolution vers l’économie positive.................................................. 79 POUR UNE ÉCONOMIE POSITIVE Membres du groupe de réflexion pour une économie positive.... 163 Contributions personnelles des membres du groupe de réflexion .............................................................................. 171 Liste des experts consultés ........................................................... 209 Annexe 1 : Commande du président de la République lors du LH Forum 2012.......................................................... 213 Annexe 2 : Architecture de l’indice de positivité de l’économie ........................................................................... 215 Annexe 3 : « Ease of Doing Positive Economy Index » : les résultats de la France ......................................................... 235 Synthèse en anglais ...................................................................... 239 Bibliographie ................................................................................ 245 11 Introduction Prendre en compte l’intérêt des générations futures s’impose peu à peu dans les discours, sinon dans l’action : le changement climatique fait l’objet de multiples sommets et textes interna- tionaux depuis le sommet de Rio, il y a plus de vingt ans ; le recyclage est à la mode et l’écologie un mouvement politique. Cette bonne volonté affichée ne passe toutefois pas l’épreuve des faits : la plupart des gens vivent dans l’instant, sans s’inquiéter de laisser aux générations à venir des dettes multi- formes, budgétaires, écologiques, sociales. Et beaucoup, au Nord comme au Sud, sont d’accord avec Groucho Marx, quand il interroge : « Pourquoi devrais-je me préoccuper des générations futures ? Qu’ont-elles fait pour moi ? » Il n’est pas si simple de répondre à ces questions. Pour com- prendre ce que nous devons aux générations futures, il nous faut raisonner par l’absurde et imaginer un monde où elles n’existeraient pas : un monde où il n’y aurait plus, sur toute la planète, la moindre naissance. Nulle part. Sinon, peut-être, la naissance de tous les enfants déjà conçus. Un tel choc aurait des conséquences immédiates, outre la fermeture de toutes les maternités : la fin de tout projet fami- lial, de toute projection dans l’avenir. POUR UNE ÉCONOMIE POSITIVE 12 Vingt ans plus tard, les conséquences seraient bien plus terribles : environ le quart des humains d’aujourd’hui vivants aurait déjà disparu ; les derniers jeunes entreraient sur le marché du travail. On fermerait successivement toutes les écoles, tous les collèges, tous les lycées, puis toutes les uni- versités. En conséquence, le nombre de travailleurs commencerait à baisser irrémédiablement. Pendant que le climat continuerait de se dérégler, le niveau de vie général chuterait inexora- blement. Le financement des pensions de tous ceux, vivants aujourd’hui, qui seront alors en retraite, ne serait plus assuré ; on ne pourrait plus financer non plus les services publics ; on refuserait de rembourser les dettes, au détriment des prêteurs, ou alors on l’exigerait, au détriment des emprunteurs. Dans les deux cas, on ponctionnerait le patrimoine des épargnants qui n’aurait d’ailleurs plus de raison d’être conservé, puisqu’il n’y aurait personne à qui le transmettre. Avec le temps, les conséquences deviendraient plus noires encore pour les derniers survivants de nos contemporains. On assisterait à un déclin de plus en plus rapide du niveau de vie des derniers humains, qui devraient se battre pour survivre, dans un monde où de moins en moins de gens s’emploieraient à faire fonctionner l’économie, l’administration, le système de santé et les services publics. Puis, dans un monde de plus en plus en déshérence, les derniers humains, parmi les vivants d’aujourd’hui, se bat- traient pour rester le dernier survivant. Et ce qui est vrai pour la prochaine génération l’est aussi pour les suivantes, par continuité. Car c’est bien cela dont il faut prendre conscience : sans toutes les générations suivantes, la vie de tous les vivants d’aujourd’hui est condamnée à se terminer en enfer. La phrase de Groucho Marx ne peut donc convaincre que ceux qui sont victimes de la tyrannie de l’immédiat, qui ne INTRODUCTION pensent pas à ce que les générations futures leur apporteront d’essentiel dans les années à venir. Alors, par égoïsme au moins, par altruisme intéressé, proté- geons le bien-être de nos descendants comme la prunelle de nos yeux. Et, pour cela, innovons, éliminons le gaz carbonique de notre énergie, réduisons nos dettes, devenons harmonieux. Comprenons que l’altruisme est une des dimensions les plus vitales de la rationalité. Et réciproquement. Telle est l’ambition de l’économie positive. 15 SYNTHÈSE1 Restaurer la priorité au long terme Le règne de l’urgence caractérise l’économie actuelle et domine la société dans son ensemble. Or, sans la prise en compte du long terme, la vie de nos contemporains deviendra un enfer. L’économie positive vise à réorienter le capitalisme vers la prise en compte des enjeux du long terme. L’altruisme envers les générations futures y est un moteur plus puissant que l’indi- vidualisme animant aujourd’hui l’économie de marché. Beaucoup d’initiatives positives existent déjà, de l’entrepre- neuriat social à l’investissement socialement responsable, en passant par la responsabilité sociale des entreprises ou encore le commerce équitable et l’action de l’essentiel des services publics. Elles demeurent toutefois encore trop anecdotiques : l’économie positive suppose, pour réussir, un changement d’échelle. La crise actuelle s’explique justement très largement par le caractère non positif de l’économie de marché : la domination du court terme a envahi toutes ses sphères, et en premier lieu la finance. Alors qu’elle avait pourtant comme fonction d’origine 1. La traduction en anglais de cette synthèse se trouve en page 239. POUR UNE ÉCONOMIE POSITIVE 16 de transformer le court terme (dépôts des épargnants) en long terme (investissements), sa mission initiale a été largement dévoyée dans de nombreux pays avec le mouvement de dérégu- lation, de désintermédiation et d’informatisation amorcé il y a une trentaine d’années. La finance est ainsi devenue un secteur à part entière, en partie déconnecté du reste de l’économie, et voulant trop souvent le dominer plutôt que le servir. La dictature de l’urgence s’est ainsi répandue à toute l’éco- nomie : les entreprises sont devenues l’outil qui doit générer un rendement financier immédiat pour des actionnaires de plus en plus exigeants, de plus en plus volatils et éphémères, en occul- tant les autres parties prenantes de l’entreprise. Cette évolution a fait perdre aux dirigeants d’entreprise la marge de manœuvre nécessaire pour construire un projet sur le long terme. Au-delà de l’aspect purement économique, la crise est deve- nue sociale et morale. Les inégalités engendrées par le système ont conduit une majorité d’individus, poussés par le système financier à vivre à crédit pour ne pas être exclus de la société de consommation ; et beaucoup d’entre eux, surendettés, se trouvent dans des situations dramatiques. Si le système économique actuel n’est pas réorienté vers la prise en compte du long terme, il sera impossible de relever les défis, écologiques, technologiques, sociaux, politiques ou spiri- tuels, qui attendent le monde d’ici 2030. Des phénomènes irré- versibles auront été enclenchés, et le monde courra vers un désordre propice au déréglement climatique, aux faillites d’États et au développement de uploads/Finance/ economie-positive.pdf
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- Publié le Aoû 16, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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