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REGARDS ECONOMIQUES • PAGE 1 Institut de Recherches Economiques et Sociales Comme beaucoup d’autres secteurs de l’activité écono- mique, le système d’enseignement supérieur n’échappe pas au phénomène de globalisation. Dans le cadre universitaire, ceci se traduit par une importante internationalisation des activités d’enseignement et de recherche, les tâches principales remplies par les universités. On a ainsi constaté durant les dernières décennies un accroissement substantiel des échanges de connaissances entre universités de pays différents, une internationalisation des origines des pro- fesseurs d’université et une forte augmentation de la mobilité internationale des étudiants. Dans ce numéro de Regards Economiques, nous nous centrons sur ce dernier phé- nomène. Nous tentons d’apporter quelques éclairages proposés par l’analyse éco- nomique de la mobilité internationale des étudiants universitaires. Les questions que nous abordons sont les suivantes. Pourquoi constate-t-on une forte hausse de la proportion d’étudiants étrangers dans une majorité d’universités de nombreux pays développés ? Quels sont les facteurs d’offre et de demande qui expliquent cette hausse ? Quels sont les facteurs qui influencent les choix des étudiants en matière de localisation de leurs études, tant au niveau du pays de destination qu’au niveau l’université spécifique ? Quels peuvent être le rôle des politiques d’immigration mises en place spécifiquement dans les pays d’accueil et s’appli- quant aux étudiants ? Nous regardons également plus en détails le cas belge et francophone, et discu- tons de réformes possibles sur base des enseignements de la littérature. Dans la mesure où l’attraction d’étudiants étrangers est intéressante à plusieurs égards, et notamment du point de vue de la relâche des contraintes financières qui pèsent sur les universités, nous discutons des pistes possibles pour augmenter les ressources générées par les droits d’inscription. Une piste possible est d’augmenter les droits et d’affecter les recettes à une hausse de la qualité des universités. Cette politique Une publication des économistes de l’UCL La mobilité internationale des étudiants : causes et déterminants Avril 2017 • Numéro 132 Cet article fait le point sur le phénomène de la mobilité internationale des étudiants. Il met l’accent sur les déterminants de cette mobilité et des choix de localisation posés par les étudiants internationaux. Il discute d’une part plus en détails certains choix spécifiques au pays qui dépendent notamment de la politique migratoire, tels que les facilités offertes aux étudiants diplômés pour rester dans le pays. D’autre part, il débat du rôle de facteurs propres à l’université tels que la qualité et le niveau des droits d’inscription. Nous discutons également des implications pour le système d’enseignement universitaire belge et en particulier francophone. Michel Beine1 1 L'auteur tient à remercier Vincent Bodart, Muriel Dejemeppe, Frédéric Docquier et Joël Machado pour leurs lecture, commentaires et suggestions d'amélioration précieuses. La mobilité internationale des étudiants : causes et déterminants PAGE 2 • REGARDS ECONOMIQUES pourrait maintenir le flux d’étudiants étrangers constant, voire l’augmenter. Une réforme de la politique migratoire, notamment en matière de transition vers le marché du travail pour les étudiants extra-européens s’avère également désirable. Depuis les années 80 et 90, on a constaté une forte hausse des étudiants d’origine étrangère dans les universités de la plupart des pays, en particulier les pays les plus développés. Par étudiants étrangers, nous entendons des étudiants en mobi- lité internationale non imposée dans le but d’accomplir ou de compléter leurs études universitaires.2 Cette hausse des flux d’étudiants étrangers est spectaculaire à plusieurs égards. Tout d’abord en termes absolus : aujourd’hui, le nombre d’étudiants d’origine étrangère s’élève au niveau mondial à près de 5 millions d’individus (voir figure 1). Entre 1975 et 2014, les flux ont été multipliés par un facteur supérieur à 6. Il s’agit de la croissance relative la plus forte au sein des catégories de migrants internationaux (migrants économiques, migrants familiaux, réfugiés et migrants pour raisons humanitaires).3 Même certains événements extérieurs relativement néfastes à cette mobilité n’ont pas pu enrayer le phénomène. Ainsi, la restriction dans l’octroi des visas étudiants aux Etats-Unis, pays de destination le plus im- portant (18 % de l’ensemble des étudiants étrangers en 2014), qui a suivi les atten- tats du 11 septembre en 2001, n’a entraîné qu’un arrêt temporaire de l’expansion. Il en va de même avec la crise financière de 2008 qui a affecté durement les res- sources de certains pays d’origine des étudiants. De manière non surprenante, les pays de l’OCDE occupent une part prédominante des destinations des étudiants (76 % en 2012). Si les tendances globales décrites ci-dessous suivent finalement le phénomène d’internationalisation de toutes les activités économiques, voire humaines, l’am- pleur de la hausse est telle qu’elle nécessite de se demander quels en sont les fac- teurs sous-jacents. En tant qu’économiste, nous privilégierons les causes d’ordre économique. Ceci ne signifie évidemment pas qu’il n’y a pas d’autres facteurs de nature différente, qu’ils soient d’ordre culturel, politique ou autre. Figure 1. Nombre total d’étudiants étrangers (en millions), toutes destinations Sources : OCDE et Unesco 1. Une internationalisation des étudiants universitaires 2 Voir l’encadré en page 12 sur la mesure statistique des étudiants en mobilité internationale. 3 Sur la même période, on estime que le nombre de migrants internationaux (définis comme les individus résidant dans un autre pays que leur pays de naissance) est passé de 80 à 243 millions, soit une multiplication du stock par environ 3. 0 1 2 3 4 5 6 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2014 La mobilité internationale des étudiants : causes et déterminants REGARDS ECONOMIQUES • PAGE 3 Une analyse économique simple permet de distinguer les facteurs d’offre des facteurs de demande d’éducation étrangère. Les facteurs d’offre sont les facteurs propres aux pays et aux institutions d’accueil telles que les universités, tandis que les facteurs de demande sont ceux qui influencent l’incitation pour certains étu- diants d’émigrer à l’étranger pour accomplir ou compléter leur éducation supérieure. Deux explications théoriques existent pour rationaliser le fait que des étudiants quittent leur pays d’origine dans le but d’étudier à l’étranger. La théorie dévelop- pée dans le modèle d’éducation (‘Schooling model’) se centre sur l’explication la plus intuitive : des étudiants migrent à l’étranger en raison de l’absence d’infras- tructures d’éducation permettant de proposer une spécialisation qu’ils souhaitent. Cela concerne à la fois l’absence pure et simple d’une structure universitaire mais aussi l’absence de formations spécifiques dans leur pays d’accueil. Une propor- tion non négligeable de petits pays, notamment en voie de développement, ne disposent pas d’une université ou d’un nombre d’institutions permettant d’absor- ber les jeunes désireux de poursuivre des études de bon niveau. Par ailleurs, si beaucoup de pays en voie de développement disposent d’universités, celles-ci ne proposent pas l’ensemble des disciplines. L’exemple le plus probant est celui de la médecine. Ainsi peu de pays d’Afrique subsaharienne disposent d’une école de médecine performante, alors que les besoins de médecins sont criants. La seconde explication est plus de nature économique et est mise en avant par le modèle de migration (‘Migration model’). Ce modèle postule des individus formant des anticipations sur la période qui suit l’obtention du diplôme. Lorsque les étudiants envisagent d’étudier à l’étranger, non seulement ils prennent en compte la qualité et la disponibilité de programmes d’études, mais également les perspectives d’emploi. Le fait d’étudier dans un pays étranger confère à cet égard plusieurs avantages. Tout d’abord, une formation de qualité qui sera plus facilement négociable sur le marché du travail domestique. En second lieu, une meilleure adéquation entre les compétences enseignées et la demande du marché domestique. Enfin, et c’est loin d’être négligeable, une plus grande probabilité de pouvoir rester dans le pays d’étude en comparaison avec la possibilité de pouvoir y migrer avec un diplôme du pays d’origine. Ceci concerne particulièrement les étudiants soumis à la politique d’immigration, tels que les étudiants extra-com- munautaires en Belgique. L’octroi d’un permis de travail est en moyenne plus facile pour un étudiant diplômé du pays de destination par rapport à un diplômé de l’étranger. Nous reviendrons d’ailleurs sur la question de la transition d’un visa d’étudiant à un visa de travail car ceci concerne une des politiques migratoires importantes aujourd’hui. Au niveau global, l’afflux d’étudiants étrangers reflète plusieurs phénomènes : (1) une hausse démographique dans beaucoup de pays, (2) une réduction des coûts migratoires, (3) une hausse du niveau de vie dans certains pays à revenu inter- médiaire comme la Chine, et (4) une forte hausse du niveau d’éducation obser- vée durant les 25 dernières années dans ces pays. Concernant ce dernier facteur, l’amélioration du système scolaire dans ces pays a permis de mieux former les étudiants, soit au niveau secondaire, soit au premier cycle de l’université. Comme le souligne l’économiste américain Mark Rosenzweig, paradoxalement, c’est dans les pays ayant amélioré leur système d’éducation supérieure qu’on voit le taux d’émigration le plus élevé dans le chef d’étudiants étrangers venant compléter leur formation universitaire initiale. Ceci concerne particulièrement les pays asia- tiques. En guise d’illustration, notons qu’entre 1999 et 2011, la part des pays asia- tiques dans les étudiants étrangers en France est passée de 7,1 à 15,8 %. La part de la Chine est quant à elle passée de uploads/Geographie/ 15303-texte-de-l-x27-article-26563-1-10-20181116.pdf

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