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Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 271 COMMERCIALISATION DE L’ESSENCE "

Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 271 COMMERCIALISATION DE L’ESSENCE "KPAYO" À COTONOU : UNE SOLUTION À LA DISQUALIFICA- TION SOCIALE Montcho Bruno, Amouzouvi Dodji & Aguia-Daho C. E. Jacques♣ ♣ ♣ ♣ 1 Résumé Les solutions aux crises des années 1980 avaient créé selon Lau- tier (2004), une « catastrophe sociale..., et font de l’informel le lieu de la solution à tous les problèmes sociaux ». Les Béninois pour survivre ont investi entre autre le commerce de l’essence "kpayo", qui emploie plus de 50 000 actifs (LARES, 2011 : 8), et satisfait 90% des consomma- teurs selon le relevé du Conseil des ministres du 2 novembre 2012. Il s’agit de voir si cette activité permet aux acteurs d’être actif socialement et/ou économiquement. Pour y parvenir, l’observation, l’entretien et le questionnaire ont été les techniques utilisées. L’étude est systémique, de nature qualitative et quantitative faite à Cotonou. Au terme de la recherche assortie d’une analyse qui s’inscrit dans la débrouille de Roche (2011) et Gonzalez (2010), l’individuation de Carpentier et White (2013) ; il apparaît que ce commerce joue un rôle et remplit des fonctions sociales et économiques. Il réussit à nourrir son homme, lui permet de survivre et de vaincre la pauvreté et la disqualification so- ciale. Mots clés : Commercialisation, essence "kpayo", disqualifica- tion sociale, Cotonou. Abstract ♣Chercheurs au Laboratoire d’analyse et de recherche religions, espaces et développement (LARRED/Université d’Abomey-Calavi) ; e--mail : montchobruno@yahoo.fr 1 Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 272 The solutions to the crises of the 1980s had created according Lautier (2004), "social catastrophe…and make informal place of the solution to all social problems". Beninese for to survive invested among other trade adulterated petrol, which employs more than 50,000 assets (LARES, 2011: 8), and satisfies 90% of consumers ac- cording to the statement of the council of ministers on 2 November 2012. This is to investigate whether this activity it allows to be active socially and/or economically? To achieve this, observation, interview and questionnaire were technical. The study is systemic, qualitative and quantitative nature made in Cotonou. After the research with an analy- sis that is part of the nitty-gritty of Roche (2011) and Gonzalez (2010), individuation of Carpentier and White (2013); it is a business that plays a role and filled with social and economic functions. He managed to feed her man, allows him to survive and overcome poverty and social disqualification. Keywords : Marketing, adulterated petrol, social disqualifica- tion, Cotonou. Introduction L’État au Bénin est le principal et grand pourvoyeur d’emploi. Il exprime ses besoins et recrute selon ses possibilités. Mais, depuis les crises économiques et sociales des années 1980, il absorbe de moins en moins la main-d’œuvre. Et pourtant, c’est toute une masse importante de jeunes diplômés qui sort des écoles et universités chaque année. Le secteur privé au Bénin a pratiquement pris le relai mais n’a pas cette capacité de jouer efficacement ce rôle. Conscients de la situation, les gouvernants parlent ces dernières années de partenariat public-privé. Mais toujours est-il que la question de la pauvreté et du chômage reste endémique et contemporaine. Elle s’aggrave, persiste et perdure. Le Bénin est-il dans ce que (Erbès-Seguin 2004 : 3) appelle la « déstructuration » ou bien la « restructuration » du mode de re- crutement ou alors du travail ? La notion du travail est celle qui a suscité plusieurs débats quant à son contenu et son importance Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 273 dans la vie quotidienne d’un acteur. Il donne et oriente les trajec- toires sociales, à l’instar de ce que (Locke, 1690) considérait comme la manifestation de la liberté individuelle. Mais peut-on parler de liberté individuelle sans un minimum de ressources financières ? (Smith, 1776) propose une évolution par rapport à la notion du travail. Ainsi, il conçoit le travail humain comme l’un des éléments créateurs de richesses. Si tant est qu’il crée la richesse, il doit s’appuyer sur ce que (Marx, 1971) appelle les « facteurs de production ». L’organisation du travail est alors une construction sociale qui varie d’une société à une autre. Il génère les mêmes ressources et des difficultés similaires qui ne sont pas spécifiques au Bénin. La rareté de l’emploi est un des problèmes sociaux qui bouleverse le monde contemporain. Elle livre des arguments forts pour justifier et se prévaloir de l’exercice d’activités de toute nature. Elle offre la possibilité de conclure que les théories clas- siques (capitalisme, socialisme, etc.) ont montré leurs limites. Car, elles n’ont enfanté que des crises aussi bien économiques que sociales. Evoquant les raisons du développement du secteur in- formel, (Crévoisier et al, 2007 : 18) concluent qu’il s’agit d’une « solution efficace à une pénurie d’emploi ou à un défaut de qua- lification suffisantes ». Toutes situations qui ont conduit les Bé- ninois à s’investir dans les activités comme la vente de l’essence "kpayo". Le commerce de l’essence "kpayo", malgré les risques liés à son importation, sa distribution et sa commercialisation est l’activité privilégiée qui accueille une catégorie importante d’acteurs quels que soientt leurs professions, niveau d’instruction et situation sociale. Refuge pour les chômeurs, cette activité réus- sit jusqu’à ce jour, à non seulement garantir leur survie mais aussi à les maintenir dans cette ville. Cette contribution conduit les lecteurs dans une réalité qui m’a été relatée et dont je pense utile Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 274 de partager afin que les acteurs à divers niveaux comprennent comment cette vente a permis d’éviter un certain nombre de choses pour la réorientation de la vie de toute une famille. Loin d’être compris comme celui qui fait l’éloge ou même la promo- tion de cette activité, je viens exposer les faits qui, pour moi, sont expressifs afin d’expliquer les mobiles qui guident et orientent les comportements et actions des acteurs dans leur ensemble. Ainsi, la nécessité de survie amène les Béninois à choisir ce que Ferréol (2012 : 128) appelle la « trajectoire professionnelle » pour se donner une « identité affinitaire ». 1. Méthodologie adoptée Cette contribution est une étude de nature qualitative et quantitative faite dans le département du Littoral commune de Cotonou. Pour étudier et analyser les dynamiques autour de ce commerce, j’ai recouru aux modèles théoriques de la débrouille tels que abordés par Roche (2011), Gonzalez (2010) et à l’individuation de Carpentier et White (2013). La commercialisa- tion de l’essence "kpayo" apparaît comme un système de réseau dont les stratégies utilisées par les acteurs m’ont permis de prendre appui sur Babeau et Chanlat (2007). Le commerce paral- lèle de l’essence s’inscrit dans les activités du secteur informel qui dérogent au respect des normes, règles et textes formels. C’est pour ce faire que la théorie sur la déviance d’Ogien (2012) m’a été d’une grande importance pour comprendre les raisons et l’utilité de la transgression desdites normes formelles. L’entretien, l’observation et le questionnaire ont été les techniques de collecte des données appliquées à un échantillon composé de 150 ven- deurs, 75 consommateurs choisis de façon raisonnée et aléatoire. Mais, pour les vendeurs, les premiers sont choisis au hasard sur les axes principaux identifiés en fonction des flux de circulation et de leurs ouvertures sur les embarcadères ; par la suite, un saut de deux à trois étalages selon leur densité a été fait. Les cahiers du CELHTO, N° 01/décembre 2015 275 2. Vente de l’essence "kpayo" : une histoire de vie de Dégbèvi et de Sèwanou La commercialisation de l’essence "kpayo" à Cotonou n’est pas le monopole d’une catégorie sociale spécifique, ni d’une eth- nie, d’une religion ou d’une région, même si certaines localités sont considérées comme des bastions de ce commerce, à cause de leur proximité avec le pays pourvoyeur du produit, c'est-à-dire le Nigeria. En fait, la commercialisation de l’essence "kpayo" est exercée par des acteurs qui s’y adonnent parce qu’étant en chô- mage ou bien qui cherchent à améliorer leurs revenus et suppléer le salaire qui apparaît de plus en plus insuffisant, alors que les charges familiales, le niveau de vie, et le prix des produits et den- rées de premières nécessités ne cessent de grimper. Cette situa- tion est pire et s’aggrave en fonction du milieu de vie. C’est le cas de Jean Sèwanou un agent de sécurité privée, employé dans une banque dont l’agence se situe à Akpakpa un des grands quartiers de la ville de Cotonou. Jean est marié à une femme et est père de quatre enfants ; le 5ème ne tardera pas à ve- nir au monde. Son salaire mensuel est de 47 000 F CFA. Cette somme doit lui permettre de supporter les charges fixes que voi- ci :le loyer mensuel (une chambre et un salon) de 20 000 F CFA ; la facture d’électricité souvent évaluée à 5 500 F CFA décompo- sée comme suit : 3 ampoules à 1 000 F CFA par ampoule et une prise à 2 500 F CFA, heureusement qu’il y a de puits dans la mai- son le dispensant des frais d’eau ; 6 000 uploads/Geographie/ 9d4aeb165a465cad9fa56b325bf803a1.pdf