7e Cahier du Conseil national des parcs et jardins Le jardin et ses créateurs J
7e Cahier du Conseil national des parcs et jardins Le jardin et ses créateurs Journée d’étude organisée dans le cadre des Rendez-vous aux jardins 2013 par la Direction générale des patrimoines et le Conseil national des parcs et jardins 13 février 2013 ISSN : 1967-368X 1 SOMMAIRE Introduction de la journée d’étude p. 3 Chantal Colleu-Dumond, directrice du domaine régional de Chaumont-sur-Loire Physis et thèsis dans la création jardiniste contemporaine p. 9 Jean-Pierre Le Dantec, ingénieur, architecte, historien et écrivain Du jardin au paysage du XIXe au XXe siècle, une figure montante : le concepteur p. 13 Stéphanie de Courtois, historienne des jardins, enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles Confidences d’un jardin p. 25 Françoise et Christian Bougnoux, propriétaires du Jardin du Point du Jour à Verdelot Les jeunes créateurs : de la composition d’un jardin à la fabrication de la ville contemporaine Marion Vaconsin, paysagiste dplg, lauréate des Albums des jeunes architectes et paysagistes p. 26 Un bosquet d’expression contemporaine p. 35 Louis Benech, paysagiste Les Poiriers’s sont au jardin p. 41 Anne et Patrick Poirier, artistes ANNEXES Éléments de bibliographie p. 48 Programme de la journée d’étude p. 50 Présentation des intervenants p. 52 Textes réunis par Marie-Hélène Bénetière, bureau de la conservation du patrimoine immobilier, des jardins et des espaces protégés Couverture : Jardin privé à Turin réalisé par Anne et Patrick Poirier. Cliché Poirier 2 Introduction de la journée d’étude Chantal Colleu-Dumond, directrice du domaine régional de Chaumont-sur-Loire En cette année de commémoration du quatrième centenaire de la naissance d’André Le Nôtre, qui contribua par son art exceptionnel à la renommée du Grand Siècle, à la gloire et au bonheur de l’un des plus grands monarques de tous les temps, quel beau sujet que celui des créateurs de jardins, tant est grande leur diversité, tant le jardin a été, de tout temps, un lieu extraordinaire de création, permanente, vivante, évolutive ? Sans doute rares sont, en effet, les arts qui rassemblent autant d’énergies créatives, aussi variées, aussi complémentaires, mais aussi autant de savoirs, de techniques et de corps de métiers différents, et ce sont ces raisons qui font que le jardin peut-être considéré comme un « Gesamtkunstwerk », c’est à dire une œuvre d’art totale, réunissant tous les autres arts. André Le Nôtre, on le sait, fut peintre avant d’être jardinier. Il avait étudié le dessin dans l’atelier de Simon Vouet, peintre de Louis XIII, et noué des amitiés avec Charles Le Brun, qui lui fit rencontrer Fouquet, surintendant des finances du Roi. Il avait également étudié la sculpture auprès de Louis Lerambert, l'architecture et la perspective auprès de François Mansart. Rien d’étonnant alors que cette formation artistique, alliée à une immersion, depuis sa plus petite enfance, dans l’univers des jardins royaux des Tuileries, dans un contexte exceptionnel de moyens illimités et de puissance extraordinaire du Roi, Louis XIV disposant de tous les pouvoirs, n’ait donné lieu à ces réalisations hors du commun, imitées dans toute l’Europe. Perspectives et géométries parfaites caractérisent ces jardins dits à la française, riches de terrasses, de miroirs d’eau, de cascades, de bosquets, de treillages, de labyrinthes savamment et magistralement disposés dans l’espace. Versailles, Sceaux, Chantilly, Saint Germain en Laye, Saint-Cloud et tous les jardins créés par Le Nôtre portent, après Vaux le Vicomte, la marque de ce style très particulier. Si l’on s’éloigne de cette grande figure tutélaire, force est de constater qu’il n’est de grand jardin que celui qui n’ait été conçu par un véritable artiste et cette journée d’étude devrait le mettre bien en évidence. Le jardin est le fruit d’intervenants multiples, de celui qui le conçoit, celui qui le dessine, celui qui le réalise, avec le recours à toutes les sciences de la botanique, de l’hydraulique, de l’optique et bien sûr de l’architecture… C’est aussi celui qui l’entretient et lui permet, malgré sa fragilité, de 3 traverser les siècles, celui qui le restaure, celui qui le réinvente, celui aussi qui fait éclater les règles et introduit lignes, végétaux, matériaux radicalement nouveaux, en lien avec l’air du temps. Mais ce sont tous des créateurs, qui se succèdent et s’entraident au service de l’œuvre complexe et vivante qu’est le jardin. Nombreux sont aujourd’hui les métiers et les acteurs intervenant au jardin. On parle, en général, de paysagiste, d’architecte-paysagiste, d’ingénieur, de jardinier, de botaniste…, mais les pépiniéristes, les collectionneurs, les propriétaires et les amateurs sont aussi des créateurs. Il n’est, en effet, jusqu’aux « habitants paysagistes » dont parle Bernard Lassus qui ne soient des inventeurs, jardiniers enthousiastes et anonymes qui modèlent à leur manière le paysage. Jardins chinois et japonais d’autrefois ont toujours été considérés comme l’une des formes les plus remarquables d’expression artistique et donc de création. Si l’on considère l’histoire des jardins européens… force est de reconnaître qu’il a fallu du temps pour que l’on passe insensiblement de la simple technique « jardiniste » à une conception beaucoup plus artistique des professions liées au jardin et à la création de paysages. L’art des jardins ne devint officiellement l’un des Beaux-arts qu’au XVIIIe siècle. Le jardinier se rapprocha alors du peintre et de l’échelle du paysage. Capability Brown, fondateur du « lanscape gardening » esquissait, dessinait, tel un artiste, tous ses projets de jardins. Au XIXe siècle, de la même manière, les dessinateurs de jardins composaient des « scènes » avec des listes botaniques devenues « palettes végétales ». Au XXe siècle, Geoffroy Jellicoe donnera ses lettres de noblesse au métier de paysagiste- jardiniste, en créant, en 1948, la Fédération internationale des architectes paysagistes (IFLA). Pour lui, le paysagiste devait, en tant qu’artiste, être capable de « réenchanter le monde habité » et aussi « contribuer à rétablir les équilibres biologiques de la planète par la planification écologique » (The landscape of man). Cette position à la fois artistique et sensible aux problématiques de la protection de l’environnement sera reprise par quelques grands paysagistes contemporains, dont Gilles Clément, pour qui, on le sait, le jardinier doit être « un naturaliste qui va le plus possible avec et le moins possible contre les énergies en place ». Mais par delà cette tendance écologique, la diversité de l’art des jardins est très grande aujourd’hui, selon que l’on a affaire à des architectes travaillant à l’échelle du grand paysage, à des artistes ayant une vision esthétique du jardin ou des botanistes jouant prioritairement avec le végétal. Mais tous sont des créateurs, à des échelles différentes. L’on peut distinguer : -les paysagistes urbanistes, qui interviennent sur de grands chantiers publics, tels Michel 4 Desvigne, Michel Corajoud ou Alexandre Chemetoff ; - les paysagistes jardiniers, jardinistes, particulièrement liés au végétal, comme Louis Benech ou Pascal Cribier ; - les paysagistes artistes, comme Fernando Caruncho ou Piet Oudolf, qui conçoivent un jardin comme on peint un tableau. Les limites semblent d’ailleurs parfois indécises entre ces diverses tendances et ces divers métiers, ce qui est sans doute l’une des forces de ce milieu. La diversité et la richesse de plus en plus grandes des métiers liés au jardin et au paysage, en un mot, la pluridisciplinarité, qui mène parfois designers, scénographes, plasticiens à intervenir également dans cet univers, expliquent en fait la remarquable créativité actuelle de ce domaine, lisible dans les jardins de Chaumont-sur-Loire, observatoire privilégié des formes et des idées « jardinistes » en gestation. De manière générale, tel l’architecte, le paysagiste, quelle que soit l’échelle à laquelle il intervient, a donc un rôle important à jouer dans notre société. Comme ce dernier, il a un côté « thaumaturge ».Et l’on peut faire nôtre cette définition du grand théoricien des jardins Michel Baridon, pour qui celui qui dessine un jardin « joue le rôle de l’ordonnateur, comme un dieu ou un démiurge, il transforme le chaos en cosmos ». Même si le paysagiste a la tentation ou donne l’impression de laisser faire le végétal, il est clair qu’au jardin se joue perpétuellement le jeu de l’art et de la nature. Le paradoxe est permanent : on s’inspire de la nature, mais on la recrée de toutes pièces. C’est d’ailleurs la définition qu’en donne Emmanuel Kant : il s’agit bien de réinventer, de reconstituer, d’« ordonner le sol avec la même diversité que celle de la nature, mais en l’ordonnant d’une autre manière ». Au jardin, rien n’est, en fait, plus contrôlé que ce qui est censé figurer, imiter la nature. Là réside l’acte créateur du paysagiste. Les jardins ne sont jamais aussi extraordinaires que lorsqu’ils sont l’œuvre de concepteurs qui sont de véritables artistes, qu’ils soient propriétaires ou paysagistes professionnels. La force imaginative et la puissance de création liés à la science du paysage et à une connaissance approfondie de la botanique donnent naissance à des lieux exceptionnels, et font de leurs jardins de véritables œuvres. Nombre de restaurations ou réinventions de jardins historiques sont en ce sens de véritables créations (Jardins de Villandry, de Valmer, du Château de Brécy…). Pour évoquer seulement les jardins contemporains, sur lesquels j’ai été amenée à travailler récemment, je vous invite à une promenade dans quelques uploads/Geographie/ actes-colloque-le-jardin-et-ses-createurs-pdf.pdf
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- Publié le Dec 16, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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