Topoi Voyage aux « confins des mers du monde ». Le commerce arabe avec l’Asie d

Topoi Voyage aux « confins des mers du monde ». Le commerce arabe avec l’Asie du sud-est à travers les sept voyages de Sindbad le marin Claude Allibert Citer ce document / Cite this document : Allibert Claude. Voyage aux « confins des mers du monde ». Le commerce arabe avec l’Asie du sud-est à travers les sept voyages de Sindbad le marin. In: Topoi, volume 6/2, 1996. pp. 841-852; doi : https://doi.org/10.3406/topoi.1996.1698 https://www.persee.fr/doc/topoi_1161-9473_1996_num_6_2_1698 Fichier pdf généré le 28/03/2018 « In a similar class to the work of Buzurg are the voyages of Sindbad, which appear in Alf laila wa laila. Whether extracts from genuine voyages have found their way into these stories is a matter of doubt, but the stories are certainly partly based upon aja'ib passages relating to south-east Asia which might be dated anywhere from the eighth to the tenth centuries » Όββεγβ1979, p. 10 « The voyages of Sindbad ... all being in the main tales taken from sailors, have no clear idea of the South-East as a whole, and give only hints here and there which can occasionally be fitted together to show some topographical relationship ». ΤΒΒΕΓΒ1979, p. 76 VOYAGE AUX « CONFINS DES MERS DU MONDE » Le commerce arabe avec l'Asie du sud-est à travers les sept voyages de Sindbad le marin Si les sept voyages merveilleux de Sindbad que l'on trouve décrits dans les Mille et une Nuits ' ont souvent été traités comme un grand moment de la littérature mondiale, l'étude historique et géographique de ce célèbre texte a été à notre avis quelque peu négligée. Certes, les lieux décrits semblent être situés aux confins du monde connu et si l'on s'en tient à l'œuvre seule, il paraît bien difficile de donner des localisations précises. Toutefois, si l'on se détache pour un moment des qualités littéraires, religieuses ou philosophiques du message et que l'on met ce texte en correspondance avec les textes historiques des géographes arabes contemporains — ou se prononçant sur une époque contemporaine — , 1. Édition de Mardrus (1988), pp. 692-743. Topoi 6 (1996), fascicule 2 p. 841-852 842 C. ALLIBERT on découvre que ces sept voyages nous apportent un enseignement d'un intérêt certain concernant le monde de l'Asie du sud-est. Par ailleurs, l'époque — même si elle est présentée comme d'ordre mythique — correspond précisément à la grandeur de l'Islam d' Harun al-Rashidi (786-809). Les sept voyages de Sindbad se font tous à partir de Bagdad, puis par le port de Basra, port de la grande capitale. Chaque fois, le voyageur est condamné à prendre la mer même si les difficultés éprouvées à l'occasion des aventures antérieures lui font dire qu'il ne reconduira jamais plus cette expérience. Ce n'est pas ici le lieu d'insister sur la portée littéraire de ce grand texte dont on n'a pas assez mis en relief les éléments cosmogoniques (eau- mer/navigation, air/vol de l'oiseau Rokh et des hommes, terre/gouffres, tombes et galeries). Il est surprenant que le philosophe Gaston Bachelard dont on connaît l'intérêt pour les éléments et le rôle que ceux-ci ont joué dans la rêverie de l'humanité n'ait pas eu recours à cette œuvre pour illustrer sa vision philosophique de la poésie. Notons aussi que chaque voyage est présenté comme une naissance, le héros échappant à un naufrage. Ainsi se crée un jeu entre la survie au naufrage qui aurait dû entraîner la mort de Sindbad et l'instinct de mort (de naufrage) qui pousse Sindbad à reprendre la mer, et ses pérégrinations vers un merveilleux géographique qui est l'objet unique de notre étude, même s'il y aurait beaucoup à dire sur ce rapport entre le voyage objet de mort et de renaissance, l'étrange homonymie du visiteur Sindbad et du marin, la religion et ses rapports avec le réel et le paraître, le juste et l'injuste connus de Dieu seulement. Tentons d'étudier point par point ces sept voyages, non plus au niveau possible de la démarche initiatique que l'on pourrait dégager, mais simplement en rapport avec les textes anciens des géographes arabes. Le premier voyage, celui de l'épisode de l'île-baleine sur laquelle les hommes prennent pied et font maladroitement du feu, présente deux éléments qui méritent réflexion : la nature du roi Mihrajan qui accueille Sindbad en un lieu où il y a des visiteurs qui sont des Indiens et la proximité immédiate d'une terre dite Cabil dont la caractéristique principale est d'être la demeure de populations usant de timbales et de tambours la nuit. Le fait que des Indiens y soient signalés fait que cette région n'est pas l'Inde. Par ailleurs, si l'on se reporte à Kazwini (1203- 1283) 2, on lit: « Ibn al-Fakih dit : "sur cette île (île de Bartayil, voisine des îles de Djawaga) ... vivent des gens à visages comme des boucliers recouverts de 2. FERRAND 1914, tome 2, p. 304. VOYAGE AUX CONFINS DES MERS DU MONDE 843 cuir, avec des cheveux comme (les crins) des queues de bêtes de somme 3. On y trouve le rhinocéros ; il y a des montagnes où, la nuit, on entend le bruit des timbales et des tambourins, des cris terribles et un vacarme effroyable. Les marins croient que l'Antéchrist l'habite et qu'il en sortira (un jour). Dans cette île, on vend du girofle, c'est pour cela que les marchands y abordent ... Le costume des indigènes se compose de feuilles d'arbres dans lesquelles ils s'enveloppent ; l'arbre en question s'appelle /m/4. Ils mangent ses fruits et s'enveloppent avec ses feuilles ... Les indigènes de cette île mangent aussi du poisson, du girofle, des cocos et des bananes ». Indépendamment du fait que le nom de cette île n'est pas exactement le même dans les deux récits, les similitudes sont telles que l'on ne peut s'empêcher d'y voir un seul et même lieu. Par ailleurs, les produits que Sindbad y achète, bois d'aloès, camphre, encens et santal, tout comme le nom (Mihrajan) du roi, renvoient à l'Indonésie. Tibbetts (1979, p. 177) fait le même constat et y ajoute que l'histoire de la jument du roi Mihrajan n'est pas sans évoquer le thème malais ou indonésien du cheval 5 : « The horses of Ibn Khurdadhbih are mentioned also in greater detail in the Sindbad story, where they are connected with the country of the Maharaja, but not specifically with the island of Bartayil (Kasil in Sindbad' s story) ... The Chinese triple-headed goddess Kwan-yin, the equivalent of India's Avalokitesvara, occasionally took the form of a horse (with marine accomplishments) and is reported to have been born in the southern seas and her father is said to have been a king with an empire extending between India, Siam, Fo-shih and Tienchen » (p. 179). Il ne paraît donc nullement déraisonnable, comme le suggère Tibbetts (p. 179) de voir dans cette île « an unidentified Indonesian island », et cela d'autant plus que le rhinocéros y est indiqué. Le second voyage est à associer au cinquième dans la mesure où il traite du même thème, l'oiseau Rokh et sa descendance. Dans la première occurrence, l'œuf de l'oiseau apparaît sous l'aspect d'un dôme immense, au milieu de la mer au-dessus duquel vole l'oiseau. Sindbad, une fois que ce dernier se sera posé sur son oeuf, s'attachera à une de ses pattes et se verra transporté jusqu'à une vallée jonchée de diamants. Pour échapper aux dangers qui le guettent, il attachera sur 3. A notre connaissance, la seule explication apportée par les critiques a été de voir dans cette description l'indication que cette population portait des masques. La seconde information pourrait pourtant être lue comme la présentation des cheveux raides et épais de populations austronésiennes. 4. Voir la note complémentaire à la fin du texte. 5. L'étude comparée de ce thème mériterait un réel approfondissement. 844 C. ALLIBERT son corps un quartier de viande et sera enlevé par l'oiseau Rokh attiré par ce repas. Il échappera ainsi à cette vallée, riche des diamants qu'il aura ramassés. Une fois encore, si le lieu ultime atteint n'est pas spécifiquement nommé, il ne fait pas de doute que l'idée est bien de montrer qu'il s'agit de l'Asie du sud-est, car la présence du rhinocéros (karkadann) est affirmée, et le camphrier est décrit. De surcroît, Sindbad échange ses diamants (de Ceylan ?) contre de l'or et de l'argent, métaux qui caractérisent Sumatra et les îles voisines, comme l'auteur du Périple de la Mer Erythrée le laissait déjà entendre quand il nommait Krysè. A nouveau l'œuf du Rokh 6 est évoqué dans le cinquième voyage lorsque ses compagnons le brisent et s'attirent ainsi les foudres du couple d'oiseaux. Le reste de ce voyage n'apporte pas beaucoup de renseignements sur le secteur qui nous intéresse et l'épisode du vieillard de la Mer pas plus que la ville des Singes ne sont réellement localisés. Certes l'échange des noix de coco obtenues avec l'aide des singes contre du poivre et de la cannelle nous déplace vers une région comprise entre le sous-continent indien et l'Asie du sud-est, mais sans uploads/Geographie/ allibert-1996-voyage-aux-confins-des-mers-du-monde-le-commerce-arabe-avec-l-x27-asie-du-sud-est-a-travers-les-sept-voyages-de-sindbad-le-marin.pdf

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