LA GUERRE D’ALGÉRIE EN FRANCE Mémoires et Combats 1956-1962 Nacer-Eddine AÏT-MO

LA GUERRE D’ALGÉRIE EN FRANCE Mémoires et Combats 1956-1962 Nacer-Eddine AÏT-MOKHTAR Gisela GOETHNER LA GUERRE D’ALGÉRIE EN FRANCE Mémoires et Combats 1956-1962 CHIHAB EDITIONS © Éditions Chihab, 2017. ISBN : 978-9947-39-226-3 Dépôt légal : 2e semestre, 2017. Tél. : 021 97 54 53 / Fax : 021 97 51 91 www.chihab.com E-mail : chihabcommunication@gmail.com « De tant aimer, de tant marcher naissent les livres, Mais s’ils n’ont de baisers ou de régions, Mais s’ils n’ont d’hommes à pleines mains, S’ils n’ont de femme en chaque goutte, S’ils n’ont faim, désir, colère, chemins, Pour l’emblème ou le carillon, ils restent vains : Ils n’ont point d’yeux et ne pourront pas les ouvrir, Ils n’auront que la bouche morte du précepte. » Pablo Neruda, Mémorial de l’île noire, (trad. Claude Couffon), Gallimard, 1977. « La vie est perdue contre la mort, mais la mémoire gagne dans son combat contre le néant. » Tzvetan Todorov. Ce livre est dédié à la mémoire de : Mon père Adolf Goethner qui, par son engagement pour la libération de l’Algérie, m’a permis de connaître Nacer-Eddine et mener le bon train de l’amour et de la révolution, Nos ami(e)s de la Fédération de France, tombé(e)s au champ d’honneur, Les braves femmes, sans nom, sans sépulture, mortes dans l’anonymat. PRÉFACE Avec ce témoignage de la moudjahida Gisela Aït-Mokhtar, nous sommes à la fois plongés dans un moment crucial de l’histoire de la lutte de libération d’une Algérie colonisée, mais aussi dans une rencontre entre deux mondes, deux parcours individuels qui finiront par fusionner en un seul combat. Car finalement, comment dénouer les fils et donner du sens à une rencontre fortuite entre deux jeunes gens que rien n’était supposé destiner à vivre une vie commune et partager ses joies et surtout ses périls dans un moment marquant de notre histoire ? Et comme dit Gisela dans la partie réservée à sa rencontre avec « Madjid », tout a commencé un jour de janvier 1959, en plein hiver, dans un quai de la gare de Düsseldorf. Tous deux avaient manqué leur train pour Cologne et se retrouvaient dans un froid glacial à attendre le prochain train. C’était en fait, comme elle le dit si bien encore, « un train pour Cologne, un train pour ... la vie ». Mais avant de revenir à cette partie de sa rencontre et de son union avec Nacer-Eddine Aït-Mokhtar et, à travers lui, de son engagement pour la cause de la libération de l’Algérie, l’auteure a tenu à restituer au lecteur (à l’histoire) la part que son compagnon lui a léguée. Un manuscrit qu’il avait rédigé dans les dernières années de sa vie avec une sorte de biographie mais aussi et surtout un carnet de route portant le compte-rendu détaillé de la lutte armée du FLN en France vue par le responsable-adjoint de l’Organisation Spéciale de la Fédération de France du FLN chargé avec Saïd Bouaziz de la mise en œuvre des actions militaires en territoire français. En parcourant les bribes d’une histoire familiale on s’aperçoit que, comme pour beaucoup d’Algériens, l’histoire n’est en fait qu’une suite ininterrompue de transmissions transgénérationnelles de témoignages d’injustices et d’opprobres commises par la puissance coloniale. Originaire du ‘Arch des Mzaïa, douar des Aït Amer Ouali, Nacer-Eddine Aït-Mokhtar est né à Tazmalt, à 80 km au sud-ouest de Bédjaïa. Il est issu d’une grande et ancienne famille maraboutique qui avait laissé son empreinte dans la région en faisant face les armes à la main à l’envahisseur. Son aïeul, Hadj M’Hand Aït-Mokhtar était l’un des chefs de la résistance qui se leva contre le colonialisme français à l’est de l’Algérie, aux côtés d’El Hadj Mokrani et de Cheikh Aheddad lors de l’insurrection de 1871. Il fut arrêté comme une grande majorité des insurgés, et emprisonné à la prison Barberousse à Alger où il fut guillotiné par la suite et enterré au cimetière d’El Kettar. Nul doute que cette histoire familiale a quelque chose à voir avec un itinéraire somme toute exceptionnel. On ne naît pas dans la Medjana et le Ouennougha et on ne porte pas en soi le martyre d’un aïeul guillotiné par les colonialistes français sans que cela porte un jour, d’une façon ou d’une autre, à conséquence. Elève au lycée de Sétif, tout comme Moussa Kebaïli, son futur recruteur dans la Spéciale de La Fédération de France du FLN, mais aussi comme Belaïd Abdeslam (maître d’internat) et Kateb Yacine (arrêté et emprisonné après le 8 mai 1945), il obtient son baccalauréat et va faire ses études de médecine à Paris. C’est là que la grève des lycéens et étudiants du 19 mai 1956 le rattrape. Coopté par Moussa Kebaïli et Amar Benadouda, il rejoint les rangs de la Spéciale dont il est nommé responsable-adjoint. Il n’a alors que 24 ans1. C’est alors que commence le travail de structuration de l’O.S. et de préparation d’un plan d’action unique dans l’histoire des guerres de libération du XXe siècle. Mener la guerre sur le sol même de la puissance coloniale, en terre métropolitaine. L’O.S. était une organisation à caractère militaire, destinée à porter la lutte armée en France. C’est en lisant les lignes du carnet de route de « Madjid » Aït-Mokhtar que l’on mesure la distance qui sépare la guerre révolutionnaire en territoire ennemi d’actes à caractère purement terroriste. « Le courage révolutionnaire (écrit-il) n’est pas l’inconscience du danger ou le mépris de la mort. Il consiste au contraire à affronter le risque dont on a une idée claire et juste, esquiver la riposte de l’ennemi pour sauvegarder au maximum nos précieuses richesses humaines. Chacun qui tombe aujourd’hui est un pionnier de moins pour l’édification d’une Algérie libre et démocratique de demain [...] Le comportement sérieux, à l’intérieur de son organisme, doit être l’exemple vivant des valeurs morales et humaines qu’il incarne chez tout révolutionnaire. A l’extérieur, sa conduite doit être digne de la Nation dont il fait partie, afin de forcer le respect de son entourage ». Chaque acte, chaque action armée menée par les combattants à une valeur morale et politique à la fois. Ils doivent exprimer la grandeur de la lutte pour la libération du pays et la grandeur de la Nation dont ils ou elles sont les enfants. Une vraie guerre visant des objectifs à caractère militaire et stratégique est déclenchée le 25 août 1958 en territoire français. Entre le 25 août et le 27 septembre 1958, l’O.S. de la Fédération de France a effectué 56 sabotages et mené 242 attaques contre 181 objectifs. Ces opérations ont fait en tout 82 morts et 188 blessés. La riposte des forces françaises est à la mesure de la menace qui pesait sur les grands équilibres économiques et géopolitiques qui faisaient la puissance de la France. L’empire colonial se trouvait confronté aux signes avant-coureurs de sa propre fin à l’intérieur même de sa propre demeure. Les retombées de la plus grande mobilisation qu’aient connu les forces armées françaises et les forces de sécurité en métropole, et par conséquent la dimension exceptionnelle de la répression tous azimuts qu’a connue la communauté algérienne émigrée a forcé le comité fédéral et les responsables de la Spéciale à trouver refuge en territoire allemand. Voilà donc le moment choisi par le destin de la rencontre à Düsseldorf entre « Madjid » et Gisela. Mais là aussi, l’histoire et la mémoire héritée de la famille Goethner pourraient donner du sens à l’union entre deux êtres, au- delà de la simple rencontre et du « coup de foudre » qui s’en est suivi. Le fait que Adolf Goethner, le père de Gisela, ait été la clé de voute du réseau de soutien logistique allemand au FLN/ALN ne suffit pas à lui seul à rendre compte de cette union entre les Goethner et Aït-Mokhtar. Car tout comme les aïeux de « Madjid », les grands parents d’Adolf Goethner ont eu à pâtir de l’horreur de la guerre franco-allemande de 1914-1918 et des atrocités de l’ennemi. Originaire de Novéant-sur-Moselle, circonscription de Metz, la famille Goethner est issue d’une grande lignée allemande, elle-même descendant d’une ancienne lignée nobiliaire flamande. Pendant et après la première et la deuxième guerre mondiale, sa famille avait perdu tous ses biens en Alsace-Lorraine et aussi en Allemagne. Mais l’événement le plus dramatique de ces moments de conflit franco-allemand fut la salve de tirs de policiers français qui mit fin aux jours de la grand-mère d’Adolf Goethner sous le regard impuissant d’Emile Goethner, son époux et ses trois fils (dont Adolf). Gisela rapporte que « Cette image aussi dramatique que toute l’atrocité de la guerre elle-même avait marqué mon père Adolf Goethner et mon grand père Emile Goethner toute leur vie durant. » Les historiens retiennent souvent l’aide apportée par l’Allemagne à la lutte de libération algérienne et surtout le soutien des syndicats allemands et du Parti Social Démocrate avec sa figure de proue, Hans Jürgen Wischnewski des jeunesses sociale-démocrates allemandes. Mais l’a-t-elle suffisamment fait pour les Hessman, Goethner, By Woolworthh et autres Georg Puchert (victime de la Main Rouge) qui ont tant uploads/Geographie/ atla-guerre-dalgerie-en-france-nacer-eddine-ait-mokhtar.pdf

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