Villes en parallèle Questions à la ville soviétique Guy Burgel Citer ce documen

Villes en parallèle Questions à la ville soviétique Guy Burgel Citer ce document / Cite this document : Burgel Guy. Questions à la ville soviétique. In: Villes en parallèle, n°1, janvier 1978. Problèmes et méthodes de géographie urbaine. pp. 70-83; doi : https://doi.org/10.3406/vilpa.1978.878 https://www.persee.fr/doc/vilpa_0242-2794_1978_num_1_1_878 Fichier pdf généré le 03/05/2018 Quelques questions à la ville soviétique par Guy BURGEL * La ville soviétique est peu connue en France. Mis à part le remar¬ quable numéro des Notes et Études Documentaires sur Moscou, dû à Basile Kerblay (1 ), les recherches paraissent s'être beaucoup plus orientées vers des considérations historiques ou des convergences superficielles avec les agglomérations occidentales. L'étude des utopies urbanistiques des pre¬ mières années du régime bolchévique (2), la volonté de retrouver dans les vastes espaces de l'Union des réseaux urbains hiérarchisés (3), biaisent avec la nécessaire approche des processus actuels d'élaboration de la ville sovié¬ tique. Cette exigence ne peut se satisfaire de comparaisons en apparence systématiques, mais qui manquent d'hypothèses théoriques préalables. Ainsi, comparant Moscou aux grandes capitales occidentales, j. Beaujeu- Garnier (4) ne peut que conclure que ce sont «des agglomérations diffé¬ rentes et pourtant comparables» où «les hommes doivent affronter les mêmes difficultés et les responsables (tenter) de trouver, chacun à leur manière, des solutions aux difficultés communes». Pareille attaque laisse le problème entier, ou plutôt repose sur des présupposés qu'il faut bien ex¬ pliciter : à taille et fonctions analogues, les villes présentent des types d'or¬ ganisation de leur espace similaires, posent des questions identiques et sus¬ citent des politiques d'aménagement qui se recouvrent largement. En fait, cette intuition confuse ressortit à un double déterminisme historique et géographique assez simpliste : la similitude des processus d'urbanisation dans les pays industriels, les contraintes d'organisation de l'espace à un certain niveau de la concentration urbaine. Cette axiomatique néglige considérablement les héritages des histoires nationales, et plus encore les mécanismes de production des espaces urbains : sans s'interroger ici sur la réalité des différences de système social et politique entre l'Union soviéti¬ que et nous, il est certain que les modes d'intervention institutionnels sur la ville, donc ici l'ensemble de la construction de l'espace bâti, ne peuvent se résoudre dans la constatation d'analogies paysagères ou spatiales. (1 ) Basile KERBLAY : Moscou. Notes et Études Documentaires de la série Les Gran¬ des Villes du Monde - Paris — Documentation Française, 1967, 79 p. (2) Anatole KOPIP : Ville et Révolution — Anthropos 1967 — 317 p. (3) cf. la dernière phrase d'un article de Pierre CARRIERE et Marie-Claude MAUREL : Urbanisation et croissance de la population urbaine en Asie Soviétique (1897- 1970), in Inter Nord, 1972, p. 101-117 : «privée de très grandes villes pour la concurrence de Moscou, l'Asie Soviétique bien qu'entrée dans l'ère de la civilisa¬ tion urbaine, doit encore construire un réseau urbain». (4) Jacqueline BEAUJEU-GARNIER : Les grands problèmes du développement de Londres, New-York, Tokyo, Moscou — Annales de Géographie, 1973, p. 641-674. * Professeur à l'U.E.R. de Géographie de l'Université de Paris X - Nanterre. -70 - L'ambition de ces quelques pages n'est pas — on s'en doute — de répondre à ce vaste programme, mais de poser dans l'esprit qui vient d'être défini, quelques problèmes à la lumière de plusieurs missipnsen URSS et des recherches soviétiques en cours qu'elles m'ont permis dë connaître (1 ). Le système de peuplement urbain : une question neuve mais des méthodes anciennes ? Une première série de questions tourne autour de l'importance dans la littérature et les travaux soviétiques du système de peuplement urbain. On ne répétera jamais assez que, sans être dépourvues, on va le voir, de tentations théoriques, ces préoccupations sont assez éloignées de nos conceptions sur la structure des réseaux urbains et de leurs différents ava¬ tars en matière d'aménagement régional (cf. les métropoles d'équilibre). Elles ressortissent ici à une double motivation idéologique et économique qui apparaît dès l'origine du système soviétique : d'une part rapprocher dans les mentalités, les genres de vie, les sociétés, donc les attitudes politi¬ ques, le monde rural et le monde urbain, d'autre part déterminer les meil¬ leures localisations pour le développement des forces productives, en tenant compte à la fois de la disposition des ressources et des aspirations des habitants. Ces deux déterminations paraissent ainsi étrangères, dans leurs principes, aux théoriesplusou moins géométriques des lieux centraux et à leurs applications dans l'éventuel rééquilibrage du territoire : le con¬ traire serait d'ailleurs curieux dans un Etat, que le peuplement et les dimensions condamnent à une discontinuité et à des déséquilibres majeurs, que le système a finalement décidé d'assumer, sinon de développer. Cette approche différente n'interdit pas toute tentative de théori- sation. Ainsi un jeune chercheur de l'Institut de Géographie de l'Académie des Sciences de l'URSS, Monsieur POLI AN voudrait établir une formule permettant de calculer des indices d'urbanisation qui aboutiraient à des régularités, donc à des possibilités de prévision des localisations souhaita¬ bles pour des villes nouvelles. Cette démarche n'est d'ailleurs pas distincte de considérations sur les processus de concentration, de différenciation et d'intégration à l'intérieur d'un territoire. Au moment de la rencontre avec M. Polian, les résultats étaient modestes puisqu'ils se résumaient à une formule de calcul d'un coefficient d'urbanisation : V2 C r - PxT (1) Je remercie le CNRS, la Direction Générale des Relations Culturelles du Ministère des Affaires Étrangères, l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. (Institut de Géogra¬ phie) pour l'aide et la collaboration qu'ils m'ont apportées. Elles trouvent un pre¬ mier aboutissement par l'organisation en décembre 1978, sous l'égide du Labora¬ toire de Géographie Urbaine de Paris X du premier colloque franco-soviétique de géographie urbaine, consacré aux régions urbaines. Enfin, je tiens à associer à l'ensemble de cette entreprise ma femme, Galia Burgel : sans elle, elle ne serait pas possible. -71 - où V2 représente la somme des carrés des populations des villes. P la population totale du territoire considéré. T la superficie de ce territoire. L'application se heurte aux problèmes bien connus de la significa¬ tion des densités. Plus élaborés, parce que plus avancés, apparaissent les travaux que Madame MEDVEDKOV mène à l'Institut de Géographie de l'Académie des Sciences sur les rythmes de croissance des systèmes urbains. Le point de départ s'établit en trois modèles de structuration de l'espace : la configu¬ ration de Lichinsky est fondée sur une conception monocentrique, où la capitale nationale occupe une position centrale et où le système urbain s'organise autour d'elle; le modèle de Dievonsky correspond à l'image d'une région urbaine polycentrique; enfin la théorie de Malish est inspirée de schémas urbains linéaires et croisés, s'allongeant le long de grands axes routiers, dont les confluences déterminent l'emplacement des grands cen¬ tres. L'originalité de la démarche tient moins à la prise en considération de ces géométries spatiales, somme toute classiques, qu'à l'intention de s'en servir pour prévoir le développement des systèmes de peuplement. A cet effet, un vaste traitement comparatif a été entrepris par Madame MEDVEDKOV sur les villes d'Ukraine, de Pologne et de République Dé¬ mocratique Allemande. Comme toujours, je me demande si les résultats avancés sont à la mesure de l'impressionnant appareil statistique mis en œuvre — l'informatique est très à la mode èn URSS — et des intentions avancées. Qu'à coup d'analyses régressives, les trois modèles utilisés, expli¬ quent 72% du phénomène étudié en Pologne, 67% en Ukraine, 60% en République Démocratique Allemande, n'avance guère pour la compréhen¬ sion des processus d'urbanisation et on voit mal leur finalité appliquée à la prévision. Ne serait-on pas mieux inspiré en s'attachant aux différences historiques que révèle finalement l'inégale dispersion des composantes : disparités des développements économiques, des avances et du dynamisme actuel de l'urbanisation ? Je suis tenté de penser, à la réflexion, que la problématique soviétique sur le système de peuplement urbain est plus riche et neuve que les méthodes employées : on pense en localisation des villes liées au développement des forces sociales de production et on rai¬ sonne en termes de réseaux urbains liés avant tout aux activités de service. L'emprunt aux techniques, voire aux géométries spatiales occidentales qu'elles supportent, est-il étranger à ces déviations ? La planification urbaine : une puissance limitée par les contradictions du système économique et politique ? Le deuxième groupe d'interrogations porte sur les contradictions entre planification régionale et planification urbaine. On sait que tout en appuyant le développement économique sur les grandes villes, le système soviétique combat la concentration exagérée dans les agglomérations les plus importantes, en contenant leur croissance démographique. Moscou peut apparaître un exemple réussi de cette politique, puisque la capitale -72 - de l'URSS, enserrée dans son «caltso» — boulevard périphérique qui est autant la frontière administrative que la limite physique de l'agglomération — a gagné officiellement moins de 700 000 habitants entre 1970 et 1976 (1). Encore ce ralentissement risque-t-il de masquer pour l'observateur occiden¬ tal les différences d'objectifs et d'échelles par rapport aux tentatives de décentralisations connues chez nous. Il s'agit moins ici de rééquilibrer les disparités majeures de l'Union, notamment entre Russie d'Europe et Russie d'Asie, ou même de freiner l'essor uploads/Geographie/ question-a-la-ville-sovietique.pdf

  • 36
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager