« Nous avons besoin d’une Politique Verte qui soit une Politique des Régions, d
« Nous avons besoin d’une Politique Verte qui soit une Politique des Régions, donc une Politique de l’Imagination. La vieille politique est morte : politique de l’État, de la bureaucratie, de l’économisme, de la technocratie. » Max Cafard, Manifeste surré(gion)aliste, 19901 . L es référendums d’autodétermination écossais et catalan ont remis la question de l’émancipation politique des régions au cœur de l’actualité politique. Liés historiquement et idéologiquement au régionalisme et aux régionalistes, les écologistes ont développé une doctrine autonome sur la question régionale conjuguant attachement à la diversité culturelle et promotion de la démocratie locale. Les prin- cipes de base du régionalisme écologiste sont la subsidiarité, la solida- rité territoriale (par la péréquation) et le fédéralisme différencié. 1. SMALL IS BEAUTIFUL La région a une place particulière dans l’idéologie, l’organisation et la straté- gie des écologistes en politique. La décentralisation fait partie des fondamen- taux écologistes, de même que l’attachement à la démocratie locale, la promo- tion de la diversité culturelle et la défense des minorités. Daniel Boy et Benoît Rihoux, analysant l’offre identitaire territoriale des Verts en 1998, mettaient en évidence qu’il s’agit d’une offre identitaire originale, à la fois réarticulation de différents niveaux d’identité territoriale (du local au global) et redéfinition de chacun d’entre eux2. Conjuguant localisme et universalisme, les écologistes rejettent le nationalisme d’État et favorisent les niveaux régional et européen comme niveaux intermédiaires. Cette approche territoriale participe de la spécificité idéologique des écologistes, de leur identité politique. Certes des réflexions écologistes centralistes et étatistes existent. Ainsi, des penseurs tels William Ophuls ou Garrett Hardin estiment que face à l’acuité des problèmes écologistes, nous avons besoin d’un gouvernement centralisé et autoritaire. Un État fort, dirigé par des « mandarins écologiques » (Wil- liam Ophuls, Ecology and the Politics of Scarcity, 1977), serait un mal néces- saire pour mettre en œuvre rapidement et efficacement un agenda écologiste. Y compris, au besoin, par la coercition. Pour ces auteurs, seules des insti- tutions à grande échelle pourront résoudre des problèmes écologiques de grande échelle. Cette écologie anti-démocratique est toutefois marginale car elle entre en contradiction avec le cœur idéologique de l’écologie, selon lequel Small is Beautiful (Ernst Friedrich Schumacher, 1973), qui amène les écologistes à Tudi KERNALEGENN TUDI KERNALEGENN Enseignant et chercheur en science politique à l’Institut d’études poli- tiques de Rennes. Il a publié récem- ment Histoire de l’écologie en Bretagne (éditions Goater, 2014) et L’Union dé- mocratique bretonne. Un parti autono- miste dans un État unitaire (avec Ro- main Pasquier, Presses universitaires de Rennes, 2014). Les Notes de la FEP N°9 - Juin 2016 #Région #DémocratieLocale #Subsidiarité #Europe Écologie et régionalisme Avec une contribution de Gérard ONESTA (suite en page 4) L’UNITÉ PAR LA DIVERSITÉ Les régions et le projet européen écologiste Par Gérard ONESTA Qu’il semble loin le souffle épique et visionnaire des (grands) Pères fondateurs. L’Europe patauge désormais dans l’ère des (petits) Tontons flingueurs. On a même créé un bac à sable institutionnel pour les ébats de leurs égoïsmes : le Conseil Européen, idée irres- ponsable d’un Giscard dont on ne dira jamais assez à quel point il fut un coupable piètre mécanicien de la chose européenne. Comment dès lors dépasser les bisbilles mortifères et récurrentes des nombrils étatiques où chacun croit pouvoir se sauver seul en ra- mant dans le brouillard dans une direction improvisée, oubliant que le canot européen prend l’eau de toute part dans un océan globalisé et démonté ? Il y aurait bien sûr l’évidente réponse du choc consti- tutionnel refondateur, mais l’unanimité – doux euphémisme pour maquiller un droit de véto généralisé – requise en « haut lieu » pour changer la moindre virgule semble clore cette porte à l’heure de la foire à l’opting-out : qui pour sa City, qui pour son refus du migrant, qui pour son « paradis » fiscal, qui pour sa dérégulation sociale, qui pour la mise au pas de ses médias, qui pour son droit à polluer… Et si la réponse ne venait pas d’en-haut, mais d’une source de plus grande proximité. Et si le dépassement du narcissisme d’État pro- venait du lent avènement de territoires plus proches des réalités humaines, que celles-ci soient culturelles, environnementales ou socio-économiques. Et si ces territoires étaient les eurorégions, es- paces plus resserrés ici, plus étendus là, parfois transfrontaliers, mais sûrement moins shootés au vertige des pouvoirs régaliens prétendument indépassables, alors que ces derniers sont dépassés depuis longtemps par la crise mondiale protéiforme qui se rit des petites enclaves nationales et de leurs supposés périmètres her- métiques. Et si – tout étant à refaire – on « recommençait par la culture » (comme a failli le dire Jean Monnet), en jouant la carte décomplexée de la vraie pluralité, de la vraie diversité, celle que seule peut révéler une photo continentale ne se limitant pas à 28 malheureux pixels. Dans l’évident actuel délitement continental, les « régions réelles » qui soudent encore les communautés humaines – parfois en trans- cendant les cicatrices territoriales issues des guerres civiles qui ont ensanglanté l’Europe durant des siècles – peuvent être ce liant essentiel qui manque au projet européen. L’avènement des euro- régions peut également devenir le réceptacle naturel et apaisé du besoin de différenciation qui surgit de partout. Pour peu qu’elle soit menée de façon sereine, ouverte et inclusive, l’autonomie / indépendance régionale pourrait se comporter comme une sou- pape de sécurité souverainiste non sécessionniste. Cela voudrait dire affronter le défi de « l’élargissement intérieur » – augmentation du nombre de membres de l’Union sans ajout de territoires – non comme un risque, mais comme une opportunité. - 2 - Note n°9 - Juin 2016 Écologie et régionalisme - 3 - …/… Nous voilà en 2050. L’Europe « post CECA » a vécu. L’Europe des cercles concentriques trop complexe et ingérable l’a suivie au cimetière des fausses bonnes idées. La République fédérale européenne vient de naître, et le dernier monarque est parti en exil sous les quolibets, vers un obscur émirat au pétrole dé- sormais inutile. La constitution continentale, largement ratifiée à double majorité – citoyenne et territoriale – par le premier référendum paneuropéen de l’Histoire, décrit un simplissime bicamérisme législatif assumé : un Parlement citoyen garant de la force de l’unité car élu sur une circonscription unique et sans frontière, et un Sénat des eurorégions garant de la richesse de la diversité. Le pouvoir exécutif est quant à lui désormais assuré – en rem- placement de feue la Commission – par un gouvernement de ministres fédéraux dont la composition est basée non sur des critères géographiques mais uniquement sur la compétence et la probité. Droits fondamentaux, tolérance, diplomatie s’appuyant sur la prévention des conflits et la solidarité planétaire, la société européenne basée sur les plus hauts standards sociaux et en- vironnementaux est devenue un modèle. Avant cela, il a fallu quelques joyeuses déclarations d’indépendance à l’ombre des Pyrénées, dans les brumes britanniques et ailleurs, redessinant le territoire européen pour le rapprocher des réalités humaines vécues. Mais il a fallu également – et ce fut en tout point décisif – autant de « déclarations d’interdépendance » impliquant sans nuance une solidarité déterminée et « sans cesse plus étroite » entre des peuples fiers de leurs racines enfin reconnues métisses. De façon paradoxale, ce furent les reconnaissances plurielles et croisées de tous ses peuples qui fondèrent le Peuple européen. Ce fut l’unité par la diversité. Gérard ONESTA Actuellement Président du Bureau de l’Assemblée au Conseil Ré- gional de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Gérard Onesta a été eurodéputé écologiste de 1991 à 2009. Il a occupé la fonction de Vice-Président du Parlement européen pendant dix ans. Note n°9 - Juin 2016 Écologie et régionalisme 1. Max Cafard est le pseudonyme de John P. Clark, un philosophe américain écoanarchiste. 2. BOY (Daniel), RIHOUX (Benoît), « L’offre identitaire des partis écologistes en Allemagne, en Belgique et en France : entre le terroir et la planète », Revue in- ternationale de politique comparée, vol. 5, n° 1, 1998. 3. DAWSON (Jane I.), Eco-nationalism. Anti-nuclear Activism and National Iden- tity in Russia, Lithuania and Ukraine, Durham / London : Duke University Press, 1996. 4. RÜDIG (Wolfgang), Anti-Nuclear Mo- vements: a World Survey of Opposition to Nuclear Energy, Harlow : Longman, 1990. rejeter les grandes structures hiérarchisées et complexes (donc opaques). Dans A Blueprint for Survival (1972), Edward Goldsmith et ses coauteurs pro- mouvaient déjà l’avènement de communautés décentralisées à petite échelle, dont la taille réduirait l’impact environnemental et permettrait le contrôle par les habitants. Les premiers écologistes considéraient ainsi que la question de la taille des institutions était un élément majeur de la crise écologique, et que les États centralisés et unitaires ne pourraient résoudre les problèmes dont ils étaient la cause. Les institutions, au même titre que les technologies ou l’éco- nomie, devaient être comprises pour être contrôlées. Au gouvernement des experts, ils répondaient par la démocratie participative. Pour autant, du fait de la nature globale de la crise écologique (réchauffement climatique, empreinte écologique), et conformément à la doctrine écologiste incitant à penser global et uploads/Geographie/ ecologie-et-regionalisme.pdf
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- Publié le Mar 07, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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