Fiche de lecture, La terre aux fruits d’or, Jorge AMADO Elsa Favreau Université

Fiche de lecture, La terre aux fruits d’or, Jorge AMADO Elsa Favreau Université Paris 7 Licence 3 Géographie Cours Géographie de l’Amérique latine Année 2006 – 2007 Fiche de lecture La terre aux fruits d’or, Jorge Amado Fiche de lecture, La terre aux fruits d’or, Jorge AMADO Jorge Amado est né en 1912 à Ferradas, dans une plantation de cacao au sud de l’Etat de Bahia, au Brésil. La violence de la lutte pour la terre et la misère paysanne rythment son enfance et marquent son esprit à tel point que ces thèmes seront sources d’inspiration pour ces écrits futurs. Très jeune, il milite au parti communiste et son premier roman, (Le pays du Carnaval, qu’il écrit à l’âge de 19 ans) tout comme ceux qui suivront, reflètent cet engagement passionnel. La lutte des classes, l’oppression paysanne et l’esprit de la révolution sont au cœur des romans de sa jeunesse, ce qui lui vaut l’emprisonnement en 1936 et l’interdiction de ses oeuvres. Il sera contraint une première fois à l’exil en 1941, puis une seconde fois en 1948 au moment de l’interdiction du parti communiste, dont il est alors membre. Il voyage beaucoup et ne retourne au Brésil qu’en 1956 pour se consacrer entièrement à la littérature. Tout au long de sa vie, il écrit une trentaine d’œuvres parmi lesquelles Suor (1934), Bahia de tous les saints (1935), Gabriela, girofle et cannelle (1958), Dona Flor et ses deux maris (1966). Il meurt en 2001 en laissant derrière lui cette œuvre mémoire de tout un peuple et d’une idéologie socialiste. Les œuvres Les terres du bout du monde et La terre aux fruits d’or forment un diptyque retraçant l’histoire des terres cacaoyères du sud de l’Etat de Bahia dans le Brésil du début du XXe siècle. Elles sont publiées respectivement en 1942 et 1944 lorsque Jorge Amado revient de son exil en Argentine. Elles s’inscrivent dans la lignée de Cacao, publié 10 ans plus tôt, qui dénonce les inégalités sociales, la domination des grands propriétaires et l’esclavagisme des travailleurs agricoles. C’est son enfance passée dans les plantations de cacao et son expérience des luttes, de la violence et de la misère paysanne qui inspirent ces œuvres à l’auteur et lui donnent l’occasion de témoigner de l’enjeu de la terre au Brésil. Son roman Les terres du bout du monde, première partie du diptyque, retrace la conquête féodale de la terre, les luttes violentes et sanglantes pour l’acquisition des terres. La terre aux fruits d’or, seconde partie du diptyque, témoigne de l’affaiblissement progressif des grands propriétaires de la région cacaoyère du Sud de Bahia, victimes des stratégies commerciales des exportateurs de cacao et de leur conquête impérialiste de la terre. L’oeuvre décrit le passage d’une économie cacaoyère en tant que système d’acteurs interdépendants, à une économie cacaoyère entièrement dominée par les exportateurs. Le récit s’attache à présenter les trajectoires de plusieurs personnages liés au cacao : propriétaires de fazendas, ouvriers agricoles, petits paysans, exportateurs, dockers. Il permet ainsi de mettre en valeur les conséquences d’un tel bouleversement sur ces différents acteurs de l’économie cacaoyère, et notamment la fragilité des petits paysans et des ouvriers agricoles qu’une crise peut faire basculer dans la pauvreté et le chômage. Le militantisme de l’auteur le pousse à narrer le rôle du parti communiste dans la gestion de cette crise et dans la défense des intérêts des producteurs agricoles. Le lecteur est ainsi renseigné sur l’enjeu de la terre au Brésil. Une terre productive, convoitée, qui permet de se nourrir et de tirer des bénéfices mais aussi une terre aimée, vécue, pour laquelle on verse son sang, et qui est synonyme de prestige social. Il comprend les structures agraires existant au Brésil et les inégalités et hiérarchies sociales qui en découlent, ceci dans le contexte particulier de la région du Sud de Bahia tirant quasiment exclusivement sa richesse de la production cacaoyère. Les descriptions détaillées et réalistes offrent des informations sur quelques caractéristiques de la culture brésilienne, en particulier sur les questions de fécondité, de métissage et de migrations internes et externes. Le récit se passe à Ilhéus, grande ville de l’économie cacaoyère du début du XXème siècle. Elle bénéficie de l’introduction de fèves de cacao par les jésuites au XIXème siècle puis la production cacaoyère permet l’essor économique de cette « Reine du Sud ». 98 % du Fiche de lecture, La terre aux fruits d’or, Jorge AMADO cacao exporté par le Brésil transite alors par le port de la ville. Les exportateurs étrangers, intermédiaires entre les producteurs locaux et les marchés de consommateurs internationaux (européen, nord-américain et argentin), investissent massivement dans la région et profitent de ses retombées économiques. Leur pouvoir est marqué dans le paysage par le nombre de maisons de commerce, leur taille, la diversité des firmes qui en dépendent (compagnie américaine d’aviation, compagnie suédoise de navigation, compagnie américaine d’assurances maritimes, compagnie de machines à écrire) et leur monopole sur la construction des routes qui implique un droit de priorité sur le transport des camions. Leur présence dans la ville est marquée sur le plan social puisque leur arrivée introduit de nouvelles coutumes dans la vie locale. Des temples protestants sont ainsi construits, quelques termes anglais sont introduits. Cependant, à ce moment, leur domination n’est pas à son paroxysme puisqu’ils doivent compter avec le pouvoir des grands propriétaires fonciers, qui en plus de leur richesse ont l’avantage de bénéficier d’un important prestige social. Les exportateurs pourraient aisément fixer le prix du cacao aux marchés de consommateurs et faire ainsi monter le prix de vente au sac. Une montée des prix serait d’autant plus justifiée qu’à ce moment, l’Equateur, principal exportateur de cacao avec le Brésil, subit une perte de ses récoltes ce qui place le Brésil en situation de quasi-monopole de la production cacaoyère. Pourtant, une telle décision ne serait pas stratégique car les exportateurs devraient alors acheter les récoltes à un prix plus élevé et donc favoriser une montée en puissance financière des grands propriétaires, qu’ils ne souhaitent absolument pas. Leur but est d’acquérir un contrôle total de la région en entrant en possession de la majeure partie des terres et en évinçant les grands propriétaires. Ils méprisent la négligence de ses propriétaires et le manque de modernisation de leurs outils qui produisent des récoltes d’une quantité bien en deçà de ce qu’elles pourraient être. Ceci montre une divergence entre la culture locale pour laquelle la terre constitue d’abord un prestige avant d’être un système de production, et la culture occidentale en quête de profit maximal. La ville et sa région sont entièrement structurées par cette activité. Les routes et chemins de fer sont développés pour relier les zones de production au port, d’où partent les grands cargos chargés de sacs de cacao. La ville est entièrement dédiée au commerce et bien qu’elle soit importante, aucun lieu culturel n’y est édifié. Les seules distractions sont les cabarets accueillant les exportateurs et quelques grands propriétaires. Le cacao est au cœur de la ville, et son règne est symbolisé par l’odeur qu’il répand dans l’air, touchant le sens olfactif des habitants, comme si personne ne devait oublier son emprise un instant. L’économie cacaoyère de la région forme un système dans lequel tous les acteurs sont interdépendants. Ainsi, les exportateurs, malgré leur puissance, dépendent de la récolte des grands propriétaires, mais également de celle des petits producteurs. Cette relation est montrée lors d’un entretien entre Carlos Zude, un des plus gros exportateurs, et Antonio Vitor, petit paysan qui vient lui vendre sa toute première récolte de cacao. Celui-ci se montre intimidé et craint que sa récolte ne paraisse ridicule par rapport à celle d’autres producteurs mais l’exportateur en personne discute avec lui, comme s’il était une personne importante, ceci dans le but de fidéliser le producteur et d’éviter que celui-ci ne vende sa prochaine récolte à un exportateur concurrent. Les efforts réalisés par les petits producteurs et leur attachement très fort à la terre sont décrits à travers l’histoire d’Antonio Vitor et de sa femme Raimunda. Il est raconté comment à partir d’une parcelle de terrain à défricher ils ont su progressivement planter leurs premiers plants de cacao, acquérir les outils nécessaires, puis construire une habitation remplaçant leur logement de fortune, ceci grâce aux excédents dégagés de cultures de manioc et de maïs destinées à l’autoconsommation. On se rend compte de leur attachement à cette terre qu’ils ont travaillée, qui leur a offert le bonheur de la récolte, avec laquelle ils ont souffert du manque d’eau ou se sont réjouis de l’arrivée des pluies. Cet attachement est traduit Fiche de lecture, La terre aux fruits d’or, Jorge AMADO par la comparaison de Raimunda à un arbre de cette terre : «Avec ses pieds énormes et noirs, elle ressemblait plus à un arbre de cette terre, planté là avec ses racines profondes qu’à la jeune femme qu’elle avait été autrefois». La terre est alors plus qu’un seul moyen de survie et de production. Cet attachement à la terre est également valable pour les grands propriétaires de uploads/Geographie/ fiche-de-lecture-la-terre-aux-fruits-d-x27-or-jorge-amado.pdf

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