THÈSE / UNIVERSITÉ DE BRETAGNE OCCIDENTALE sous le sceau de l’Université europé

THÈSE / UNIVERSITÉ DE BRETAGNE OCCIDENTALE sous le sceau de l’Université européenne de Bretagne pour obtenir le titre de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE BRETAGNE OCCIDENTALE Mention : ethnologie École doctorale sciences humaines et sociales DOCTEUR DE LA FACULTÉ OUVERTE DES RELIGIONS ET DES HUMANISMES LAÏQUES Mention : sciences religieuses présentée par Joël Hascoët Préparée à l’UBO à Brest (France) en cotutelle avec la FORel à Charleroi (Belgique) Les troménies bretonnes. Un mode d’anthropisation de l’espace à l’examen des processions giratoires françaises et belges. Tome II - Études et analyses Thèse soutenue le septembre 2010 devant le jury composé de : Jean-François Simon jury 1 Professeur, UBO / directeur de thèse Claude Sterckx jury 2 Professeur émérite, FORel / co-directeur de thèse Donatien Laurent jury 3 Directeur de recherches émérite, CNRS / promoteur Pierre-Yves Lambert jury 4 Directeur d’études, EPHE/ rapporteur Olivier Servais jury 5 Professeur, UCL / rapporteur Sommaire Tome II - Études et analyses IIIème partie – La terre domestiquée III-1 De l’espace naturel à la paroisse ................................................ 427 III-2 Chaque année au jour dit ............................................................ 467 III-3 Le rite sacré autour de la cité ...................................................... 484 III-4 Un récit pour fonder le monde .................................................... 531 IVème partie – L’animal épiphanique IV-1 L’animal guide .............................................................................. 605 IV-2. Le cerf monture merveilleuse .................................................... 622 Conclusion ........................................................................................... 707 427 III - La terre domestiquée IIIème partie – La terre domestiquée La troisième partie de ce travail est consacrée à la présentation des matériaux universels tels que l’espace, le temps et le rite et à leur mise en perspective dans le cadre de notre corpus. Reconnaissons cependant les complexités rencontrées et la limitation de la recherche de par la manque d’études scientifi ques (géographie, hagiographie, histoire, linguistique…) développées sur ce vaste sujet à l’échelle européenne. Alphonse Dupront, historien du christianisme, avait lui-même commencé une recension française puis européenne des processions chrétiennes, qui s’est rapidement avérée un travail titanesque. À défaut de prétendre à l’exhaustivité, nous avons essayé de couvrir le mieux possible les champs signifi ants de ces processions giratoires, soit du point de vue ethnologique : l’espace, le temps, la légende et le rite. III-1 De l’espace naturel à la paroisse « Avec le temps, l’espace est la seconde dimension fondamentale par rapport à laquelle l’être humain doit se situer1 ». Les rapports qu’entretient un peuple avec son territoire sont complexes et multidimensionnels. l’un des aspects en est l’appropriation symbolique et rituelle de l’espace par le biais des circumambulations religieuses. Symbolique par la nature même du récit fondateur, rituelle par son mode opératoire commémoratif. Pourquoi s’intéresser, à cette dimension, souvent cachée ou même évanescente, de l’appropriation symbolique du territoire ? À cette question, nous proposons plusieurs réponses : • L’appropriation symbolique du territoire fait partie du champ de l’anthropologie, elle a donné lieu à de nombreuses recherches dans plusieurs régions du monde. • Le sujet d’étude couvre des disciplines aussi différentes que l’ethnologie, la géographie, l’histoire, le droit, les sciences religieuses. Il a donné lieu à des études récentes dans ces disciplines, le plus souvent menées de façon indépendante les unes des autres, et avec des méthodologies et des objectifs différents. Le sujet se prête bien à l’établissement de passerelles entre les disciplines. • Une telle recherche correspond à une démarche personnelle et universitaire, d’obser- vation participante, et si possible de restitution de la connaissance anthropologique aux populations concernées. Défi nition de l’espace : Le terme « espace » est généralement défi ni comme l’« étendue indéfi nie qui contient et entoure tous les objets2 », ou encore le « lieu, plus ou moins bien délimité, où peut se situer quelque chose3 ». Pour André Lalande il est un « milieu idéal caractérisé par l’extériorité de ses parties, dans lequel sont localisés nos percepts, et qui contient par conséquent toutes les étendues 1 Meslin 1997:1948. 2 Dictionnaire Larousse « Espace ». 3 Le Robert électronique « Espace ». 428 III - La terre domestiquée fi nies4 ». Il peut se décliner dans différentes catégories de la pensée humaine : géométrie, géographie, littérature, philosophie, physique… C’est l’espace géographique qui va retenir notre attention, car c’est bien dans cette région matérielle que se déploie le génie humain. Le terme d’espace, neutre dans son concept, est ici préféré à ceux de « terre, territoire, région, paroisse, communes... », rattachés à d’autres concepts, religieux, de possession, d’identité, de société. De tout temps les hommes ont occupé, ordonné et explicité l’espace. L’Espace est cet ensemble regroupant le ciel et la terre, leur séparation, comme nous l’apprennent les cosmogonies antiques, permet la naissance de la vie sur Terre. L’homme dépendant de ces deux entités, il les conçut à son image, mâle et femelle, un ciel fécondant une terre matrice de la vie. Nous pouvons affi rmer qu’universellement, l’homme a besoin d’anthropiser (d’humaniser) l’espace qui l’entoure, de donner sens à l’inconnu, de domestiquer l’espace, en le nommant, en le balisant, en le limitant par des frontières artifi cielles et/ou naturelles. III-1.1 Justifi er la possession ! L’éternelle question du rapport de l’homme à son territoire, soit l’espace perçu comme lieu de vie d’un groupe humain, est appréhendé sous les formes : • de questionnement, • de légitimation, nationale ou religieuse, le territoire étant alors conçu comme espace vital de la nation contre l’ennemi national ou religieux ; pouvant aller jusqu’à une entrée en guerre ; • de la nationalité, acquise par le sang ou par le lieu de naissance ; • de l’héritage patrimonial et de sa transmission, simple ou complexe… L’acquisition se fait toujours dans une logique de force suivie d’une justifi cation du pouvoir, local, ecclésial, seigneurial ou régalien. Le récit justifi ant la possession de l’espace peut provenir de différentes sources : cosmogonie, mythe, autochtonie, légende, ou tout simplement droit du plus fort comme l’exprime l’action de coloniser un lieu ou de se l’approprier. De la terre au territoire La terre représente la matière à partir de laquelle fut formé Adam*, le premier homme, et la Terre dans son acception spatiale, l’espace qui l’a accueillie, la matrice naturelle qui permit aux premiers agriculteurs de produire leur propre subsistance, la planète qui accueille plusieurs milliards d’êtres humains… D’où l’importance de développer les acceptions du terme originel. La terre (vierge) : du lat. terra, est sémantiquement proche du terme français « terre ». Elle correspond à l’élément solide qui supporte les êtres vivants et leurs ouvrages et où poussent les végétaux. Elle correspond également à l’étendue limitée, bornée, de la surface terrestre et, 4 Lalande 1956:298. 429 III - La terre domestiquée spécialement, des terres cultivables, considérées comme objet de possession. À l’inverse de l’aspect neutre de la terre, le territoire évoque immédiatement un espace contrôlé, où une communauté humaine exerce un pouvoir politique et juridique. Le territoire : du lat. territorium , de terra « terre », correspond à l’étendue de la surface terrestre sur laquelle vivent des groupes humains, et, spécialement, les collectivités se défi nissant politiquement comme nations. Les termes de « terre » et de « territoire » résument à eux deux la différence linguistique, subtile, séparant l’occupation et la possession. Ainsi, Jules Michelet, dans son ouvrage consacré aux Origines du droit français5, propose de classer ses exemples historiques de la propriété au travers de ces deux catégories : occupation6, suivi de possession7. Ainsi l’occupation humaine d’une terre en justifi e rapidement sa possession, qui doit être avalisée par le droit d’y résider et le pouvoir de châtiment au profi t du possesseur. Si la possession est réglée par le droit en vigueur, l’occupation antérieure doit se justifi er, moralement, symboliquement, matériellement, idéologiquement en somme. Si la terre ne possède pas d’histoire, c’est le nouvel occupant qui « invente » l’histoire, le récit, de sa propriété. Le terroir : de même racine étymologique que le territoire, correspond à un espace homogène, du point de vue de ses qualités et de ses aptitudes agricoles. Terme à l’acception plus globale, il n’est pas employé dans la terminologie de conquête physique. Remarquons que cette perception analogique de l’espace est fortement valorisée en France8 ; elle manifeste une anthropisation remarquable de productions agricoles régionales, liant le produit à la terre : le Roquefort, le Champagne, le label AOC ; et si l’on pousse la comparaison dans l’expression politique « La terre ne ment pas9 », sous entendu que les travailleurs de la terre sont associés de fait aux valeurs positives qu’elle véhicule, en opposition aux populations urbaines ! Occuper, posséder, coloniser L’occupation L’occupation est un terme qui rappelle sans aucun doute des souvenirs douloureux pour nombre de Français ayant connu la Seconde Guerre mondiale, mais notre propos remonte à des temps bien plus anciens, à l’époque où le mythe se confond avec l’histoire. En effet, les récits d’occupations ressemblent rarement à des récits prosaïques d’arpentages. Le merveilleux prend le dessus sur les descriptions d’arpentages géométriques plus rationnels. Les héros acquièrent des propriétés, paroisses, asiles, par des gestes, des jets d’objet, des observations, des parcours 5 Michelet 1837. 6 Michelet 1837:II 71-85. 7 Michelet 1837:II 86-113. 8 Selon uploads/Geographie/ joel-hascoet-2010-these-vol-ii.pdf

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