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UÉCOLE DE CHICAGO Jf UÊCOLE DE CHICAGO Naissance de récologie urbaine Textes traduits et présentés par Yves GrAFMEYER et Isaac JOSEPH Champs ®ssais Édition originale ; The University of Chicago Press, Chicago ; Free Press, New York; Duncker and Humblot, Berlin ; K. F. Koehler Verlag, Stuttgart; Armand Colin, Paris ; Klawer Academic Publishers ; Litde Brown and Company © 1" éditíon : Les éditions du Champ Urbain, CRU, 1979. © 1984,1990, Aubier. Schémas et cartes : adaptation Édigraphie, 2004. • ISBN : 978-2-0812-2663-0 Avant-propos Cette nouvelle édition d'un ouvrage paru pour Ia première fois en 1979 intervient peu de temps après Ia disparition d'lsaac Joseph, décédé à l'âge de soixante ans, le 10 fèvrier 2004. H y a vingt-cinq ans, les travaux de Péeole de Chicago étaient beaucoup moins connus dans notre pays qu'ils ne le sont aujourd'hui. En éditant ce ehorx de textes, nous avions souhaité combler une lacune et attirer du même. coup 1'attention sur une tradition de recherche qui traitait des phénomènes urbains selon une pers pective três diffèrente de celle qui prévalait dans ces années-là ehez les sociologues français. Uuniversité de Chieago a donné naissance à plusieurs « écoles » dans les domaines les plus divers : sociologie, architecture, éco- nomie... Dês sa crèation, en 1892, elle avait été conçue par ses fon- dateurs pour devenir une institution de grande envergure qui aceor- derait une plaee importante à Ia recherche, s'ouvrirait sur le monde non aeadémique et contribuerait scientifiquement au traitement des problèmes de société.' D'emblée, Ia sociologie y fut présente et bénéficia d'un statut comparable à eelui des autres disciplines. Nèe au sein du département d'anthropologie et de sociologie, 1'école dite de l'<i ècologie urbaine» a connu son apogée au cours des AVANT-PROPOS décennies 1920-1930. À Ia suite des travaux entrepris par ranthro- pologue William Thomas dès avant Ia Première Guerre mondiale, des sociologues (Robert Park, Louis Wirth, Roderick McKenzie...) et des géographes (en particulier Ernest Burgess) se sont attachés à décrire et à comprendre les changements sociaux et culturels considérables qui accompagnaient Ia spectaculaire croissance des, villes américainesj et en tout premiei lieu de Chicago. Simple bourgade en 1830, Ia ville de Chicago comptait déjà plus de 1 million d'habitants en 1890 et plus de 3 millions dès Ia fin des aimées 1920. Nourrie de flux d'iminigration abondants et diver- sifiés - notamment en provenance de TEurope cette urbanisation rapide s'opérait sur fond de déracinements multiples, d'extrême hètèrogénéité sociale et culturelle, de déstabilisation et de réorga- nisation permanente des activités, des stamts sociaux et des men- talités. Chicago devint ainsi le lieu emblématique de Ia confron- tation des origines et des cultures, ainsi que le symbole même de Ia délinquance et de Ia criminalité organisée. Pour les sociologues de son université, elle représentait un terrain d'observation privilègié ou, mieux encore, pour reprendre le mot de Park, un véritable «laboratoire social». Les três nombreuses monographies réalisées par Robert Park et ses collaborateurs ont porté sur les sujets les plus variès : les trajec- toires sociales et spatiales d'immigrants, les mobihtés quotidieimes, les mouvements de foule, les relations de voisinage. Ia vie asso- ciative et les formes de controle social dans les quartiers résiden- tiels. Ia ségrégation spatiale des minorités. Ia délinquance juvénile, les gangs et autres organisatíons criminelleSj les marginaux,les per- sonnes sans domicile fixe. Ia prostimtion.;. Les méthodes mises en oeuvre pour étudier ces divers objets rompaient avec Ia tradition antérieure des enquêtes sociales, le plus souvent empreintes d'inten- tions caritatives, moralisatrices ou réformistes. Pour les sociologues de Chicago, 1'apport de Ia recherche à Ia résolution des problèmes sociaux se devait de passer par 1'observation rigoureuse des faits et Ia production de savoirs ètablis selon des règles explicites. Dési- gnée après coup comme « qualitative », par opposition aux tech- niques ultérieures de Tenquête par questionnaire. Ia méthodologie qui s'estalors dèveloppée s'inscrivait dans le droit.fil des travaux de William Thomas. Sans négligér pour autant le recours aux données statistiques, elle privilégiait nettement Tenquête intensivè de typé AVANT-PROPOS ethnographique, Tobservation des pratiques dans leurs contextes, les récits de vie, les ètudes de cas, Tanalyse des « dociunents per- sonnels » (correspondance privée, lettres aux journaux...). Ce foisonnement d'émdes empiriques s'est accompagné d'tme élaboration théorique visant à proposer tme pensée cohérente de Ia grande ville contemporaine. L'ambition de Park était de fonder une véritable « écologie urbaine » permettant de saisir 1'ensemble des relations entre les citadins dans letn milieu de vie. Uécologie ani- male et végétale, qui était alors en plein essor dans le prolongement de Ia théorie darwinieime, lui a fourni un cadre de référence pour penser ces relations en termes de compétition, de dominance, d'in- vasion-succession, de conflit, de symbiose. En partie influencé par cette vision namralisante, le programme scientifique de 1'écologie urbaine s'en démarquait néanmoins par Timportance qu'il accor- dait aux phénomènes de mobilité et de crise. Le devenir de Ia grande ville est en effet dominé par des processus permanents de déstabilisation et de réaménagement (des structures matérieUes, des institutions, des mentalités). Milieu naturel de rhomme modeme, 1'univers. urbain exacerbe les tensions qui sont cohstitutives de toute vie sociale, notamment celles qui naissent de Ia confrontation entre des populations hétérogènes amenées à coexister sur un même territoire; Les questions liées à 1'immigration et à Tintégra- tiori des minorités ont occupé une place majeure dans les travaux de cette génération de sociologues de Chicago, et tout particulié- rement dans 1'oeuvre de Robert Park. Contre les interprétations biologisantes invoquant des spécificités raciales, ce dernier a donné une orientation décisive aux recherches proprement sociologiques dans ce domaine, en privüégiant Tanalyse objective des relations interethniques, des inégalités économiques qui leur sont associées et des processus d'ajustement plus ou moins conflictuels qui les redéfinissent en permanence. Vers la fin des années 1930, récole de récologie urbaine avait pratiquement cessé d'exister en tant que telle. Au sein même de 1'université de Chicago, et plus nettement' encore dans quelques universités de Ia 'côte Est des États-Unis, les méthodes de l'obsèr- vation directe avaient cêdê Ia place à un nouvel empirisme plus quantitatif, centré notamment sur les techniques de Tenquête par sondage. Les héritages de cette période fondatrice sont cependant multiples, au point que Ton a pu parler d'une « seconde école de AVANT-PROPOS Chicago » à propos de travaux plus récents qui, en shnspirant de Ia même perspective méthodologique, ont renouvelé au cours des trente dernières'armées les approches de Ia déviance ou encore des interactions dans Ia vie quotidienne. À répoque oú nous avions entrepris de traduire et de présenter quelques-uns des textes fondateurs de Ia sociologie. urbaine de Chicago, Isaac Joseph venait de publier, avec deux de ses collègues de l'université de Lyon, urie recherche sur Ia généalogie des dispo- sitifs de normaüsation de Ia famille Fortement inspirée par les travaux de Michel Foucault, cette enquête de.sociologie historique se démarquait toutefois d'une interprétation réductrice des logiques de répression et de normaüsation, en mettant en évidence Ia pluraüté de ces logiques institutiormeUes, leur absence de cohé- rence, 1'enchevêtrement de tactiques disparates et dünterstices autorisant diverses formes de résistance aux emprises de Tenca- drement disciplinaire. En explorant cette Ugne de. fuite, Isaac Joseph en est três vite venu à süntéresser à la.ville. Non pas Ia «vUIe- usine», ce üeu d'enfermement, dê reproduction et de moralisation des travailleurs qui retenait dans ces mêmes annèes Tattention d'autres sociologues français privilégiant une perspective foucal- dienne Mais au contratre Ia vüle considérée comme le mUieu naturel des formes de sociabüité qui s'éIaborent au quotidien dans un jeu complexe entre organisation et désorganisation, identités et mobiütés,- fréquentation du semblable et expérience de Tautre. Dans im texte qu'il a toujours considéré comme un moment clé de son itinéraire (Résistances et sociabilités, 1978), Isaac Joseph-,des- sinait les grandes lignes d'un programme -de recherche-qui se recentrait sur Ia question des cultures urbaines, .en Téclairant par un dialogue serré avec les écrits de Georg-Simmel et d'Erving Goffman. Ces deux auteurs ètaient alors peu connus en France. Le premier fut une source intellecmelle majeure pour Robert Park, qui avait suivi ses enseignements -à Berlin. Quant au second, lointain héritier des premiers sociologues de Chicago, il fournit une précieuse grille de lecture rétrospective des analyses que ces der- 1.1. Joseph, P. Frilsch, A. Battegay, Disciplines à domicile. Lédification delafamiUet RecheTcheSyXX 22>,\.911. 2. L. Murard, P. Zylberman, Le Petit Travailleur infatigable ou le ProUtaire régénéré. Villes-usines, habitai et intimités au XIX' siècle, Recherches, n 25, 1976. IV AVANT-PROPOS niers avaient proposées sur les ressorts de Tinteraction sociale entre les citadins. Par Ia suite, Isaac Joseph a grandement contribué à mieux faire cormaitre dans notre pays les travaux d'Erving Goffman, dont il était intellectuellement três proche et dont il fut Tami. Sa farrtiUarité avec 1'oeuvre du maltre de rinteractionnisme symbolique féconde les recherches empiriques que lui-même a conduites dans divers cadres institutionnels, au croisement d'une micro-écologie des scènes urbaines et d'une sociologie des interac tions en public. Dans les années 1970, Ia recherche urbaine françáise était domi- nèe par un ample courant de socio-économie dünspiration marxiste qui s'attachait à mettre en uploads/Geographie/ journalisme-histoire-naturelle.pdf