Revue française d'histoire d'outre- mer La présence française dans la partie oc

Revue française d'histoire d'outre- mer La présence française dans la partie occidentale de l'île de Cuba au lendemain de la révolution de Saint-Domingue Alain Yacou Abstract Soon after the revolution in Santo-Domingo, about a thousand French refugees could be found.in the western region of Cuba. They had reached the region through complicated routes between 1790-1805. They has settled there, carrying on various trades. The 1808 events in Spain and their developmènts in Cuba will result into the expulsion of a great number of them here, there, and everywhere in the big island. Résumé Au lendemain de la révolution de Saint-Domingue, on trouve un millier environ de réfugiés français dans la région occidentale de l'île de Cuba. Ils avaient gagné la région par des itinéraires compliqués au cours des années 1790-1805. Ils s'y étaient établis et y exerçaient les métiers les plus divers. Les événements de 1808 en Espagne et leur prolongement à Cuba auront pour résultat, ici comme ailleurs dans la grande île, l'expulsion d'un grand nombre d'entre eux. Citer ce document / Cite this document : Yacou Alain. La présence française dans la partie occidentale de l'île de Cuba au lendemain de la révolution de Saint- Domingue. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 74, n°275, 2e trimestre 1987. Economie et société des Caraïbes XVII-XIXe s. (1re Partie) pp. 149-188; doi : 10.3406/outre.1987.2589 http://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1987_num_74_275_2589 Document généré le 13/04/2016 LA PRESENCE FRANÇAISE DANS LA PARTIE OCCIDENTALE DE L'ÎLE DE CUBA AU LENDEMAIN DE LA RÉVOLUTION DE SAINT-DOMINGUE par ALAIN YACOU Un voyage dans les grandes Antilles permet de retrouver en maint endroit la descendance des émigrés de Saint-Domingue chassés par la révolution, écrivait en 1910 Eugène Aubin, avec un enthousiasme débordant et une fierté non moins légitime. Et le voyageur français de poursuivre : Cuba étant l'île la plus proche, ceux-ci se répandirent dans toute la partie orientale, alors à peu près déserte : une colonie nombreuse se groupa au pied de la Sierra Maestra et dans la région montagneuse qui borde la côte, depuis Santiago de Cuba — « Saint- Yague de Cube » disaient nos créoles — jusqu'au-delà de Guantanamo. Indication précieuse pour notre propos, il ajoutait encore : Certains s'écartant du gros de nos colons, s'avancèrent davantage vers l'ouest. Madame Frédérique Bremer et R. H. Dana racontent qu'au cours de leurs voyages en 1851 et 1859, ils furent les hôtes d'un émigré de Saint-Domingue, devenu l'un des principaux planteurs de la province de Matanzas *. Cette présence à Cuba de colons français ou de leurs descendants au de la révolution de Saint-Domingue a déjà fait l'objet d'un certain nombre d'études de valeur. Mais, traditionnellement, c'est à Santiago de Cuba qu'on nous les montre, c'est-à-dire là où ils étaient les plus nombreux, là où les traces sont encore bien visibles et là où l'apport français a été cultivé et pour ainsi dire vivifié tout au long du XIXe siècle 2. En revanche, pour la partie occidentale de l'île, les témoignages se sont très vite estompés, et c'est à peine si aujourd'hui l'on se souvient qu'au sud et à Rev. franc, d'hist. d'outre-mer, t. LXXIV (1987), n° 275, p. 149 à 188. 150 ALAIN YACOU l'ouest de La Havane, au cœur des sierras occidentales mêmes, il s'était établi également de remarquables colonies de Français, originaires de Saint-Domingue, dès 1790, mais aussi de la Louisiane, à partir de 1803. Cette émigration française dans la zone occidentale de Cuba, qui fut plus éphémère et numériquement moins importante que dans la zone orientale, n'en a pas été moins marquante dans le domaine socio-économique tout au moins, dans la mesure où elle s'est produite durant la période d'expansion de l'économie de plantation cubaine à laquelle elle a apporté une contribution essentielle. I. LE FLUX MIGRATOIRE DES ANNÉES 1790-1804. L'arrivée à Cuba des réfugiés français s'est échelonnée sur toute la période qui va de 1791 à 1804 et même au-delà, Saint-Domingue étant devenu Haïti. Mais cette émigration ne s'est pas effectuée suivant un rythme uniforme. Au gré des circonstances, les volumes ont nettement varié et l'appartenance sociologique, politique, voire ethnique des réfugiés, présente un certain nombre de fluctuations. On peut avancer à cet égard que ce flux migratoire présente quatre phases bien précises: 1791-1792, 1792-1795, 1795-1800, 1802-1804. 1790-1792 : les premiers réfugiés. Au cours de la première phase qui marque le début du processus de dispersion de la société créole de Saint-Domingue, l'île de Cuba ne sera pas, loin s'en faut, le seul havre pour tous ceux qui fuient la tourmente... Ici, aucune concentration excessive comme à la Jamaïque où, l'anglophilie aidant, les réfugiés français seront, dans les premières années, aussi nombreux que les propriétaires blancs eux-mêmes, aux dires d'un émissaire espagnol ; aucune arrivée massive de en pleine débandade, au lendemain de la tragi-comédie des Léopardins, ou de propriétaires ruinés et abusés, comme ceux que Chateaubriand rencontre sur sa route à Philadelphie, mais, en petit nombre, des individus prudents, à la recherche de sérénité et de calme, porteurs parfois de lettres de recommandation de la main du gouverneur Blanchelande, en somme des esprits avisés pour qui 111e de Cuba ne sera en réalité que le lieu d'une savante retraite où l'on pouvait compter sur des amis sûrs et qui permettait de suivre de près les événements dans nie voisine. Très vite, cependant, on voit arriver d'authentiques colons qui entendaient s'installer définitivement à Cuba et contribuer au bien-être de leur nouvelle patrie, comme ce M. de Vaumeuf, habitant à Jérémie, qui, pour ce faire, adresse une lettre pleine d'attentions, le 1er novembre 1791, au gouverneur de Santiago de Cuba, lettre dans laquelle il disait son dessein d'y établir, à force d'épargne et LES FRANÇAIS À CUBA APRÈS LA RÉVOLUTION DE SAINT-DOMINGUE 151 d'opiniâtreté, une caféière modèle 3. D'autres, plus nantis, entendent même y débarquer avec tous les biens meubles qu'ils pouvaient transporter, et d'abord leurs esclaves. Bien entendu, l'administration espagnole s'opposera, pour des raisons évidentes, à la venue des nègres de jardin, qui n'ignorent rien des grands qui étaient en train d'ébranler les fondements de la colonie française. Mais en vain... Ces premiers réfugiés qui arrivent pour la plupart à Baracoa, la ville la plus orientale de Cuba, ou à Santiago, vont dans nombre de cas traverser toute nie pour aller s'établir en zone occidentale où l'on peut retrouver leurs traces pour les années 1791-1792. C'est ainsi que, pour cette période, nous avons retrouvé un certain Lebrun, natif de Saint-Domingue et qui, exerçant la profession de s'était établi à Guanajay au sud de La Havane dès 1791, tandis qu'un Alexandre Fort, mulâtre originaire de Saint-Domingue, tonnelier de son état, passé à Cuba en cette même année, s'était installé dans le quartier (extra-muros) de San Lazaro à La Havane. Il y avait épousé une créole de Cuba. A Cayajabos, localité située au sud-ouest de La Havane, en Pinar del Rio qui allait être un des grands centres des caféières françaises, on trouve un Jean Delaunay, natif de Bordeaux, réfugié de Saint-Domingue en 1791. Delaunay y avait établi une importante caféière. Au nombre de ces premiers défricheurs, on trouve aussi, en 1792, un Francisco Rouvier, propriétaire à Melena d'une des premières caféières françaises de la région. 1792-1795 : l'émigration d'honneur. A la fin de l'année 1792 et jusqu'à la paix de Bâle au moins, c'est une seconde vague de réfugiés qui présenteront dans leur grande majorité un profil plus : il s'agissait en l'occurrence de royalistes partisans de l'appel à l'Espagnol et pour qui l'île de Cuba était moins un refuge qu'une base de repli pour l'« émigration d'honneur » dans sa version antillaise. Une arrivée ne passera pas inaperçue, celle de l'ancien gouverneur de Jérémie, Vézien des Ombrages, le 29 avril 1793 ; sur le point d'être déporté en France par les commissaires qui, rappelons-le, avaient été envoyés sous la Législative pour faire exécuter la loi du 4 avril 1792 favorable aux libres, il s'était réfugié à Santiago de Cuba, où il tentera, mais en vain semble-t-il, d'intéresser les locales à un plan d'invasion et d'occupation de Saint-Domingue depuis 111e de Cuba4. Certes, l'arrivée de Vézien des Ombrages avait été précédée de celle de quelques partisans qui fuyaient comme lui les commissaires de Saint-Domingue. Mais c'est surtout au lendemain de l'incendie du Cap (juin 1793) que le flot de réfugiés politiques va augmenter sensiblement. Si Santiago de Cuba ou Baracoa dans l'Est cubain sont des points d'arrivée obligés dans nombre de cas, c'est vers La Havane, en définitive, que se dirigent la plupart des nouveaux venus. Pour 152 ALAIN YACOU cette époque, on notera aussi l'installation dans les zones occidentale et centrale de royalistes venus directement de France après l'exécution de Louis XVI, ou encore, pour des motifs moins connus, de la Nouvelle-Orléans. Il faut signaler enfin que plusieurs réfugiés — il s'agissait bien souvent d'officiers œuvrant d'après un plan concerté avec l'état-major de l'émigration — vont prendre du service dans l'armée ou la marine espagnoles. Mais, quelle que fût son importance, cette deuxième vague des années 1792- 1795 ne pouvait constituer une émigration stable. Beaucoup uploads/Geographie/ la-presence-francaise-en-oriente-cuba.pdf

  • 31
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager