Annales littéraires de l'Université de Besançon Le commerce du blé dans le Pont
Annales littéraires de l'Université de Besançon Le commerce du blé dans le Pont septentrional (seconde moitié du VIIe-Ve siècle) Monsieur Alexander N. Ščeglov Citer ce document / Cite this document : Ščeglov Alexander N. Le commerce du blé dans le Pont septentrional (seconde moitié du VIIe-Ve siècle). In: Le Pont-Euxin vu par les Grecs : sources écrites et archéologie. Symposium de Vani (Colchide), septembre-octobre 1987. Besançon : Université de Franche-Comté, 1990. pp. 141-159. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 427); https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1990_act_427_1_1249 Fichier pdf généré le 06/05/2018 LE COMMERCE DU BLÉ DANS LE PONT SEPTENTRIONAL (seconde moitié du VIIème - Vème siècle) ALEXANDRE SCEGLOV On donne pour indiscutable cette thèse : les exportations de blé du Pont septentrional étaient basées en grande partie sur les céréales que les Grecs du littoral nord de la mer Noire obtenaient des Scythes. Tout en acceptant le caractère d'évidence, cette affirmation est devenue un des concepts fondamentaux pour toute démonstration concernant non seulement l'histoire économique et sociale de ce littoral, mais aussi bien politique. C'est à travers le prisme de ce concept que l'on envisageait les moments essentiels des interpénétrations d'influences gréco-scythes. En subsistant dans l'esprit de la science plus de cent ans, ce concept-là est partagé sans réserve par les spécialistes en histoire antique aussi bien que par les historiens de la Scythie. Sans tomber dans les détails de l'historiographie, je me permets de citer quelques exemples tirés au choix des ouvrages publiés en URSS au cours de la dernière décennie. Dans son livre sur l'agriculture antique du littoral septentrional de la mer Noire, paru en 1953, V.D. Blavatsky disait que "... le ravitaillement en blé du Pont septentrional était assuré aussi par un nombre de tribus du littoral nord de la mer Noire, déjà à l'époque d'Hérodote, produisant le blé directement pour le vendre et - pourrons-nous le croire - augmentant considérablement cette production au cours des siècles ultérieurs... Il est indubitable qu'Olbia fut le centre d'un assez vaste commerce de transit de blé fourni par des régions fertiles en céréales du Bas Boug et du Bas Dniepr" 1. Dix ans après, I.B. Brachinsky, parlant de la pénétration des marchandises athéniennes en profondeur dans la Scythie via le Bosphore et Olbia dans la deuxième moitié du VIème siècle avant notre ère, en conclut que "la noblesse scythe acquiert volontiers du vin, de l'huile et des récipients peints précieux en les échangeant contre du blé et des produits de l'élevage" 2. 1. V.D. BLAVATSKY, Zemledelije υ antichnyh gosudarstvah Severnogo Prichernomorja, M., 1953, p. 9. 2. I.B. BRACHINSKY, Afiny i Severnoje Prichernomorje υ VIII ν. υ. do η. e., M., 1963, p. 27. 142 Dans un paragraphe traitant des exportations du froment pontique les auteurs d'une monographie collective écrivent : "A qui, sinon les marchands grecs, les agriculteurs scythes peuvent-ils vendre leur blé au Vème siècle ? Ce n'est pas par hasard qu'on trouve à cette époque-là une telle quantité d'objets grecs dans les alentours immédiats du Dniepr. Ces objets y pénétraient par l'intermédiaire des cités grecques du littoral nord de la mer Noire, qui effectuaient un commerce de transit, en transportant en Grèce leur propre blé ainsi que celui acheté aux tribus environnantes" 3. B.A. Chramko et S.V. Janouchevitch dans leur article consacré à l'étude des plantes cultivées dans les zones de steppe et de forêt-steppe du littoral nord de la mer Noire affirment que "c'est précisément le développement de l'agriculture de labour qui a permis aux tribus de la Scythie de ravitailler en blé et en d'autres produits agricoles non seulement les cités grecques du littoral nord de la mer Noire, mais aussi les pays du monde antique" 4. L.A. Elnitsky ne doute pas du fait que "les habitants des petits établissements (répartis en grand nombre le long du Boug, du Dniepr, du Don et du Donetz) approvisionnaient en blé les pays du bassin de la mer Egée" 5. Dans son livre La Scythie d'Hérodote B.A. Rybakov écrit : "Une annotation d'Hérodote sur les exportations de blé est d'une extrême importance pour nous. L'historien, naturellement, voulait dire que les Scythes-agriculteurs ne cultivent pas le blé que pour eux-mêmes, mais pour le vendre. L'indice de l'importance de ces exportations de blé est contenu dans la dénomination d'Olbia - "Emporion des Borysthénites". Cela rattache les relations commerciales gréco-scythes avec le Dniepr-Borysthène - au groupe archéologique de Kiev s'étendant sur près de 400 km le long du Dniepr. Divers objets de luxe achetés par la noblesse scythe aux Grecs, du vin et de l'huile en amphores, de la belle vaisselle, des articles en bronze et en argent servaient d'échange au blé du Dniepr moyen" 6. Dans l'article sur les relations économiques gréco-scythes A.S. Ostroverkhov prétend que l'agriculture des établissements antiques du Boug inférieur et du Dniepr inférieur ne pouvaient qu'en partie assurer les besoins des colons grecs, et, en plus, 3. Vozniknovenije i razvitije zemledelija, M., p. 125. 4. B.A. CHRAMKO, Z.V. JANOUCHEVITCH, Kulturnyje rastenija Ckifii, SA, 1985, Ν 2, p. 47. Le tableau ci-joint n'est pas fait correctement. On y trouve inclus non seulement les monuments scythes, mais aussi ceux des époques sarmates, de même que les monuments antique des VIème- jyème siècles avant notre ère. Or il ne donne pas l'idée de l'état des choses. 5. L.A ELNITSKY, Skifija Evrazijskih stepej, Novosibirsk, 1977, p. 208. 6. B.A. RYBAKOV, Gerodotova Skifija, M., 1979, p. 138. 143 "une partie du blé obtenu des Scythes servait surtout à l'exportation vers la métropole" 7. D.B. Chelov, s'en référant à Hérodote, suppose "qu'au Vème siècle avant notre ère, les Olbiopolites obtenaient des Callipydes, des Alisons et des Scythes- laboureurs" 8 une grande partie du blé dont on avait besoin pour nourrir les citadins ainsi que pour les exportations vers la Grèce. Selon M.I. Artamonov les premiers colons grecs installés sur le littoral nord de la mer Noire étaient intéressés surtout par l'acquisition du blé indigène, autant pour eux-mêmes que pour les exportations en Grèce. Aussi faisaient-ils du commerce d'échange avec les populations agricoles de la forêt-steppe. Mais au Vème siècle avant notre ère les tribus d'agriculteurs dépendaient des Scythes-royaux, c'est alors par l'intermédiaire de ces derniers que les cités grecques ont pu se ravitailler notamment en blé, produit essentiel de l'exploitation de la forêt-steppe, "dont avaient tant besoin les colonies ainsi que la métropole et surtout Athènes" 9. J.G. Vinogradov traitant de la particularité du développement des poleis grecques sur le littoral septentrional de la mer Noire prétend que dans la deuxième moitié du VIIème siècle - le début du VIème siècle via les premières apoikiai, de Bérézan et d'Olbia - dont l'économie était essentiellement tournée vers le commerce - on exportait à Milet et vers d'autres poleis grecques surtout du blé - "le principal produit de la Scythie de forêt- steppe" 10. V. P. Jailenko lui aussi affirme qu'à cette époque-là Bérézan et Olbia étaient ravitaillés en blé provenant de la forêt-steppe" n. La disparition de nombreux établissements agraires du territoire d'Olbia au premier quart du Vème siècle avant notre ère s'explique pour KK. Martchenko par le réveil politique et militaire des Scythes nomades, éliminant ainsi un concurrent qu'était pour eux l'Olbia agraire et s'assurant "une position de monopole du commerce du blé entre les Grecs et les tribus de la forêt-steppe" 12. En développant cette thèse J.G. Vinogradov a proposé, il est vrai avec beaucoup de réserves, cette hypothèse de travail : "Les gouverneurs et la haute aristocratie de la Scythie, tenant à vendre les 7. A.S. OSTROVERKHOV, Etapy i harakter greko-skifskih ekonomitcheskih sviazej ν Podnieprovje i Pobugie. - Dans : Issledovanija po antitchnoj arheologii Jugo-Zapadnoj Ukrainskoj SSSR, Kijev, 1980, p. 24. 8. D.B. CHELOV, Severnqje Prichernomorje 2000 let nazad, M., 1975, p. 42, 65. 9. M.I. ARTAMONOV, Kimmerijtsy i skify, L., 1974, p. 108. 10. Dans : Antitchnaja Gretsija. Problemy razvitija polisa, M., 1983, t. I. Stanovlenije i razvitije polisa, p. 383. 11. Ibidem, p. 141, 146. 12. K.K. MARTCHENKO, Vzaimodejstvije ellinskih i varvarskih elementov na territorii Nignego Pobugija ν VH-V w. do n. e. - Dans : Problemy gretcheskoj kolonizatsii Severnogo i Vistotchnqgo Pritchernomorja, Tbilisi, 1979, p. 136 ; ID., Model gretcheskoj kolonizatsii Nignego Pobugya, BDI, 1980, N 1, p. 142 f. 144 produits pris aux tribus des agriculteurs (avant tout le blé) dans le bassin de la mer Egée, dictaient la reconstruction de l'économie de leur intermédiaire qu'était Olbia. Ce qui a abouti à la brusque réduction de la production agricole d'Olbia destinée au commerce, et au passage, pour les Olbiopolites, à un commerce essentiellement de transit..." 13. Enfin, V.J. Mursin dans son ouvrage De la fondation de la Scythie sur le littoral nord de la mer Noire, en y développant les vues de M.I. Artamonov, avance une hypothèse selon laquelle les raisons les plus probables du déplacement des centres de la Scythie des régions de steppe du Caucase nord vers le Dniepr inférieur et en Crimée-steppe dans la deuxième moitié du VIème siècle avant notre ère, s'expliquent par l'aspiration des Scythes-nomades à établir leur contrôle sur les communications commerciales entre les Grecs du uploads/Geographie/ le-commerce-du-ble-dans-le-pont-septentrional.pdf
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