http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 1 W I L L I

http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 1 W I L L I A M S H A K E S P E A R E SONNETS Version française de Michel Bernardy http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 2 Sonnet 1 Les êtres les plus beaux, on voudrait qu'ils engendrent Afin que leur beauté à la rose survive, Lorsque le plus âgé succombe avec le temps Et que son rejeton rappelle sa mémoire. Mais toi, n'étant séduit que par tes yeux brillants, Tu ranimes la flamme au foyer de ton être, Créant la sécheresse où règne l'abondance, Ennemi de toi-même au mépris de ton coeur. Toi qui es maintenant la fraîcheur de ce monde Et l'unique héraut du printemps chatoyant, Tu couvres d'un linceul ta sève et ta lignée En jeune ladre, et ta lésine est un désastre. Prends ce monde en pitié, sinon par un glouton Tout sera dévoré de ta tombe et de toi. Sonnet 2 Lorsque quarante hivers t'auront blessé le front Et tracé des sillons dans le champ de ta grâce, Ta jeune et fière allure aujourd'hui admirée Ne sera que guenille et chose sans valeur. Alors, si l'on demande où ta beauté réside, Où sont tous les trésors de ta jeunesse en fleur, Dire les retrouver tout au fond de tes yeux Serait un maigre éloge, une honte stérile. Qu'il serait plus séant d'employer ta beauté Pour répondre à qui veut : « Ce beau garçon que j'ai Réglera tout mon compte en excusant mon âge. » Prouvant que sa beauté, il la doit à la tienne. Ce serait rajeunir alors que tu vieillis Et réchauffer ton sang qui se glace en tes veines. Sonnet 3 Dis à celui qu'en ce miroir tu dévisages Que le temps est venu d'en faire naître un double Dont la fraîcheur des traits ne soit pas oubliée Du monde et d'une mère en quête d'un enfant. Est-il femme aussi belle en virginale attente Qui puisse refuser d'être enceinte de toi? Quel homme est assez fou pour devenir la tombe Où par amour de soi périt tout héritier? Ta mère en un miroir reverra le visage Qu'elle avait en l'avril de son jeune printemps. Toi-même de tes yeux dans la brume de l'âge, Tu reverras tes jours dorés malgré tes rides. Seulement si tu vis, ne laissant nulle trace, Tu meurs en solitaire et ta forme est perdue. http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 3 Sonnet 4 Prodigue en séduction, pourquoi dilapider Pour toi seul le cadeau d'un charme qu'on te lègue? Rien n'est donné par la nature. Elle est prêteuse, Mais libérale, et prête aux hommes généreux. Alors pourquoi, parcimonieux, mésuses-tu D'un charme si parfait sans le transmettre à d'autres? Possesseur d'un trésor, en quoi donc te sert-il Pour à la fin des fins n'en rien léguer sur terre? Car n'ayant qu'avec toi établi de commerce, Tu prives de toi-même un être qui t'est proche. Et lorsque tu devras enfin quitter le monde Quelle sera pour toi la dette que tu laisses? Ta stérile beauté te suivra dans la tombe Alors qu'elle aurait pu hériter de toi-même. Sonnet 5 Le temps qu'il a fallu pour qu'avec soin s'agence Le séduisant décor qui charme nos regards Deviendra le tyran de l'oeuvre ainsi produite, Défigurant l'objet de notre admiration. Irrésistiblement le temps conduit l'été Jusqu'à l'hiver hideux qu'il détruira de même. Le froid gèle la sève et tout feuillage tombe. La neige est un linceul qui couvre toute chose. Pourtant si de l'été l'essence était perdue Au lieu d'être sauvée en des flacons de verre, Le parfum ne pourrait subsister dans sa fleur Et nous n'aurions des deux le moindre souvenir. Mais les fleurs distillées ne perdent dans l'hiver Que l'apparence et leur parfum les ressuscitent. Sonnet 6 Plutôt ne laisse pas la griffe de l'hiver Abolir ton été sans en sauver le germe. Dans un flacon d'argent relègue en sa matrice La perfection des traits avant qu'ils se détruisent. En user de la sorte est loin d'être une usure Puisque le débiteur s'en acquitte avec joie. C'est mettre au monde un autre issu de ta personne Et dix fois plus heureux en misant dix contre un. Tu aurais un bonheur multiplié par dix Si dix de tes enfants te remettaient au monde. Que ferait donc la mort si lors de ton décès Tu demeurais vivant par ta progéniture? Ne t'obstine donc pas. Ton charme est bien trop grand Pour être par la mort en proie à la vermine. http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 4 Sonnet 7 Regarde à l'orient, lorsque le feu du ciel Lève son globe ardent, tout regard ici-bas Célèbre son retour en lui rendant hommage Et saluant des yeux sa majesté sacrée. Puis quand il a gravi la céleste colline, Figurant la jeunesse au milieu de son âge, Les regards des mortels adorent son éclat Suivant le chemin d'or de son itinéraire. Mais lorsque du zénith son char perd en vigueur Comme un faible vieillard au bord du crépuscule, Les yeux qui l'admiraient détournent leurs regards De ce soleil couchant pour se tourner ailleurs. Et toi de même après avoir passé midi, C'est le déclin si tu n'as pas fait naître un fils. Sonnet 8 Musicale est ta voix. D'où vient qu'elle t'afflige? Douceur se fait douceur, et joie en joie exulte. Pourquoi dédaignes-tu ce qui devrait te plaire Et fais-tu bon accueil à ce qui te déplaît? Si l'harmonieux accord de sons qui se répondent, Fusionnant avec grâce, offense ton oreille, C'est qu'ils te font le doux reproche d'un solo Qui semble réfuter l'accord d'une autre voix. Entends comme une corde appelle une autre corde Pour vibrer avec elle en un accord unique Ainsi que père et mère en une créature Trois êtres pour un air au plaisir de l'oreille Qui s'accordent sans mot à plusieurs en un seul Et qui chantent pour toi : « Resté seul, tu n'es rien. » Sonnet 9 Est-ce en crainte des pleurs versés par une veuve Que tu choisis de vivre en homme solitaire? Si tu viens à mourir sans laisser d'héritier, C'est la terre qui pleure en deuil de son époux. La terre sera veuve et se lamentera Du fait que tu n'aies point de toi laissé de trace, Alors que toute veuve a lieu de retrouver Dans les yeux d'un enfant le regard d'un époux. Ce qu'on prodigue en ce bas-monde est seulement Changer de lieu et tout au monde en a maîtrise. La beauté négligée a sa fin en ce monde. Si l'on en use point, l'usager la détruit. L'amour n'est point au coeur de celui qui commet Sur lui-même un tel meurtre au comble de la honte. http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 5 Sonnet 10 Renonce à déclarer que tu es amoureux, Toi qui es pour toi-même aussi imprévoyant. Il est vrai que beaucoup sont amoureux de toi, Mais il est évident que tu n'aimes personne. Une haine mortelle à ce point t'assassine Que tu n'hésites pas à te trahir toi-même, Interrompant le cours d'une illustre lignée Quand tu devrais de tout ton coeur la prolonger. Change d'idée afin que change ma pensée. Devrait-on mieux loger la haine que l'amour? Sois comme en ma présence, élégant et cordial, Et pour toi-même enfin fais preuve de tendresse. Fais de toi quelqu'un d'autre, et pour l'amour de moi, Que la beauté survive ou de toi ou des tiens. Sonnet 11 Rapide est ton déclin autant que peut grandir Un fils né de toi-même issu de ta semence. Ton sang renouvelé transmis en ta jeunesse Demeurera le tien quand tu seras moins jeune. De là vient la beauté, le progrès, la sagesse. Sans quoi tout n'est qu'erreur, inanité, décombres. Si chacun t'imitait, le temps s'arrêterait, Et en trois fois vingt ans disparaîtrait le monde. Tous ceux que la nature hésite à reproduire : Rustauds, balourds, grossiers, qu'ils périssent stériles. Mais considère ceux qu'elle a le mieux dotés Pour les combler encore au comble de leurs dons. Tu es le sceau qu'elle a gravé. Par ce modèle, Tu revivras en d'autres corps sans qu'il en meure. Sonnet 12. Quand je compte au clocher les heures qui s'égrènent Et que je vois le jour se noyer dans la nuit, Quand j'observe une fleur au bord de se faner Et les cheveux d'ébène argenter leur éclat, Quand sans feuilles je vois les arbres dénudés, De qui les frondaisons abritaient les troupeaux, La verdure d'été toute nouée en gerbes Comme une barbe hirsute au menton d'un vieillard, Sur ta seule beauté alors je m'interroge Pour te joindre parmi les décombres du temps, Car douceur et beauté d'elles-mêmes s'abîment Et meurent aussitôt qu'on en voit croître d'autres. Contre la faux du temps ne pourra te défendre Que le défi d'un fils lorsqu'il t'emportera. http://www.jeuverbal.fr William Shakespeare, v.f. Michel Bernardy . 6 Sonnet 13 Que n'êtes-vous, ami, le maître de vous-même! Vous n'êtes là qu'un temps : celui de votre vie. À cette fin prochaine il vous faut uploads/Geographie/ mb-sonnets.pdf

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