ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 49 ALBERT FR ANCE- L ANORD E T L A
ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 49 ALBERT FR ANCE- L ANORD E T L A RESTAUR ATION DES ANTIQUITÉS MÉ TALLIQUES . MÉ THODES DE CONSER VATION - RESTAUR ATION AU L ABOR ATOIRE D’ARCHÉOLOGIE DES MÉ TAUX (195 0 -1970) Ana Ribeiro Arold Résumé Les restaurations anciennes effectuées au Laboratoire d’archéologie des métaux à Nancy durant la période 1950-1970 sont méconnues. Quels sont vraiment les matériaux et méthodes employés pour consolider, pour combler les lacunes et protéger les objets métalliques archéo logiques à cette époque ? L’étude des sources documentaires de ses deux fondateurs, É. Salin et A. France-Lanord, et son application pour l’identification de ces interventions anciennes sur des objets restaurés nous permettent de mener une réflexion plus juste sur ces restaurations, vis-à-vis d’une nouvelle intervention, et de tracer l’histoire de notre discipline. Introduction Le travail de recherche est effectué sur les méthodes de consolidation, de comblement, de collage et de protection employées dans un des plus anciens laboratoires de France spécialisé dans la conservation-restauration des métaux. La période de l’étude commence dès la créa tion du laboratoire de Nancy en 1950 jusqu’à 1970, moment d’uniformisation des techniques en restauration. À travers les publications de ses deux fondateurs, Édouard Salin et Albert France-Lanord, il est possible de tracer une évolution des techniques employées depuis le début du xxe siècle. Mais cette recherche n’est pas simple car, malgré les publications d’ar ticles sur la restauration d’œuvres notables, où sont plus ou moins détaillées les interven tions effectuées, il manque des renseignements techniques qui ne figurent pas sur les fiches de restauration. La connaissance des techniques anciennes devient ainsi difficile, car elle est confrontée au problème des archives qui ne sont pas classées, des informations éparpillées et, parfois, à une transmission orale d’informations difficiles à valider, etc. L’étude documentaire des sources sera confrontée à l’observation d’interventions anciennes, non reprises ultérieurement, réalisées sur des objets conservés au Musée lorrain et sur le casque gallo-romain du musée Rolin (Autun), tous traités au laboratoire de Nancy. La mise en lumière de ces méthodes de traitement est indispensable pour faciliter leur iden tification sur les objets, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser des nouvelles interventions. Étude de sources documentaires Une étude des sources documentaires (Ribeiro Arold, 2017) a été mise en œuvre afin de mieux percevoir les méthodes utilisées à cette époque au laboratoire. albert france-lanord et la restauration des antiquités métalliques ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 50 Les sources documentaires sont constituées par : ¡ les publications d’A. France-Lanord et É. Salin et celles d’A. Thouvenin, le technicien-restaurateur ; ¡ la documentation conservée au musée de l’Histoire du Fer, constituée de fiches et dossiers de restauration des œuvres les plus notables ; ¡ les archives relatives au fonctionnement du laboratoire (courriers, factures, « journal de travail du laboratoire » de 1953-1961) ; ¡ les travaux non publiés d’A. France-Lanord (rapports, cours et notes). Une étude complémentaire sur les propriétés physico-chimiques des matériaux les plus utilisés à cette époque permet de comprendre leur vieillissement et leur réversibilité, deux aspects importants en vue d’une intervention ultérieure. Les informations obtenues ont permis de réaliser un tableau récapitulatif de ces techniques anciennes de conservation-restauration employées sur les métaux (Ribeiro Arold, 2017, p. 5-11) et d’avoir une vision générale de leur évolution dans le temps au laboratoire de Nancy. Avant même la création du laboratoire, certains traitements assez novateurs sont déjà connus, comme la stabilisation par bains alcalins des objets ferreux (Salin, 1939, p. 286) et le net toyage par micro-sablage (Salin, 1945, p. 50). Plus concrètement, au sujet du collage, de la consolidation, de la protection et du comble ment, le fait de recenser les techniques employées trace un panorama révélant la rupture ou la continuité de leur utilisation (fig. 1). Par exemple, nous pouvons définir l’année 1958 comme une date clé, à partir de laquelle le laboratoire commence à utiliser les produits « phares » par lesquels il se fera connaître : la cire d’abeille mélangée avec de la cire de carnauba (France- Lanord, 1960, p. 98) comme système de protection et la résine polyester stratifiée (France- Lanord, 1958, p. 204-206) pour le collage et le comblement de lacunes. Protection Consolidation Comblement de lacunes Collage 1950-1958 Vernis synthétiques Imprégnation ou pose : Polyestyrol® Bedacryl® Plexiglas® Cire siliconée Résine à base de limaille de fer Mastic cellulosique ou de carrossier Résines synthétiques : Duco-Cement® Brasure à l’étain Mise en atmosphère neutre : caissettes de Plexiglas® avec de l’azote Résine synthétique Bédacryl® Tôles en laiton brasées 1958-1970 Cire d’abeille pure mélangée avec de la cire de Carnauba par imprégnation Résine polyester insaturée : Norsodyne®, Stratyl® et Metolux® Résine époxy Araldite® (à partir de 1969) Résines synthétiques polyesters insaturées Figure 1 Tableau sur les techniques de protection, consolidation, comblement de lacunes et collage utilisés au Laboratoire (1950-1970). © Ribeiro. Ana Ribeiro Arold ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 51 Avant cette normalisation des produits, ils ont été pionniers dans l’emploi des résines syn thétiques sur les métaux avec, par exemple, l’emploi du Plexiglas® ou poly-méthacrylate de méthyle. É. Salin ne va pas hésiter à se mettre en contact avec la société Alsthom, une des premières à fabriquer cette résine en France, afin de mettre en place un protocole de protec tion des objets métalliques. Pour cela il propose différentes solutions techniques : ¡ des inclusions (fig. 2), prohibées depuis 1952 par A. France-Lanord à cause de leur manque de réversibilité (France-Lanord, 1952, p. 421) ; ¡ la mise en caissettes sous atmosphère neutre (fig. 3), abandonnée probablement en 1959 à cause du noircissement de l’argent en contact de l’azote1 ; ¡ la création d’un vernis semblable à notre Paraloïd® B44 actuel2 (É. Salin, 1939, p. 287). Une autre application très novatrice de ce matériau était la réalisation de soclages (fig. 3) faits sur mesure pour des objets remarquables. 1 Selon une lettre du 11 août 1959 : correspondance entre la direction des musées de France et le laboratoire de Nancy, objet « restauration de pièces mérovingiennes appartenant au musée de Belfort », conservée dans les archives du musée de l’Histoire de Fer à Jarville-la-Malgrange, non classée. 2 Appelé TB4Ca diluée à l’acétone ou toluène. Figure 2 Mise en Plexiglas® d’une plaque-boucle de Trémont, appartenant à la collection du château de Montaigu, faite en 1942. © LAM. Figure 3 Caissettes en atmosphère neutre et soclage du casque de Baldenheim, au Musée archéologique de Strasbourg. Restauré en 1949. © Musée de l’Histoire du Fer. albert france-lanord et la restauration des antiquités métalliques ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 52 Confrontation des sources à la restauration des objets réels Les objets du Musée lorrain Une deuxième partie de l’étude est la confrontation des sources aux objets réels. Les objets sélectionnés devaient réunir deux conditions : ne pas avoir connu de « reprise » après la première restauration au laboratoire et conserver au moins la fiche de traitement, même si elle est sommaire. Nous avons choisi de vous présenter deux objets, appartenant aux collections du Musée lor rain (Nancy) et restaurés au laboratoire à deux périodes différentes : ¡ une plaque-boucle en fer damasquinée restaurée en 1952, qui porte un comblement de couleur noire (fig. 4 et 5) ; Figure 4 Plaque-boucle damasquinée no 2008.0.2330, Musée lorrain. © LAM. Figure 5 Détail de la résine noire du comblement au revers de la plaque boucle damasquinée no 2008.0.2330. Musée lorrain. © LAM. Ana Ribeiro Arold ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 53 ¡ un bassin en alliage cuivre avec des comblements assez importants, effectués en 1968 (fig. 6 et 7). Avec des moyens d’examen et d’analyse simples nous pouvons tenter l’approche d’une iden tification des techniques de comblement, protection et collage anciens. La lumière UV a permis notamment de repérer la nature des matériaux de protection par la fluorescence de couleur bleu-violet caractéristique de la cire de carnauba (Böhm, 2007, p. 106), présente sur le bassin en alliage cuivre. Figure 6 Bassin en bronze no G.1295. Musée lorrain. © LAM. Figure 7 Détail de la résine du comblement sur le bassin no G. 1295. © LAM. albert france-lanord et la restauration des antiquités métalliques ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 54 La radio nous a permis de mettre en évidence l’étendue des comblements et les techniques de collage/consolidation avec l’emploi de brasures (fig. 8), ainsi que la nature de la résine utilisée, grâce à l’identification de la présence d’une charge métallique caractéristique des deux types de résine employés au laboratoire (fig. 9). Figure 8 Radio X du bassin no G. 1295. © LAM. Figure 9 Radio X de la plaque boucle no 2008.0.2330. © LAM. Ana Ribeiro Arold ARAAFU CRBC – Cahier technique No 26 – 2020 55 Avec le microscope optique et la micro-fluorescence X, nous pouvons identifier la nature de la charge métallique. La micro-fluorescence X a permis de constater une forte présence de fer sous forme de limaille, caractéristique de la résine uploads/Histoire/ albert-france-lanord.pdf
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- Publié le Aoû 01, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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