Algérie SOS Patrimoine en danger par Semmar Abderrahmane La Casbah, Souika, les
Algérie SOS Patrimoine en danger par Semmar Abderrahmane La Casbah, Souika, les Ksour, le Jardin d’Essais, et bien d’autres chefs-d’oeuvre encore sont tous des atouts architecturaux et urbanistiques qui font, indéniablement, la richesse culturelle et civilisationnelle de notre pays. Inutile de rappeler que l’Algérie dispose au sein de ses villes d’un patrimoine diversifié et riche en monuments historiques d’une valeur inestimable. Mais qu’en est-il de ce patrimoine dans l’espace urbain algérien ? Est-il bien sauvegardé ou valorisé à bon escient dans le cadre d’une ville festive affichant tous les atouts de son patrimoine ? Est-il vraiment exploité de manière intelligente surtout lorsqu’on sait qu’une telle richesse donne au tissu urbain une qualité et une beauté qui draine des touristes du monde entiers ? Où en est l’Algérie par rapport à la Tunisie et au Maroc dont les villes, de véritables palais judicieusement mis en relief, exhibent leur patrimoine multiséculaire matériel et immatériel avec beaucoup de fierté et d’audace devenant ainsi des destinations touristiques très priées dans le monde entier ? Autant de questions auxquelles on ne peut répondre que par la négative et sur un ton n’annonçant guère de l’assurance. En effet, l’inquiétude et le malaise envahissent le simple citoyen comme le plus fin des observateurs quand il s’agit de dresser un état des lieux sur la situation du patrimoine culturel urbain dans les villes algériennes. Malheureusement, le constat est plus qu’amer. Dans nos villes qui pleurent leur grisaille, le passé ne communique plus avec le présent qui n’éclaire plus l’avenir. Si les spécialistes ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps pour qu’il y ait un sursaut d’honneur afin de protéger le patrimoine culturel et civilisationnel, pan incontournable de notre identité, les responsables par contre semblent agir avec une indifférence exaspérante face à cette réalité affligeante. La Casbah illustre à elle seule cette déchéance urbaine qui frappe de plein fouet les villes algériennes en général et la Capitale en particulier. Ce lieu d’histoire et de mémoire constituant le cour de la capitale souffre aujourd’hui du manque d’une véritable prise en charge qui aurait pu lui épargner la désuétude qu’il vit actuellement. Et même l’UNESCO s’en émeut et réclame l’élaboration d’un plan de sauvetage en vue de débloquer les crédits et les fonds indispensables. Mais à cela nos autorités préfèrent quelques retouches et des minimes projets de restaurations comme si on entretenait un cadavre que tout le monde souhaite s’en débarrasser ! Une ville dépourvue de son patrimoine et de son histoire est une ville morte. Un processus équilibré du développement de la ville inclut obligatoirement une prise en charge conséquente et une valorisation importante du patrimoine culturel et historique de cette même ville. Que vaut Paris sans Montmartre, les chants Ely Sées ou Notre Dame ? Peut-on imaginer Rome sans son Colisée ou ses palais de la Renaissance ? A-t-on pris l’exemple sur Barcelone dont l’incroyable modernisation urbaine qui s’est réalisée avec beaucoup de prouesses architecturales a su comment intégrer dans son schéma de développement la valorisation de son patrimoine ? Il est évident que chez eux, on ne réfléchit pas comme chez nous. L’urbanisme de l’urgence L’urbanisme en Algérie s’est toujours fait dans l’urgence. La seule priorité du pays au lendemain de l’indépendance, comme aujourd’hui d’ailleurs, était de répondre aux besoins énormes d’une société qui était en majorité en marge de la modernité. C’est ainsi que des cités-dortoirs ont poussé dans toutes les villes, sans esthétique, ni charme, ni infrastructures d’accompagnement nécessaires pour la vie des citoyens. Ces cités fantômes, sans âme, sont la principale caractéristique des villes algériennes, qu’elles soient grandes ou petites, qu’elles soient à vocation industrielle ou agricole. Dans pareil contexte, la sauvegarde du patrimoine n’est qu’une naïve pensée. C’est ce qui fait qu’en Algérie, le développement économique et la protection du patrimoine apparaissent souvent incompatibles car les stratégies de développement n’appuient pas, malheureusement, les valeurs intrinsèques des sites patrimoniaux. Actuellement, pour des raisons multiples qui tiennent à l’occupation complète de l’espace, à la mondialisation des échanges, les biens patrimoniaux ont changé de statut dans le monde et les objets patrimoniaux sont reconnus comme des éléments structurants pour l’espace urbain et sont considérés comme d’importants marqueurs territoriaux. Mais l’Algérie ne semble pas vouloir adhérer à cette approche qui fait du patrimoine à la fois un enjeu socio-économique et un enjeu politique très important. Aujourd’hui, le concept de patrimoine s’est nettement élargi puisqu’il ne s’agit plus de classification ou d’action ponctuelle de sauvegarde, mais plutôt d’une gestion dynamique et territoriale globale. Le patrimoine comme vecteur de développement Les politiques patrimoniales de plusieurs pays se sont donc étendues, décloisonnées notamment vers l’urbanisme, l’environnement, l’aménagement du territoire, l’histoire et la mémoire. Ces mutations internationales nous poussent obligatoirement à réfléchir sur la conservation du patrimoine, la mise en valeur des sites urbains et ruraux ainsi que les monuments historiques dans le contexte de planification urbaine et régionale globale de notre pays. Y a-t-il en Algérie une stratégie qui s’appuie sur la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel en l’intégrant au développement régional ? Le patrimoine algérien est- il justement mis en valeur pour être intégré dans la planification régionale comme outil de développement ? A quelle échelle se situe la valorisation des biens naturels et culturels dans le SRAT (Les schémas régionaux d’aménagement du territoire) et le PDAU (Plan directeur d’aménagement et d’urbanisme) d’une quelconque wilaya ? La réponse à toutes ces interrogations nécessite une étude approfondie en menant une prospection exhaustive sur le terrain. Prenant par exemple, le cas de la wilaya de Médéa. Cette wilaya qui occupe une position stratégique vu sa proximité avec la capitale ainsi que son intérêt historique en raison de ses nombreux vestiges formés par des médinas, des sites archéologiques et des monuments historiques. Outre cet intérêt culturel, Médéa présente un patrimoine naturel particulièrement riche, près de 161.320 ha de potentiel forestier localisé à 90% en montagne où différentes espèces sont recensées. Cette wilaya offre aussi une multiplicité de paysages qui représentent une valeur exceptionnelle. Or, toute cette richesse est confrontée à plusieurs problèmes environnementaux et la région reste sans investigations scientifiques, d’où la nécessité de la prise de conscience des différents acteurs à différents niveaux pour attribuer au patrimoine culturel et naturel une importance en raison du poids économique et culturel qu’il représente. Une exploitation intelligente de ce patrimoine pourrait certainement réduire la pauvreté qui fait des ravages dans cette région où le chômage atteint des taux astronomiques. Si au moins une stratégie à l’échelle locale est adopté en vue de rentabiliser la richesse naturelle et culturelle de cette wilaya, la misère sociale s’atténuerait considérablement. Le patrimoine culturel et naturel de la wilaya de Médéa constitue une richesse dont la protection, la conservation et la mise en valeur imposent aux autorités sur le territoire desquels il est situé, des responsabilités afin que ce patrimoine n’apparaisse plus comme un frein au développement mais comme un facteur déterminant de ce développement. Cet impératif doit faire de la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel l’un des aspects fondamentaux de l’aménagement du territoire et de la planification au niveau régional ou local. Ainsi toutes les mesures concernant le patrimoine culturel et naturel doivent être complétées par d’autres tendant à donner à chaque bien de ce patrimoine une fonction qui l’insère dans la vie sociale, économique, scientifique et culturelle. De l’avis de plusieurs experts en la question, un plan d’aménagement territorial doit se baser sur les orientations suivantes : L’intégration du patrimoine dans la politique d’aménagement du territoire dès les premières phases du processus de décision en matière d’aménagement. L’intégration du patrimoine dans la vie sociale et économique comme étant l’un des aspects fondamentaux de l’aménagement du territoire et de la planification nationale à tous les échelons. La conservation des éléments spécifiques du patrimoine naturel et culturel en vue de la création de secteurs productifs de l’économie régionale et particulièrement le tourisme. Enfin, l’adoption de ses dispositions sonnerait le glas de l’apathie de notre pays qui tourne outrageusement son dos à son riche patrimoine. Il s’est avéré, aujourd’hui, que, sans espace urbanistique et architectural structuré, il est illusoire de structurer la société. Notre patrimoine matériel et immatériel a un rôle primordial dans l’éducation et la formation de nos enfants en leur inculquant des valeurs et des idéaux nobles. Mais au lieu de cela, notre Etat les élèvent en les lâchant dans des terrains vagues aux abords des cités-dortoirs ou des « bétonvilles » avec le vain espoir d’en faire des citoyens responsables et honnêtes. Ils n’ont eu malheureusement comme culture, comme identité, que la promiscuité en famille, dans la cité, dans la rue, dans l’école, dans le bus. Ce n’est pas étonnant alors si dans ces magmas sociaux se sont développés les maux dont souffre la société. Aux médinas et casbahs, l’Algérie semble préférer des marécages humains où se cultivent les thèses extrémistes qui ont plongé le pays dans des cauchemars tragiques. Que nous réserve alors l’avenir ? le 16/09/2007 Partager4 Impression 5 Messages 16 uploads/Histoire/ algerie-sos-patrimoine-en-danger.pdf
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- Publié le Mar 30, 2022
- Catégorie History / Histoire
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