SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ? Jean-Marie Durand Presses Universitair
SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ? Jean-Marie Durand Presses Universitaires de France | « Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale » 2012/1 Vol. 106 | pages 117 à 132 ISSN 0373-6032 ISBN 9782130593768 DOI 10.3917/assy.106.0117 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-d-assyriologie-2012-1-page-117.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 79.95.86.172) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 79.95.86.172) [RA 106-2012] Revue d’Assyriologie, volume CVI (2012), p. 117-132 117 SARGON A-T-IL DÉTRUIT LA VILLE DE MARI ?* PAR Jean-Marie DURAND L'embrasement de Mari que les archéologues constatent après le milieu du IIIe millénaire av. n. è. a mis fin à une glorieuse histoire que nous ne connaissons pourtant que médiatement, exclusivement jusqu’ici par les archives royales d’Ébla, les autres États mésopotamiens, ceux du Centre et du Sud, ne nous parlant pour ainsi dire pas de la grande ville du Moyen-Euphrate1. Les textes dits « pré-sargoniques » retrouvés jusqu'ici sur le tell Hariri ne sont que des enregistrements administratifs peu loquaces et, surtout, dont la datation n'est pas explicitement assurée2. Sa chute a pourtant dû certainement représenter un événement de grande importance, sur lequel nous n’avons encore nulle information précise : il reste toujours, ainsi, à découvrir quel a été l’auteur de sa conquête. La recherche moderne en a crédité des monarques d’Agadé, Sargon voire Narâm-Sîn, son petit-fils. L’année portée sur un texte mésopotamien qui mentionne la prise de Mari reste un libellé isolé ; l’auteur de la défaite subie par Mari n’y est pas nommé et l'événement n’est attribué que pour des raisons indirectes, quoique sérieuses puisque la base en est archivistique, à Sargon. Le problème est, d’ailleurs, exactement le même en ce qui concerne l’autre ville la plus glorieuse de la Syrie au IIIe millénaire : la ruine d’Ébla, qui a également dû faire sur les contemporains une impression majeure, n’a pas plus laissé de traces dans la documentation cunéiforme3 et elle a été aussi * Merci à Michaël Guichard qui a relu cet article en cours d'élaboration ainsi qu'à Grégory Chambon avec qui j’ai pu discuter au moment de son séjour à la Freie Universität Berlin, puis à plusieurs reprises, des implications historiques de l’article de JCS 55, ainsi qu’à M. Bonecchi et J. Pasquali qui ont aimablement répondu à mes questions sur certains points techniques d’érudition éblaïte. D. Charpin en a assuré une dernière relecture pour laquelle je le remercie vivement. Cet article avait fait l’objet d’une contribution au Colloque de l’ARCANE à Bruxelles en décembre 2008, sans que l’exposé retienne beaucoup l'attention des assistants. Des photos numériques du document avaient été transmises ultérieurement à certains des participants, ainsi qu’à Benjamin Foster avec qui j’ai pu échanger une stimulante correspondance dont je lui suis très reconnaissant. J’ai eu l'avantage d’exposer les premiers résultats de ces recherches à Paolo Matthiae et à Vanna Biga sur le site même de Tell Mardikh, de discuter avec eux des implications de ce texte et de recevoir l'avis de collègues attentifs et particulièrement informés. La responsabilité des vues exposées ici et leur expression n’incombent naturellement qu’à moi. J'ai maintenu dans cet article l'appellation traditionnelle de « palais royal de Mari », quoique je me range tout à fait à l'avis de D. Charpin d'y voir désormais le temple majeur de la ville. Le vrai « palais du chef de la ville » se trouve ailleurs, là où sont toujours à découvrir les archives du IIIe millénaire et de l'époque des deux dynasties shakkanakku et où se trouvaient peut-être les tombeaux royaux sous la soi-disant « salle du trône ». 1. Le fait néanmoins que Mari ait été mise au même niveau que l'Élam dans l'énumération des conquêtes de Sargon montre le rang important qui lui était attribué. 2. Voir cependant, en dernier lieu, les remarques de D. Charpin, éditeur des textes pré-sargoniques de Mari, « Mari et Ébla : des synchronismes confirmés », NABU 2005/01 et cf. ci-dessous, p. 127. 3. L'événement n'intéresse certes en rien le contenu d'un texte administratif, mais on pourrait espérer en trouver mention dans un libellé de date, dont la logique est tout autre. On remarquera néanmoins que la prise de Mari amorrite ne date pas obligatoirement les textes administratifs ou juridiques de l'an 33 de Hammu-rabi de Babylone ; les scribes ont souvent préféré tenir compte d'un événement local, plus proche, à savoir le creusement d'un canal. Sans doute en a-t-il été de même au IIIe millénaire : les contemporains n'ont peut-être pas été aussi sensibles qu'on l'imagine aujourd'hui à des événements, somme toute, très lointains et peut-être mal appréciés dans leur importance géo-politique. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 79.95.86.172) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 04/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 79.95.86.172) JEAN-MARIE DURAND [RA 106 118 attribuée par la tradition ultérieure tant à Sargon qu’à Narâm-Sîn. Ébla est mentionnée par Sargon au nombre de ses conquêtes dans ce qui nous est resté de ses inscriptions. Le fait nouveau est que, suite aux recherches de Vanna Biga et d’Alfonso Archi4, cet événement majeur pour le discours historique actuel se voit aujourd’hui imputé à Mari. Ces auteurs ont établi en effet l’existence d’une ultime guerre, que l’on devrait bien caractériser de fratricide, entre deux villes que l’on voit en relations, amicales ou hostiles aussi, pendant plusieurs siècles, mais sans que jamais rien d’irrémédiable pourtant ne se produise, l’avantage de l’une ou de l’autre n’aboutissant jamais qu’à un profit d’ordre économique. Ébla, gagnant en assurance après une longue suite de victoires5, aurait ainsi profité d’un affaiblissement de sa rivale pour l’attaquer6 avec une aide extérieure considérable7 pour ce qui devait être une solution finale8. Les attaquants, même en s’y mettant à tous, n’avaient manifestement pas les moyens militaires de l’emporter définitivement sur Mari9. Cette dernière s’en serait vengée en menant trois ans après une offensive décisive à l’encontre d’Ébla10. 4. JCS 55, 2003, p. 1-44, « A Victory over Mari and the Fall of Ebla ». Cet article fondamental a été repris en d’autres lieux par chacun de ces auteurs. Les conclusions auxquelles ils aboutissent font partie désormais du consensus de la recherche sur le IIIe millénaire proche-oriental. Une lecture attentive montre néanmoins une indéniable auto-persuasion du discours au fil de l'article. On opposera ainsi, JCS 55, p. 17b « …we find the delivery of cloth for two girls of Mari (probably spoils of war) destined to serve the princess Kešdut… » à ibid. p. 27a : « Two girls from Mari, chosen from among the prisoners, are destined for the princess's service… ». 5. Ibid, p. 12b-13a « In the first ten years Ibbi-zikir consolidated Ebla’s power over northern Syria, leading numerous military campaigns.… An uninterrupted series of victories made Ebla confident of its own power. Twenty- five years of sworn peace, maintained through the regular exchange of envoys and ceremonials gifts, had not eliminated its rivalry with Mari. » 6. Ibid, p. 13a : « Mari had also been under pressure for years from the East by the threat represented by Kiš… » Ce sont avant tout Haddu, Nagar et Kiš qui auraient aidé Ébla, mais même Aššur est impliqué dans l’affaire ; cf. ibid, p. 18b et n. 54. 7. Ibid, p. 13a : « This event was preceded by careful diplomatic preparations while the army was being equipped ». Ibid, p. 29a : « By forging an alliance with Nagar and Kiš in anticipation of the confrontation with Mari, Ebla for a brief spell created a political system that embraced both northern Syria and the region of the Middle Euphrates as well as northern Babylonia, a fact that is not reflected in any preserved Mesopotamian sources » (et pour cause). 8. « A lethal war between the two cities », ibid, p. 15. On remarquera que la reconstitution des événements de la guerre opérée dans JCS 55 ne se comprend bien que si les alliés sont passés par le Nord. Quoique l’article de JCS ne souligne pas ce point, il est inévitable de le supposer quand l’on constate les lieux où les conjurés se retrouvent : ainsi, ibid., p. 16, « During the march on Tuttul Ibbi-zikir met with messengers from Kiš, including NIrišum, brother of the king of Kiš », etc. Il est peu vraisemblable que Mari ait laissé uploads/Histoire/ assy-106-0117.pdf
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- Publié le Mar 27, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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