LES CAHIERS DE L’ANALYSE DES DONNÉES J. P. BENZÉCRI Histoire et préhistoire de

LES CAHIERS DE L’ANALYSE DES DONNÉES J. P. BENZÉCRI Histoire et préhistoire de l’analyse des données. Partie I La préhistoire Les cahiers de l’analyse des données, tome 1, no 1 (1976), p. 9-32 <http://www.numdam.org/item?id=CAD_1976__1_1_9_0> © Les cahiers de l’analyse des données, Dunod, 1976, tous droits réservés. L’accès aux archives de la revue « Les cahiers de l’analyse des don- nées » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http: //www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impres- sion systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques http://www.numdam.org/ Les Cahiers de l'Analyse des Données Vol.I - 2976 - n°l - p. 9-32 HISTOIRE ET PREHISTOIRE DE L'ANALYSE DES DONNEES Partie I - La Préhistoire paA J.P. Becizec-'u (lt Les progrès de l'analyse des données liés à l'avènement des ordinateurs ne vont pas sans bouleverser toute la statistique. Des écoles naguère toutes- puissantes perdent leur suprématie. Des prémisses philosophiques, qui n'avaient jamais été explicitement proclamées sont ouvertement critiquées. Soucieux de rendre à chacun ce qui lui est dû, nous nous efforcerons de retrouver par quelles voies la statistique est parvenue au point où nous la voyons aujourd'hui ; et, afin d'abaisser l'orgueil humain et d'apaiser les querelles nous nous placerons d'abord dans la contemplation du passé : nous ferons débuter aussi tôt qu'il est possible l'histoire de la statistique et des probabilités (§ l). Puis, ayant fait aux écoles anglo-saxonnes (§ 2) la place qui leur revient depuis le milieu du XIXeme siècle, nous parviendrons aux recherches qui nous occupent (§ 3). /. la -6cx.£Ktce du haAcvid : Au sein de grandes masses de faits, derrière l'imprévu des rencontres individuelles, la statistique ou dénombrement découvre des lois d'ensemble. Et le mathématicien par une énumération ordonnée des possibles, précise et parfois démontre ces lois. Bien que l'abus de calcul des probabilités ait nui à la sta- tistique (cf § 1.7-6), le progrès de ces deux disciplines sera dans ses grandes lignes décrit comme l'histoire d'une seule science : celle du hasard. Sans pré- tendre condenser en un chapitre ce qu'a pu rassembler l'érudition d'un Isaac Todhunter (cf The History of the Mathematical Theory of Probability ; 1865) , nous nous appliquerons à rappeler ce qui importe le plus à notre objet - à l'analyse des données multidimensionnelles. 7.1. Le mondu antique. : L'administration des grands empires qui, il y a trois ou quatre mille ans existaient déjà en Egypte, en Mésopotamie et en Chine ne se conçoit qu'appuyée sur une sorte de statistique et notamment sur des recensements dont l'Ecriture Sainte fait volontiers mention. Il est hors de doute que les scribes égyptiens étaient de remarquables gestionnaires et si les secrets de leur comptabilité ne nous sont point parvenus, il est juste de faire remonter au moins à leur époque les origines de la statistique descriptive (*). ( * ) Dans sa Statistique, collection Thémis, P.U.F. T. 1 p. 8 André PIATIER signale que "les Egyptiens avaient mis au point le plus ancien baromètre économique connu à ce jour et qui était le kilomètre : la hauteur de la crue du Nil était un excellent indice de fertilité - et elle servait à fi.rxr le. montant des impôts". (l) Laboratoire de Statistique - Université Pierre et Marie Curie - Pari? 10 j.p. BENZECRI Quant aux probabilités, on cherchera leur origine dans la méditation du hasard et de la fortune, certes familière aux hommes depuis des millé- naires, ainsi que dans les jeux dont la pratique semble attestée par la pré- histoire (*). Un témoignage sur la pensée antique nous est offert par la physique d'^ristote (**)• Critiquant d'abord les vues de ses devanciers, Aristote (38^-322) nous fait connaître trois attitudes vis-à-vis du hasard et de la fortune. "Certains, d i t - i l , mettent en question leur existence. Rien évidemment, dit-on, ne peut être l'effet de fortune, mais i l y a une cause déterminée de toute chose dont nous disons qu'elle arrive par hasard ou fortune [ . . . ] . Pour d'autres, et notre ciel et tous les mondes ont pour cause le ha- sard car c'est du hasard que proviennent la formation du tourbillon et le mou- vement qui a séparé les éléments et constitué l'univers dans l'ordre où nous le voyons [ . . . ] . D'autres encore pensent que la fortune est une cause mais cachée à la raison humaine, parce qu'elle serait quelque chose de divin et de surna- turel à un degré supérieur". On reconnaîtra dans ces trois attitudes des pensées qui nous sont toujours présentes. Les vues de Laplace et de Poincaré, selon qui le hasard n'est l i é qu'à notre ignorance, le jeu des causes multiples que nous ne parvenons pas à pénétrer pouvant expliquer rigoureusement tout, se retrouvent dans l a première école, qui nie l'existence du hasard, voire dans l a troisième qui affirme qu'.il faudrait une intelligence supérieure pour en pénétrer le jeu. Et les thèses défendues avec passion par des spécialistes éminents de biologie moléculaire quant à l'origine aléatoire des formes les plus perfectionnées de l a vie, sont évidemment déjà présentes dans cette théorie des tourbillons fami- l i è r e aux physiciens présocratiques. Aristote quant à lui fonde son exposé du hasard sur la distinction entre cause par soi et cause par accident. C'est, selon Aristote, une cause par soi qu'une statue soit l'oeuvre d'un sculpteur ; c'est une cause par accident qu'elle soit l'oeuvre d'un musicien (si le sculpteu se trouve d'autre part avoir des compétences musicales). De même dit Aristote, les faits que nous appelons faits de fortune ou de hasard sont des rencontres d'ailleurs rares de séries qui n'étaient pas comprises dans un même projet, dans une même intention. Reconnaissons toutefois que, quelle que soit la richesse de ces pensées, on y cherche en vain ne fût-ce qu'un germe de ce qui constitue la base de notre doctrine probabiliste : la possibilité de calculer sur le hasard et d'en mesurer les effets. L'idée que des causes minuscules peuvent s'additionner dans des proportions déterminées pour produire des effets visibles réguliers semble man- quer aux anciens. I l s ont ignoré tout à la fois le calcul différentiel, (dont toutefois on a pu reconnaître les prémices chez Archimède (287-212)), et le calcul des probabilités qui se trouvent, sans doute pour quelque profonde raison être nés ensemble au XVIIème siècle. (*) Sur l'usage préhistorique des osselets comme d'un jeu de dés, cf F.PL DAVID. Dicing and gaming (a note on the history of probability) Biometrika, T. 42 (1955) ; reproduit dans le recueil : Studies in the History of Statistics ai Probability, éd. by E.S. PEARSON S M. G. KENDALL, Londres, Griffin, (1970) ; ce recueil sera désormais cité sous le titre abrégé de Studies. (**) Physique L II ch 4 ; nous utilisons l'édition du texte grec et la traduction française de H. CARTERON, Paris Les Belles Lettres ; ainsi que le texte latin accompagné du commentaire de Saint Thomas d'Aquin : In oeto libros physicorum Aristotelis expositio ; éd. Marietti. LA PREHISTOIRE DE L'ANALYSE DES DONNEES 11 7.2. Le moyzn-âae. : Ne nous hâtons pas cependant de passer d'Aristote à Leibnitz, d'Archimède à Pascal. Pendant les siècles qui suivirent l'écroulement de l'Empire romain et où se constitua la Chrétienté européenne, l'Orient connut une grande activité scientifique et artistique. Et c'est à cette époque que passa d'Orient en Europe le nom même de hasard. Bien que l'étymologie précise soit difficile à é t a b l i r , i l est avéré que ce mot nous est venu de Syrie. Un dictionnaire arabe moderne donne du nom de zahar _j-ÇjJ/ le sens de "fleur" suivi d'une acception secondaire liée au jeu de dés. Là serait, selon la plupart, l'étymologie de notre nom hasard. Plus précisément, on y peut voir la désignation de figures rares au jeu de dés : par exemple, le "triple six". Cependant d'aucuns prétendent que le nom de hasard est celui d'un château de Syrie. Ce serait pendant le siège de ce château qu'aurai' été inventé un certain jeu de dés dont le nom serait passé à tous les jeux, puis à notre science même. Cette étymologie paraîtrait invraisemblable si elle n'avait pour elle l'autorité d'un chroniqueur du Xllème siècle, un Franc d'Orient, Guillaume de Tyr (cf Littré s.v. hasard). Nous n'irons pas plus loin dans ces recherches étymologiques qui nous dépassent, content seulement d'avoir montré le lent cheminement de la pensée depuis l'Antiquité jusqu'à la manifestation des fon- dateurs de la Statistique moderne et des probabilités. 7.3. LQA VQ.K.QA du calcul doA pKobabltiXH ; Ces hommes sont on le sait, Fermât (1601-1665), Pascal (1623-1662), Huyghens ( 1629-1695) et Jacques Bernoulli (165*4-1705), précédés d'un siècle par les italiens Luca Pacciolo ( 1 Ul+5-1 51 h),Tartaglia ( 1 U99-I 557),Cardan (1501- 1576), sans oublier le grand Galilée (156U-1662). Mais i l n'est pas sûr ici encore, uploads/Histoire/ cad-1976-1-1-9-0.pdf

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  • Publié le Jan 07, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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