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Editions Esprit is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Esprit. http://www.jstor.org Editions Esprit La lumière blanche du passé: Lecture de "la Mémoire, l'histoire, l'oubli", de Paul Ricœur Author(s): Emmanuel Macron Source: Esprit, No. 266/267 (8/9) (Août-septembre 2000), pp. 16-31 Published by: Editions Esprit Stable URL: http://www.jstor.org/stable/24279634 Accessed: 16-03-2016 23:51 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 128.210.126.199 on Wed, 16 Mar 2016 23:51:29 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions I. Autour de la Mémoire, l'histoire, l'oubli de Paul Ricœur La lumière blanche du passé Lecture de la Mémoire, l'histoire, l'oubli, de Paul Ricœur Emmanuel Macron Les LIENS entre histoire et mémoire sont par origine subtils et intimes. L'ère des commémorations et du « devoir de mémoire » que nous vivons, tandis que l'histoire occupe une place privilégiée au sein des sciences humaines et se multiplie sous ses formes de vulgarisation, semble reposer avec force cette question originaire. Or, il serait vain de prétendre y répondre de manière tranchée en affirmant que, si l'histoire est une science de l'homme (avec ses critères de scientifi cité) travaillant sur un substrat politique, économique, culturel ou social, la mémoire quant à elle relève du psychologique, de l'impres sion, d'une pratique qui peut être individuelle ou collective. Ce serait vain, en effet, et sans doute faux. Les rapports entre la mémoire et l'histoire n'ont cessé de révéler leur complexité et de susciter des enjeux polémiques particulièrement vifs lors des grands procès histo riques de ces cinquante dernières années : l'imprescribilité des crimes contre l'humanité a en effet permis de faire comparaître certaines vic times et acteurs des guerres et des génocides de ce siècle en confron 16 This content downloaded from 128.210.126.199 on Wed, 16 Mar 2016 23:51:29 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions La lumière blanche du passé tant les témoins et les dépositaires de mémoires blessées ou indiffé rentes, et en donnant une place à des historiens du temps présent. Ce sont précisément ces liens entre la mémoire et l'histoire que Paul Ricœur analyse dans la Mémoire, l'histoire, l'oubli. Cet ouvrage appréhende ces deux notions après que Temps et Récit a dessiné une analyse du discours et de la narration historique. Mais la mémoire n'est pas seulement ici en face à face avec l'histoire : l'oubli, son négatif, apparaît dès le titre et révèle que ce n'est pas d'un couple mais bien d'un triptyque dont il s'agit. Car les interférences entre le discours historique et le discours de la mémoire posent de multiples problèmes. La mémoire est la matrice de l'histoire mais son omnipré sence peut rendre l'analyse historique difficile ; d'autres fois, son absence est cruelle et l'oubli règne de façon semble-t-il injuste ; sou vent, le travail et le discours de la mémoire influencent et orientent le travail historique. Quelles relations se tissent entre histoire et mémoire, entre ces rapports au passé au cœur desquels émerge en filigrane l'oubli ? Pour y répondre, Paul Ricœur adopte un ordre d'étude inédit. La mémoire est analysée avant l'histoire tandis que l'oubli n'est appréhendé qu'à la fin de l'ouvrage. La mémoire elle-même n'est pas étudiée d'abord dans son rapport au temps (comme chez Augustin) ; elle est abordée sous l'angle de l'eikôn (ordinairement traduit par « image ») platoni cien. Ainsi, la Mémoire, l'histoire, l'oubli commence par esquisser une phénoménologie de la mémoire (première partie) avant d'aborder l'épistémologie de l'histoire (deuxième partie) pour enfin appréhen der la « condition historique » (troisième partie) dans laquelle les analyses sur l'oubli s'inscrivent. À l'issue de ce travail, un épilogue sur le « pardon difficile » considère la question — volontairement lais sée de côté auparavant par Paul Ricœur, et dont la présente lecture ne rendra compte que partiellement — de la faute et de la culpabilité dans le rapport au passé, et entreprend une relecture du livre à la lumière de cet horizon. La mémoire, l'histoire et l'oubli sont donc exposés distinctement puis dans les entrelacs qui les unissent. Les lectures des autres pensées philosophiques (d'Aristote à Bergson en passant par Augustin, Marin ou Derrida...), des historiens (Certeau, Le Goff, Nora...), des sociologues (Halbwachs, Mauss...), voire des chercheurs en neurosciences, installent une réflexion originale qui enchevêtre les niveaux d'analyse philosophique : jamais Paul Ricœur ne s'enferme dans l'épistémologie, la phénoménologie ou l'ontologie ; chacune s'enrichit et s'éclaire de la présence de l'autre. Cet ordre d'ensemble et ces dispositions argumentatives singulières renversent peu à peu les idées faciles, répétées, convenues. Pascal n'écrivait-il pas : « Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau : la disposi tion des matières est nouvelle ; quand on joue à la paume, c'est une même balle dont on joue l'un et l'autre, mais l'un la place mieux » ? 17 This content downloaded from 128.210.126.199 on Wed, 16 Mar 2016 23:51:29 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions La lumière blanche du passé Or, au cœur de cette architecture conceptuelle subtile, mémoire, histoire et oubli ne sont pas considérés successivement. Ils sont tra versés par une problématique structurante qui apparaît comme la question de l'ouvrage : qu'est-ce que la représentation d'une chose passée ? Cette représentation est-elle vraie, fidèle au passé ? L'énig me de la représentation qui apparaît dès Yeikôn de Platon guide toute la réflexion de ce parcours et fait émerger la question de la confiance. De l'ambition de fidélité de la mémoire à la visée véritative de l'his toire en passant par l'attestation du témoignage, se déploie le champ de la confiance dans le réel et dans les preuves dont la connaissance (mémorielle et historique) dispose. Ainsi l'énigme de la représenta tion présente d'une chose absente porte-t-elle, indissociable, le pro blème de l'attestation déjà abordé par Paul Ricœur dans Soi-même comme un Autre. Cette question rémanente soulève des apories parti culières pour la mémoire comme pour l'histoire, les solutions appor tées par la première étant insuffisantes pour la seconde. La représentation du passé dans la mémoire : « le souvenir et l'image » La mémoire pose le problème de la représentation du passé. Aussi une phénoménologie de la mémoire - une étude minutieuse de son fonctionnement manifeste — permet-elle de saisir les apories et les solutions, mêmes partielles ou incertaines, que celle-ci esquisse. L'énigme de la représentation du passé dans la mémoire est concentrée dans la question de l'objet même de la mémoire : de quoi se souvient-on ? On se souvient d'une image : que ce soit un visage ou un paysage, un nom, c'est-à-dire des lettres écrites quelque part dans le cerveau ; finalement, on se souvient d'inscriptions qui ont été conservées et ressurgissent par le travail de recherche de la mémoire - l'anamnèse - ou par le hasard d'une réminiscence inattendue. Ce « quoi » du souvenir est en effet Yeikôn de Platon, l'image. La mémoire n'est donc pas analysée avant tout et exclusivement dans son rapport au temps mais dans son lien de nature avec ces images qui en font le contenu ; et ce sont celles-ci qui précisément font res surgir la problématique du temps. Car Yeikôn est une énigme en cela même qu'il est une image qui se donne à la fois comme présente à l'esprit et comme image d'une chose absente. L'énigme de la mémoire est bien celle de la présence de l'absent par l'image. Et cette image porte la marque temporelle en elle-même : « La mémoire est du temps », écrit Aristote dans Parva naturalia, signifiant ainsi que le souvenir-image de la mémoire est tout entier habité par l'auparavant, le quelque chose d'antérieur qui a existé et imprimé mon 18 This content downloaded from 128.210.126.199 on Wed, 16 Mar 2016 23:51:29 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions La lumière blanche du passé âme. C'est l'existence de cette antériorité qui différencie la mémoire de l'imagination. Le souvenir est la représentation de quelque chose qui a eu lieu, d'un « ayant-été » et non d'un fantasme, d'une production spon tanée de l'esprit. C'est donc le passé présent dans le souvenir-image qui s'inscrit lui-même dans le temps : souvenir présent, il a toujours en lui quelque chose du passé. Bergson, que cite Paul Ricœur, écrit ainsi dans Matière et Mémoire (longuement analysé) : le souvenir est « en même temps qu'un état présent, quelque chose qui tranche sur le présent », qui permet de le reconnaître pour un souvenir. La mémoire est du temps parce que le souvenir-image est toujours dans le temps. L'énigme de la représentation du passé dans la mémoire vient donc du fait qu'on se souvient « sans les choses » et « avec uploads/Histoire/ emmanuel-macron-la-lumiere-blanche-du-passe-lecture-de-la-memoire-l-x27-histoire-l-x27-oubli-de-paul-ricoeur-pdf.pdf

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  • Publié le Apv 08, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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