Le Québec et Camus Author(s): Vincent Grégoire Source: The French Review, Vol.

Le Québec et Camus Author(s): Vincent Grégoire Source: The French Review, Vol. 84, No. 6, Quebec (May 2011), pp. 1214-1229 Published by: American Association of Teachers of French Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41151706 Accessed: 03-01-2018 15:01 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms American Association of Teachers of French is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to The French Review This content downloaded from 150.182.196.229 on Wed, 03 Jan 2018 15:01:32 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms The French Review, Vol. 84, No. 6, May 2011 Printed in U.S.A. Le Québec et Camus par Vincent Grégoire A Didier qui ne pourra pas lire ce texte1. Albert Camus, lors de sa tournée en Amérique du nord, début 1946, est plus connu comme journaliste et rédacteur en chef du journal résistant Combat que comme écrivain. Invité à faire une conférence sur le thème de "La Crise de l'Homme", le 28 mai 1946, cette conférence est annulée par son organisateur, l'éditeur canadien Lucien Parizeau, du fait de menaces reçues et par peur d'un "chahut" mémorable. Camus est très déçu, lui qui explique: "J'aime la bagarre"2. En résultat, Herbert Lottman écrit que Camus "ne garda pas un bon souvenir de son expérience canadienne" (405). Et pourtant Camus explique qu'il a bien aimé un certain Québec qui lui rappelait son pays d'origine: Le prodigieux paysage de Québec. A la pointe du cap Diamond devant l'immense trouée du Saint-Laurent, air, lumière et eaux se confondent dans des proportions infinies. Pour la première fois dans ce continent [j'ai] l'impression réelle de la beauté et de la vraie grandeur. Il me semble que j'aurais quelque chose à dire sur Québec et sur ce passé d'hommes venus lutter dans la solitude poussés par une force qui les dépassait. (Œuvres complètes 2: 1061) Cet extrait, par son ton, ressemble clairement à certains passages du Premier Homme: même immensité colonisée malgré les dangers rencontrés (les rigueurs du climat, la solitude, les distances) par des colons en quête d'aventures ou d'une vie meilleure; et même absence de passé de ces petites gens apparemment "sans histoire". Nous allons, dans cette étude, analyser en un premier temps les raisons (déjà évoquées, mais trop succinctement, par une grande spécia- liste de Camus, Fernande Bartfeld) qui ont empêché le jeune intellectuel de s'exprimer en public, ce 28 mai 1946 (ce qui ne fut pas le cas pour Sartre ou Vercors qui vinrent quelques mois plus tôt et furent accueillis avec enthousiasme), une annulation visant plus le journaliste et rédacteur en chef antipétainiste que l'écrivain de l'absurde. Nous nous pencherons 1214 This content downloaded from 150.182.196.229 on Wed, 03 Jan 2018 15:01:32 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Québec et Camus 1215 en un deuxième temps serverons dans quelle m français, autant dans la g que dans la psychologie e L'éditeur québécois Lu rature contemporaine d son invité, d'après la de "promouvoir une littér propose de nouvelles va Camus et Parizeau adhère qui, dans le cas du secon par l'autorité cléricale. L parce que Parizeau déc qu'Emmanuel Todd n'en a Lottman a mentionné l'é "II avait tenté de chang Canadiens lui avaient fai mais qu'on ne peut guère l'a montré Bartfeld, est d sa venue à Montréal, no (dont Sartre avait fait l'é mais comme le rédacte D'une certaine manière, Le rédacteur en chef de publiés dans son journal. l'avantage qu'ont certain de Vichy, de se faire pub alors que le manque de p rature française contem 217)3. C'est une critique d canadiennes (comme Vari qui n'ont pas cherché à r réalité, ce premier probl a résumé en un mot: V nationalistes et catholiqu resté bien vu parce qu'il antirévolutionnaire et République laïque issue fortement désorienté l des lois antijuives et l'a l'Occupant, fin 1940. Ma révolution celle-là, aux a et incarnée par Philipp que l'orientation maréch This content downloaded from 150.182.196.229 on Wed, 03 Jan 2018 15:01:32 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 1216 FRENCH REVIEW 84.6 un slogan dans lequel un reconnaître à l'époque5. Le gouvernement de Vi nationaliste et conservatr les alliés des "Français li de Gaulle, une figure p française, à la différenc Bretagne, l'ennemi hist rebelle. Elisabeth de Mirib début de la guerre, rappor Le sentiment des Canadien n'aiment pas l'Angleterre L'aspect conservateur et r est de nature à les sédui à Londres éveille des sou fluence des Anglais. De pet naires de l'Angleterre'! [...] vénèrent le maréchal Pé jusqu'aux dernières trace řublique. A leurs yeux, le gouvernement de Vichy est seul légitime. ..] Sentimentalement, Québec reste foncièrement attaché à Vichy. En partie du fait de l'esprit de caste de personnalités dirigeantes, en partie sous l'influence d'un clergé réactionnaire ou simplement par ignorance de l'état réel de la France. Les Canadiens ont une admira- tion sans bornes pour le maréchal Pétain, malgré son entourage, malgré ses erreurs. (49-51)6 La montée en faveur aux yeux des Alliés du général Henri Giraud en 1943, qui est perçu comme un continuateur potentiel de la Révolution na- tionale dans une future France libérée, ne peut que renforcer cette opinion. Marc Ferro, pour décrire le comportement des Québécois pendant les premières années de la guerre, utilise l'expression de "pétainisme sans l'occupation" (687). Cette formule, sans être fausse, est cependant quelque peu réductrice. Tout d'abord, comme l'explique bien Eric Amyot, les Canadiens fran- çais se divisent, à l'époque, en libéraux progressistes dans une certaine mesure interventionnistes et en conservateurs nationalistes fortement anglophobes. La frange radicale des libéraux, certes peu nombreuse en 1940, dans la mesure où le gouvernement de Vichy est officiellement reconnu par le Canada jusqu'en 1942 et que le Québec est encore, à l'époque, une culture religieuse fortement portée sur les traditions, croit que le général de Gaulle et une France nouvelle vont l'emporter à long terme sur Pétain et sa Révolution nationale. Non que les Québécois perdent foi dans le Maréchal après 1943, mais ils vont le croire manipulé par les Allemands et par le président du Conseil, Pierre Laval, imposé à la tête du gouvernement par Hitler. Dès lors, les Canadiens français, This content downloaded from 150.182.196.229 on Wed, 03 Jan 2018 15:01:32 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Québec et Camus 1217 déçus par le régime de V tique de collaboration, de le vieux Maréchal dépas pression de Ferro, et d propos d'ajouter: "à pét boration" (328)7. Le problème est que Cam vont être très critiques d du procès de ce dernier débouche sur sa condam Gaulle en détention à p même ralliés à de Gaull traître est Laval et non Révolution nationale, u l'écroulement de la Franc une assise fortement an parti de l'Allemagne" et lui, en 1944-45, met Lav accablante culpabilité po gouvernement de Vichy. du journaliste-écrivain, Pétain, alors qu'il est à O moins bonne que lors de en chef a, lui, le tort d'a après la fin du procès, les éléments les plus ho condamnation du Maréch Camus, le responsable d qui concerne l'épuration justice sous sa plume, qu Mauriac qui en dénonçait Mauriac au Figaro, d'octo choisi d'assumer la just soucieux seulement de maintenue" (Œuvres com dans un editorial en date moins qu'il faut tout fai coupables doivent payer. chef ne fait aucun doute En 1940 a commencé un mettre. Il fallait lutter ou qu'on lutterait à genoux têtes françaises sont tom être ne l'imaginait-il pas conséquences d'actes qui This content downloaded from 150.182.196.229 on Wed, 03 Jan 2018 15:01:32 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 1218 FRENCH REVIEW 84.6 politique réaliste, ces astu vieillard, cette diplomatie un peu puérile et vaniteus frances pendant ces quatr chose que du nom de trah Et l'éditorialiste de Combat de conclure ainsi sa réflexion: la France "n'est pas décidée [à] oublier que les responsables sont les responsables et qu'un homme qui gouverne doit accepter de rendre les comptes de son gouvernement" (2: 561). Dix mois plus tard, le 2 août 1945, lors du procès du Maréchal, il réité- rera son point de vue: les gouvernants doivent assumer la responsabilité des décisions qu'ils ont prises ("la responsabilité de Pétain nous paraît [...] immense", Camus à Combat 563); mais il demande que le vieux politicien ne soit pas condamné à mort. Nous voyons, là, le journaliste et l'auteur de U Etranger coïncider, ne faire plus qu'un pour dénoncer la peine de mort: "Nous ne nous laisserons pas entraîner aux cris de la haine. [...] Toute condamnation à mort répugne à la morale" (563). Une autre raison motivant la magnanimité de Camus est qu'il ne veut pas que Pétain acquière une réputation de martyr. Camus préfère la justice humaine, même imparfaite, à condition qu'elle ne débouche pas sur une exécution, à la justice divine défendue par Mauriac, qui favorise la magnanimité, la uploads/Histoire/ camus-au-quebec.pdf

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  • Publié le Sep 11, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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