Jean Gagé Romulus-Augustus In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 47, 1930

Jean Gagé Romulus-Augustus In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 47, 1930. pp. 138-181. Citer ce document / Cite this document : Gagé Jean. Romulus-Augustus. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 47, 1930. pp. 138-181. doi : 10.3406/mefr.1930.7205 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1930_num_47_1_7205 ROMULUS-AUGUSTUS II s'en fallut de peu, si nous en croyons Suétone, qu'au lieu du nom d'Auguste, Octave, en janvier 27, ne prît celui de Romulus. La faveur de ses partisans, sa préférence peut-être aussi, allaient au nom du héros fondateur dont il paraissait renouveler l'histoire. Mais ce nom était celui d'un roi, titre dont l'opinion publique s'accordait avec Octave pour bannir jusqu'à l'apparence dans le pouvoir nouveau. Il ne fut pas jugé opportun et Ton sait que le consulaire Munatius Plancus fit prévaloir sans peine le surnom A' Augustus. Par lui, l'homme providentiel était revêtu d'une grâce divine. Car on appelle augustes, dit l'historien ou le scoliaste, « les lieux auxquels est atta ché un caractère religieux, et où une consécration a lieu suivant les rites auguraux1 ». La figure de Rornulus semblait s'effacer de l'ho rizon d'Octave. En fait il ne faudrait peut-être pas croire que les deux appellations entre lesquelles on choisit fussent telles qu'elles s'opposassent. Hild a pensé que dans le nom définitif d'Auguste survivait précisément quelque chose de Romulus. « Lorsque les amis d'Auguste, dit-il, 1 Suet., Divus Aug., 7 : Postea Augusti cognomen assumpsit, ... Mu- nati Planci sententia, cum, quibusdam censentibus Romulum appellari oportere quasi et ipsum conditorem urbis, praevaluisset ut Augustus po- tius vocaretur, non tantum novo sed etiam ampliore cognomine, [quod loca quoque religiosa et in quibus augurato quid consecratur augusta di- cantur, ab auctu vel ab avium gestu gustuve, sicut etiam Ennius docet scribens : Augusto augurio postquam inclyta condita Roma est]. La phrase entre crochets, souvent considérée comme une glose, est en tout cas ancienne. Cf. Velleius Patere, II, 91 ; Gensorinus, 21, 8. ROMULUS- AUGUSTUS 4 39 cherchèrent dans l'histoire des temps anciens un vocable qui pût rat tacher au passé Tempire nouveau en le légitimant, la plupart propo sèrent celui de Romulus; Munatius Plancus fit adopter celui d'Au- gustus, qu'un vers célèbre d'Ennius avait consacré, et qui faisait ainsi de l'héritier de César comme le second fondateur de Rome arra chée aux guerres civiles1. » Si Hild a raison, les délibérations de jan vier 27 prennent un sens nouveau : il ne s'agit plus de choisir entre le nom d'un héros et un vocable religieux comme entre deux notions distinctes, mais plutôt de savoir par lequel il convient de reconnaître en Octave le caractère glorieux d'un second fondateur de l'Urbs. Cette explication pénétrante et fondée sur le texte ancien, ne semble guère avoir séduit les érudits. On préfère, en général, reconnaître dans le nom d'Auguste, dès son origine, cette vague signification qu'a paru traduire le grec σεβαστός, vénérable. On a comme renoncé à donner de l'événement de 27 une explication plus précise, et même les rapports étymologiques attestés par les contemporains entre le nom et celui d'augure n'ont pas retenu autant qu'ils le méritaient l'attention des modernes. Il nous a semblé que la question valait la peine d'être posée et l'hypothèse de Hild d'être reprise, en l'appuyant sur une série de faits négligés ou nouveaux. La sagacité de Hild nous a fourni encore notre point de départ. Il a eu le mérite d'entrevoir le sens de la représenta tion de Romulus triomphant qu'accompagne sur des monnaies impér iales la légende Romulo Conditori ou Bomulo Augusto. « Titres inspirés par le souvenir de Yaugurium augustum, écrit-il, et qui perpétuent les prétentions dynastiques d'Octave et de ses succes seurs2. » Nous nous proposons de démontrer ces curieux rapports, de les préciser et d'éclairer par eux certains aspects intéressants de la figure d'Auguste. 1 Diel, des Antiq., s. v. Romulus, p. 892. 2 Ibid., p. 894. 140 ROMULUS-AUGUSTUS Fig. 1 Nous ne connaissions autrefois ce type de Romulus Augustus que par la numismatique, et les monnaies où il paraît datent des règnes d'Hadrien et d'Antonin. Le héros y figure, malgré la variante « con ditori », non dans l'acte de la fondation, mais en guerrier vain queur, au pas rapide, jeune, armé d'une lance et soutenant de la main gauche un trophée qu'il brandit (fig. 1)1. A quand faut-il en faire remonter l'origine? Beau coup plus haut sans doute que les Anto- nins. Car Plutarque a pu voir à Rome plu sieurs statues pédestres de Romulus avec ce trophée, et semble les avoir jugées arir Romulus Augustus ciennes2. Il nous en donne en même temps (Monnaie d'Antonin). l'explication : le trophée est fait des armes du roi de Caenina Acron, premières dépouilles opimes que Romulus, accomplissant son vœu, va consacrer dans le temple de Jupiter Feretrius. Romulus lui-même, « vêtu de pourpre et portant sur ses longs cheveux une couronne de laurier, chargea le trophée sur son épaule droite et marcha à la tête de son armée, qui chantait des airs de victoire... Cette pompe fut l'origine et le modèle de tous les triomphes qui suivirent3. » L'épisode de la victoire de Romulus sur Acron était, à cause de la cérémonie qui la suivit, si célèbre dans 1 Cohen, Monnaies de l'empire romain, II, p. 215, noS 1315 à 1320 : Ro- mulo Conditori (à partir de 128); p. 341, noS 704 à 707 : Romulo Augusto (années 140 à 143). P. 335, n° 655; p. 345, n" 761, et p. 358, n° 908, figure d'Énée avec Anchise et Ascagne dont nous parlons plus bas; cf. Ber noulli, Rom. Ikon., I, p. 9; Hild, in Diet, des Antiq., s. v. Romulus, p. 895, fig. 5957. Cf. notre note à la fin de l'article, p. 181. 2 Vie de Romulus, XVI, 16 : Του δέ 'Ρωμύλου τας εικόνα? ópqcv εστίν εν 'Ρώμη τας τροπαιοφόρους πεζάς άπάσας. *Ibid., XVI, 11. Cf. Liv., I, 10, 5-7. ROMULUS-AUGUSTUS 141 la tradition romaine que l'art put avoir assez tôt l'idée de l'illustrer. Rien dans cette statue pédestre ne présentait de grande difficulté pour le sculpteur. liest probable cependant que ce type ne se répandit que Fig. 2. — Romulus au trophée. sous le règne d'Auguste, lorsqu'il fut entré Jans un ensemble icono graphique où son rôle fut très particulier et remarquable. En avril 1913, en effet, les nouvelles fouilles de Poinpéi, conduites par M. Della Corte, faisaient apparaître sur les côtés d'une porte d'entrée de maison de Via dell'Abondanzadeux fresques symétriques : à droite le groupe célèbre d'Énée, Anchise et Ascagne, tel qu'il nous est bien connu : Enée marche vivement vers la gauche, les bras, les jambes et la tête nus; les pieds dans de hautes chaus- 142 ROMULUS-AUGUSTUS sures lacées, la poitrine protégée par une solide cuirasse jaune fran gée de blanc passée sur une courte tunique rouge foncé. Il tient dans son bras gauche, assis sur son épaule, Anchise, qui serre de ses deux mains la précieuse et divine cassette. Il donne la main droite à As- Fig. 3. La fuite d'Énke. cagne, vêtu lui aussi d'une courte tunique et d'un manteau léger de couleur rouge, coiffé du bonnet phrygien vert, le pedum pastoral dans la main droite (fig. H). La figure de gauche est celle d'un « guerrier romain, vêtu comme Enée avec, en outre, un baudrier auquel est suspendu le gladins à son flanc gauche. Il porte un manteau rouge foncé qui voltige der rière ses épaules; et tandis qu'il tourne la tête en arrière, il avance majestueusement vers la droite, en serrant dans sa main droite une longue lance et dans la gauche un trophée d'armes hissé sur un bâ- ROMULUS- AUGUSTUS 1 43 ton qui repose sur son épaule gauche' » (fig. 2). Ce guerrier, que la notice descriptive de M. della Corte n'a pas autrement identifié, ré pond si exactement au Romulus au trophée des monnaies qu'aucun doute n'est possible. Le citoyen de Pompéi avait voulu que fussent peints autour de sa porte, d'après des modèles évidemment célèbres, les deux héros des origines romaines, Enée et Romulus. II est possible d'aller plus avant et de retrouver les modèles dont s'inspire directement la peinture pompéienne, avec le sens dont ils étaient chargés. Dans la cité campanienne les personnages d'Ënée et de Romulus étaient pour ainsi dire proposés à l'attention publique par les statues dont les bases ont été retrouvées dans l'édifice d'Eu- machia2. Tous deux y devaient figurer dans un des épisodes les plus caractéristiques de leur histoire, résumée en quelques lignes par Yelo- gium dont nous sont parvenus des fragments. Ces elogia nul ne met en doute qu'ils ne soient des copies fidèles de ceux qu'Auguste avait fait graver sur le piédestal des statues de rois et de triomphateurs qui paraient son Forum de part et d'autre du temple de Mars Ultor. Leur beauté vraiment lapidaire, leur couleur volontairement archaïque sont celles qui convenaient àia glorification de ces aïeux illustres, et nous en pouvons attribuer le mérite à Auguste, encore qu'il ait dû se contenter plus d'une fois de reprendre des elogia plus anciens. Or, qu'y lisons-nous? qu'Énée, fils de uploads/Histoire/ gage-romulus-augustus.pdf

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  • Publié le Sep 16, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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