1 VI.3. DOSSIER EPEAUTRE VI.3.1. L’épeautre, la céréale « écologique » ! Beauco

1 VI.3. DOSSIER EPEAUTRE VI.3.1. L’épeautre, la céréale « écologique » ! Beaucoup d’aspects donnent à l’épeautre une réputation écologique. C’est le retour à une céréale panifiable naturelle n’ayant pas subi les apports positifs et négatifs de la modernisation de l’agriculture. Cela lui donne une image intacte, très nature. Pour beaucoup, pas de dérive d’inféodisation à l’intensif. L’épeautre est de ce fait choisi pour ces raisons par des sélectionneurs de semences et agriculteurs « alternatifs ». En réponse à des effets négatifs de l’évolution de la culture céréalière, on écrira « plus officiellement ou scientifiquement» que l’épeautre « pompe » mieux les nitrates1. L’explication vient de son occupation plus précoce du sol qui ne laisse pas migrer l’azote vers la nappe phréatique et qui capte celui-ci par son volume produit. L’épeautre a en effet plus de paille et une végétation (feuilles et racines) plus importante2. Certaines régions où sa culture est possible, alors que la culture du froment ne réussit pas bien, sont devenues terres de villégiatures. Dès lors, cela embaume un peu plus l’image de respect à cette céréale lié à une contrée que l’on aime pour les belles heures que l’on a vécu où que l’on pourrait y vivre. Pour terminer l’identité « verte » de l’épeautre, sachez que dans un autre chapitre vous pourrez 1 Claude AUBERT, p. 67, signale ces effets positifs de lutte contre la pollution des nitrates, en absorbant les reliquats d’azote dès septembre. Dans certaines zones polluées d’Allemagne, les agriculteurs reçoivent des subsides incitant à la culture de l’épeautre. Un projet a regroupé l’Université de Hohenheim et les centres de recherche agricole de Zurich (CH) et Gembloux (B) autour du thème « L’épeautre, une moisson à redécouvrir pour une agriculture soutenable européenne », voir le site de l’Univ. de Hohenheim. 2 Voir : Peter KUNZ, 1999 qui montre par un schéma très clair la différence de végétation entre l’épeautre et un froment de la fin de siècle passé. découvrir le « grünkern » mot issu d’un dialecte allemand et qui se traduit par grain ou blé vert. Cette spécialité du Sud-Ouest de l’Allemagne est en fait le résultat d’une récolte prématurée du grain encore vert puis séché par après. Et ce grain récolté puis traité de la sorte est ; l’épeautre. VI.3.2. « L’épeautre » : Appellation et confusion ! Dans le chapitre consacré aux anciens blés (voir chap.VI.1.), on a pu lire la confusion qui s’inscrit sur le mot « épeautre ». Pour rappel, suite à l’évolution de la classification, c’est dans la famille des blés et du froment, hexaploïde (3 paires de 7 chromosomes) que nous situons l’épeautre. D’autres l’appellerons « grand épeautre », puisqu’il existe le « petit épeautre » et l’« épeautre de Tatarie » (dit souvent Tartarie), décrit ici au chapitre engrain et amidonnier (voir ch.VI.2.). Cette confusion s’est installée suite à une généralisation de l’appellation « épeautre » pour tous les grains « vêtus »3. Le monde agricole et meunier n’a pas toujours suivi l’évolution de l’analyse scientifique, souvent débattue, il faut le dire. Comme scientifiquement c’est le latin qui demeure la langue utilisée, l’épeautre est là, le Triticum Aestivum L.em.Thell ssp. Spelta, souvent raccourci en « Triticum Spelta ». Ce qui différencie l’épeautre du froment c’est que lorsqu’il arrive à maturité, les grains dans leurs épillets se rompent avec 3 L’espeuta, l’espeouto, l’espiotte et l’escandin ne sont pas l’épeautre En ancien provençal, on appelle « espeuta » l’engrain, et France on trouve aussi « espeouto » pour une espèce d’orge, J.P.DEVROEY, p.91. « L’escandin » est un blé tendre en Espagne, voir BUXO I CAPDEVILA, p.112. L’encyclopédie DIDEROT & D’ALEMBERT, p.280 mentionne l’appellation « pain d’espiotte : c’est un pain de seigle ou semblable au seigle, mais plus court et plus plat. ». Voilà quelques exemples de témoignages historiques qui montrent que le mot ne sait pas toujours résister à l’analyse scientifique qui aujourd’hui veut que l’on appelle épeautre des blés à 3 paires de 7 chromosomes (découverte de la première moitié du XXème siècle). 2 leurs bouts attenants à l’axe (le rachis). Le froment lui ne se fragmente pas de sa tige (axe de l’épi) lors du battage. Voir la figure VI.3.1., ci après. Autre différence, mieux connue celle-là, entre l’épeautre et le froment, c’est cette balle (composé des glumelles et des glumes) qui reste accolée aux grains d’épeautre alors que le grain complet de froment s’extrait aisément de cette épluchure ou balle. Du coup, l’épeautre doit subir une opération supplémentaire ; le décorticage. Enfin, pour la génétique, (dernier apport dans la classification des céréales), l’épeautre a le gène speltoïde 4 . Ce qui différencie l’épeautre, non plus du froment, mais des autres blés « vêtus » primitifs 5 cette fois, est quasi invisible à 4 A l’épeautre, le gène speltoïde (q) est à la place du gène (Q) chez le froment. Ce gène du froment est dit en anglais « squarehead » -épi à section carrée-. C’est ce gène (q) qui fait que l’épeautre a des rachis (tiges) fragiles et des glumes (balles) tenaces J.F.LEDENT, p.7 5 Le blé macha et le blé vavilov Il existe dans les blés anciens ou primitifs, l’engrain et l’amidonnier et leurs « frères chromosomiques », c.a.d. ; les céréales qui ont le même nombre de l’œil nu. Bien peu de choses apparentes somme toute, ce qui explique la large confusion déjà décrite. Tout d’abord, lors du battage des épis, pour l’épeautre, c’est la partie supérieure du rachis qui reste attaché aux épillets lorsque l’épi se fragmente, c’est différent pour les « anciens blés »6. La différenciation entre épeautre et anciens blés est surtout génétique 7. Finalement, nous boulangers, si nous n’avons pas la possibilité d’avoir un circuit commercial court et proche ou une tracabilité bien contrôlable, comment discerner si la farine que nous recevons est bien d’épeautre ? Afin de décourager les fraudeurs potentiels mélangeant ou vendant du froment à la chromosomes, ( voir ch. VI.2.). Ici, l’épeautre a aussi ses frères « chromosomiques », il s’agit du Triticum Macha (le blé Macha, présent dans le Caucase) et du Triticum Vavilovii ( le blé Vavilov - du nom du chercheur russe- , est un peu cultivé en Arménie), voir J.F.LEDENT, p.8. 6 C’est l’article supérieur du rachis qui reste attaché aux épillets lorsque l’épi d’épeautre se fragmente. Dans le cas des anciens blés (engrain & amidonnier) c’est l’article inférieur qui se détache avec l’épillet, .J.F.LEDENT, p.11 7 Elle n’apparaît qu’à l’analyse moléculaire : l’épeautre ayant 3 paires de 7 chromosomes alors que l’engrain n’a que 1 paire de 7 chromosomes et l’amidonnier 2 paires de 7 chromosomes (Voir chapitre VI.1.). FIGURE VI.3.1. A droite A gauche Le froment laissant L’épeautre où la sa tige démunie des grains tige se fragmente FIGURE VI.3.2. A droite A gauche L’épeautre dont la Les blés primitifs séparation est supérieur avec séparation inférieur 3 place8, ce qui se vérifie malheureusement.9 Des outils d’analyse viennent de venir sur le marché. Il s’agit de technique qui mettent à jour la signature moléculaire spécifique du produit alimentaire. 10 VI.3.3. C’était l’épeautre au bas Moyen-âge Même s’il est impossible de savoir qui de l’épeautre ou du froment précéda l’autre dans la préhistoire, on sait que l’un et l’autre ne sont pas des blés « sauvages » ou « primitifs ». Ils sont nés tous les deux dans des cultures. Au Moyen-âge, la majeure partie des terres du nord de la France était ensemencée par trois céréales ; l’épeautre, le seigle et l’orge. En 850 à Reims (F), la « spelta » des documents d’époque rédigé en latin, tient la première place dans le rang des céréales.11 Plus on 8 La farine d’épeautre étant ± le double plus cher que la farine de froment. 9 La farine d’épeautre est parfois du froment. Voir l’article de M.Von BÜREN & col. du laboratoire de chimie alimentaire de l’université de Berne (CH). A l’aide de trois méthodes d’analyse PCR sur 7 échantillons de farine et pains d’épeautre, il déterminent que 4 contenaient moins de 10% d’épeautre, un autre 11%, un autre 22% et un échantillon (le bio.), pas du tout. Comme l’épeautre et le froment sont de la même famille chromosomique de céréales, ils ont 95 % de protéines qui sont homologues, d’où la difficulté de les différencier par analyse classique. 10 L’unité de biochimie de la nutrition de l’Université de Louvain-la-Neuve a mis au point en 2000, une technique de spectrométrie de fluorescence induite par laser. Communiqué de presse du 29 juin 2000 du service des relations de l’Université de Louvain-la-Neuve (B), le REUL. 11 F.DESPORTES, p. 12 & 13 et J.P.DEVROEY, p.95, 90% des céréales des réserves et 68 % des cens (taxe) en grains versés par les détenteurs, sont de l’épeautre, d’après le Polyptyque du Monastère Saint-Remi de Reims. Cette différence entre le taux d’épeautre stocké et récolté tient du fait que cette céréale a plus d’aptitude à la conservation que les autres grâce à sa balle qui la protège des rongeurs et d’autres souillures. Vers l’an 820, uploads/Histoire/ dossier-epeautre 1 .pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mar 29, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.5507MB