Revue belge de philologie et d'histoire Les Indo-Européens et l'archéologie pro

Revue belge de philologie et d'histoire Les Indo-Européens et l'archéologie protohistorique d'après M. Bosch-Gimpera Jean Loicq Citer ce document / Cite this document : Loicq Jean. Les Indo-Européens et l'archéologie protohistorique d'après M. Bosch-Gimpera. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 41, fasc. 1, 1963. pp. 112-134. doi : 10.3406/rbph.1963.2458 http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1963_num_41_1_2458 Document généré le 27/09/2015 BIBLIOGRAPHIE — BIBLIOGRAFIE LES INDO-EUROPÉENS ET L'ARCHÉOLOGIE PROTOHISTORIQUE D'APRÈS M. BOSCH-GIMPERA Depuis plus d'un siècle, l'étude systématique des ressemblances qu'offrent entre elles, dans leur vocabulaire et dans leur structure grammaticale, un certain nombre de langues du continent eurasiatique a abouti à la constitution d'une théorie comparative de ces langues fondée sur le principe de leur parenté génétique, c'est-à-dire de leur filiation à une langue commune différenciée au cours de l'histoire: Γ «indo-européen». On s'est interrogé sur la nature précise du phénomène historique que recouvre cette expression, ainsi que sur les conditions dans lesquelles s'est accomplie la diffusion de cette langue commune à travers une aire si vaste qu'elle occupait, dès l'aube des temps historiques, la plus grande partie de l'Europe et une notable partie de l'Asie. Linguistes et historiens n'ont cessé de se préoccuper de ce problème. Y a-t-il eu, à une période de la préhistoire, un peuple, une « nation» indo-européenne et queb pouvaient bien être ses caractères archéologiques et anthropologiques lorsqu'elle s'est fractionnée en unités distinctes ? Il était légitime de poser en termes d'histoire une question suscitée au premier chef par des faits linguistiques. D'une part en effet, les ressemblances de structure entre les différentes langues indo-européennes sont de telle nature qu'il n'est pas possible de les considérer comme fortuites et de les expliquer sans recourir à l'hypothèse d'une langue commune initiale dont elles ne seraient que les transformations diverses ; et c'est là le principe de la parenté génétique — on peut concevoir d'autres types de parenté — des langues, qui, comme les linguistes sociologues de l'école française l'ont affirmé avec force à la suite d'Ant. Meillet, est un fait historique : la continuité d'une tradition. D'autre part, une langue ne se conçoit pas sans un peuple qui la parle, et la diffusion d'une langue suppose nécessairement la diffusion d'une civilisation. Le latin de Rome ne s'est imposé aux diverses nations de l'Italie et, plus tard, de l'Europe occidentale qu'en même temps que s'imposaient à elles, par voie de conquêtes militaires et de colonisation, un certain type d'organisation politique et sociale, des conceptions religieuses, une forme particulière de civilisation matérielle. De quelque manière qu'on se représente la dispersion des langues indo-européennes, il est licite de supposer qu'elle s'est accompagnée de phénomènes historiques. Mais la nature de LES INDO-EUROPÉENS ET. L'ARCHEOLOGIE PROTOHISTORIQUE 113 ces phénomènes peut — l'expérience de l'histoire le montre à l'évidence — varier d'une manière considérable. De multiples efforts ont été faits pour reconstituer, en combinant les résultats de la linguistique, de l'archéologie et de l'anthropologie, la suite des événements qui ont abouti à la formation des peuples connus par l'histoire comme parlant une langue indo-européenne. On a pu écrire en Allemagne des livres entiers sur la civilisation matérielle des Indo-Européens, sur la région d'Europe ou d'Asie où il convenait de placer leur habitat primitif et le centre de leur dispersion : on connaît, pour ne rappeler que ceux-là, les travaux d'O. Schrader, de S. Feist, de H. Hirt. Jamais, on n'a pu aboutir qu'à des hypothèses fragiles, qu'à des résultats contradictoires et constamment sujets à révision, si bien qu'en 1933, dans un article de L'Anthropologie où il définissait les positions respectives des linguistes, des préhistoriens et des anthropologues, A. Meillet faisait cette constatation décevante : « En somme, faute de renseignements utilisables, la linguistique ne rejoint pas les résultats de l'archéologie préhistorique» (*). Par l'étude attentive des vestiges matériels (usages funéraires, armes et outils, types de céramique et formes du décor, etc.), les préhistoriens étaient parvenus à tracer un tableau riche et complexe des civilisations qui se sont succédé sur le sol de l'Europe et de l'Asie depuis l'époque paléolithique jusqu'au premier âge du Fer. Les linguistes comparatistes étaient, de leur côté, arrivés à certaines conclusions, fragmentaires et schématiques, sur l'état de civilisation supposé par l'indo-européen commun ainsi que sur le sens et l'origine des mouvements qui ont diffusé l'indo-européen en Europe et en Asie. Mais le tableau du passé linguistique de l'Europe restait, pour une très large part, différent de l'image du passé culturel et ethnologique tel que les travaux des préhistoriens et des anthropologues permettaient de se le représenter. En particulier, les grands courants de civilisation qui ont répandu les langues indo-européennes ne se laissaient traduire par aucune donnée archéologique précise : le problème des Indo-Européens tel qu'il se posait aux linguistes restait un problème plus linguistique qu'archéologique et qu'ethnologique. Il n'y a pourtant qu'une réalité historique. Mais il ne dépendait ni des préhistoriens ni des comparatistes qu'une communauté de langue signifie nécessairement unité de civilisation, qu'une civilisation matérielle coïncide toujours avec une unité anthropologique. Pour arriver à une description précise et complète du passé de l'Europe préhistorique, il fallait que les linguistes revisent leurs schémas à la lumière des faits archéologiques, que les archéologues, préhistoriens et protohistoriens, tiennent compte de leur côté des résultats de l'analyse linguistique. Or, dans les trente dernières années, on le sait, la grammaire comparée des langues indo-européennes a considérablement (1) A. Meillet, Linguistique et anthropologie, dans L'Anthropologie, XLIII (1933), p. 43, reprod. Linguist, hist, et linguist, gén., IF (Paris, 1938), p. 86. 8 114 J. LOICQ assoupli ses conceptions. Elle a bénéficié du magnifique développement de la linguistique générale et de l'expérience acquise dans l'étude des autres langues du Monde. Elle s'est avisée que l'indo-européen théorique des reconstructions devait être envisagé non comme une langue une, mais comme une langue déjà fractionnée en dialectes ; et l'on a ainsi introduit en grammaire comparée la réalité géographique (*). Entre le moment où se sont détachées les langues les plus archaïques du domaine et celui où sont parties les dernières expéditions, ce qui restait de l'indo-européen commun n'a cessé d'évoluer : à la dimension géographique, on a ajouté, parfois substitué, la perspective historique, et M. É. Benveniste a même pu écrire que le problème de la dialectologie de l'indo-européen est avant tout un problème de chronologie (2). La théorie des conservatismes périphériques, signalée par Meillet et J. Vendryes, a été développée et systématisée par M. Bartoli et l'école italienne ; elle conduisait à reporter très loin dans le temps (avant 3000 av. J.-C. ?) la conception d'un indo-européen archaïque unitaire, et précisait certaines modalités historiques de sa diffusion. On a porté l'attention sur des phénomènes particuliers comme les substrats, les développements parallèles, les faits de convergence ; la notion de parenté linguistique s'est assouplie, enrichie, adaptée à des situations historiques singulières (3), et la vision que se font les linguistes du processus de formation des langues indo-européennes s'est trouvée radicalement transformée. Des savants comme C. C. Uhlenbeck ou M. V. Pisani ont même pu soutenir qu'il n'a jamais existé de langue indo-européenne commune, et encore moins d'unité indoeuropéenne de civilisation ; les différents « dialectes» indo-européens n'ayant acquis leurs ressemblances de structure qu'à la suite d'un très long voisinage préhistorique, les différentes isoglosses se seraient propagées de l'un à l'autre de deux groupes limitrophes de parlers sans qu'il faille recourir à l'hypothèse de migrations massives ni même à celle d'une domination de populations allogènes par une « aristocratie » indo-européenne, qui aurait imposé sa langue et un certain nombre de conceptions sociales et religieuses (4). (1) On rappellera ici les travaux de Meillet, de MM. Bonfante, Porzio, Pisani sur la dialectologie indo-européenne. (2) É. Benveniste, Tokharien et indo-européen, dans la Festschr. H. Hirt, II (Heidelberg, 1936), p. 228. (3) Sur la notion de parenté linguistique et la diversité des faits historiques qu'elle recouvre, on relira les pages lumineuses de Meillet, reprod. dans Linguut. hüt. et linguist, gén., t. I et II. — Pour l'orientation plus récente du problème, voir p.ex. V. Pisani, Parenté linguistique, dans Lingua, III (1952), pp. 3-16, et La question de V indo-hittite et le concept de parenté linguistique, dans Arch. Orientâlni, XVII (1949), pp. 251-264; ces deux art. sont repr. dans Saggi di linguist, storica (1959), resp. pp. 29-42 et 43-60 ; É. Benveniste, La classification des langues, dans Conf. de l'Inst. de ling. Univ. Paris, XI (1952- 1953), pp. 33-50. (4) On trouvera le bilan détaillé des recherches récentes sur le problème indo-euro- LES INDO-EUROPÉENS ET L'ARCHÉOLOGIE PROTOHISTORIQUE H5 Thèse radicale qui exclut à peu près entièrement le principe des migrations de peuples. Dans la préhistoire comme aux époques historiques, les mouvements migratoires, les conquêtes militaires et les colonisations ne manquent pourtant pas. Certains peuples, comme les Germains, ont été en mouvement dès le premier âge du Fer et ne se sont stabilisés définitivement qu'à l'époque moderne ; l'histoire elle-même a gardé le souvenir des migrations indo-âryennes vers le bassin de Γ Indus et du Gange, de l'expansion achéenne du IIe millénaire et de la colonisation grecque du Ier millénaire sur tout le pourtour de la uploads/Histoire/ les-indo-europeens-et-l-x27-archeologie-protohistorique-d-x27-apres-m-bosch-gimpera.pdf

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  • Publié le Mai 05, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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