LA PREMIÈRE ÉDITION DE CET OUVRAGE A ÉTÉ PUBLIÉE DANS LA COLLECTION « PIERRES V

LA PREMIÈRE ÉDITION DE CET OUVRAGE A ÉTÉ PUBLIÉE DANS LA COLLECTION « PIERRES VIVES » TITRE ORIGINAL The Empty Space © original : 1968, Mac Gibbon and Kee Ltd, Londres ISBN 978-2-02-131422-9 © Éditions du Seuil, 1977, pour la traduction française Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Table des matières Copyright Que veut Peter Brook ? Dédicace En 1965, j’ai été invité... Le théâtre rasoir Le théâtre sacré Le théâtre brut Le théâtre immédiat Du même auteur Que veut Peter Brook ? Voici un livre indispensable à ceux qui aiment le théâtre et à ceux qui ne l’aiment pas. À ceux qui en font et à ceux qui y assistent. Car il y est autant question du public que des interprètes, acteurs ou metteurs en scène, grâce auxquels le théâtre, écrit ou non écrit, peut vivre. Le titre original de ce livre, publié à Londres en 1968, est The Empty Space – l’espace vide – ; mais il aurait pu s’intituler : l’espace à remplir. Pour Peter Brook, en effet, le lieu idéal est encore à trouver, qui puisse établir une communication véritable, sans perpétuellement reproduire le cadre d’une illusion dont personne n’est dupe. Aussi nous donne-t-il trois définitions du théâtre tel qu’il existe encore aujourd’hui. Ce qu’il nomme le théâtre-pensum (the deadly theatre), traduit ici par : théâtre rasoir1, c’est souvent le théâtre à succès qui, de Broadway à nos vieux boulevards, nous sert une mixture interchangeable de fausses notations, où la réalité vivante est soumise aux seuls caprices de la mode. Théâtre sans lendemain, qui ne touche qu’une toute petite partie de la société, dont on sait qu’elle s’est toujours trompée sur les valeurs qu’il fallait, selon elle, vénérer... Mais le deadly theatre, avec son parfum de mort, c’est surtout le faux respect qui entoure les classiques au nom de la chose écrite. Et là, j’ai bien peur que Peter Brook ne choque pas mal de gens pour lesquels, jusqu’à ces derniers temps, le théâtre classique était avant tout littérature et non pas représentation vivante. Ils excuseront Peter Brook en découvrant qu’il prend surtout ses exemples dans Shakespeare et que si, en France, nous avons ignoré Shakespeare pendant deux cents ans, c’est qu’il n’appartenait pas au théâtre écrit, rigoureusement écrit, c’est-à-dire figé dans une forme intouchable, et ceci, bien qu’il soit le plus grand écrivain de tous les temps. J’ai demandé un jour à Peter Brook ce qu’il pensait de Racine, il m’a répondu que Racine ne pouvait le toucher qu’intellectuellement... Pour lui, d’ailleurs, l’histoire du théâtre passe par trois sommets : les Grecs, Shakespeare, Tchekhov. Fermons la parenthèse. Revenons à Shakespeare et au deadly theatre, au théâtre qui refuse l’ouverture, au théâtre rasoir. Peter Brook a fait ses premières mises en scène dans le saint des saints shakespearien, à Stratford. Il a vu le respect avec lequel érudits et comédiens cherchaient à restituer des textes à coups de glose et d’archéologie. Il a compris que le langage et les sentiments évoluent avec le temps et que nous sommes incapables de retrouver le sens exact d’un texte, sans le secours de la culture, c’est-à-dire de l’intellect. Il a compris, surtout, que ceux qui se targuent d’une tradition oublient qu’en matière de spectacle il n’y a pas de tradition ininterrompue et que les formes de théâtre que nous prétendons perpétuer datent souvent de quelques années seulement. Peter Brook montre aussi que, lorsqu’une forme de théâtre a été trouvée, on ne peut pas, on ne doit pas la reproduire indéfiniment. Les exemples qu’il cite – la Comédie-Française, l’Opéra chinois, le Théâtre d’art de Moscou ou le Théâtre Habimah – prouvent à satiété que, fausses ou vraies, ces reproductions n’engendrent que mort et ennui. Peter Brook croit que le théâtre est un art éphémère : « ... Toute forme, à peine née, est condamnée à périr ; chaque forme doit être repensée et chaque nouvelle conception porte inévitablement la marque de toutes les influences qu’elle subit. » Est-ce à dire que le théâtre doit être pour autant un art frivole et passager ? La rapidité avec laquelle sont montées la plupart des pièces paraît à Peter Brook aussi dangereuse que la lenteur qui caractérise, dit- il, certaines mises en scène soviétiques : n’a-t-il pas connu un acteur moscovite qui a répété le rôle de Hamlet pendant sept ans et n’a pu le jouer, le metteur en scène étant mort ? La mise en scène, en fait, doit être un art assez souple pour subir de perpétuelles transformations. La représentation théâtrale n’est pas une chose en soi : elle doit trouver dans chaque spectateur un écho particulier. La même mise en scène de la même pièce peut toucher un public anglais et laisser froid un public américain. Cette réadaptation constante de la mise en scène, du travail du comédien dépend d’un travail de tous les instants, dont Peter Brook nous livre quelques secrets, qui ne sont pas tous d’ordre technique. Loin de là. Tout ce que nous dit Peter Brook de l’acteur – surtout dans la dernière partie – est infiniment précieux dans la mesure où il dépasse, tout en les prolongeant, les principales « méthodes » en usage depuis le début du siècle : école de Stanislavski, reprise par l’Actors Studio, distanciation brechtienne, ascétisme de Grotowski, apport du cinéma et de la télévision, etc. Tout moyen mis en œuvre pour lutter contre la sclérose menaçant un art que des gens comme Peter Brook, fort heureusement, ressuscitent. Car c’est d’eux, c’est du metteur en scène que vient le salut : l’auteur dramatique est condamné à mort, s’il n’apporte une nouvelle vision théâtrale et non point seulement littéraire. Comment établir la communication ? Faut-il la chercher dans ce que Peter Brook nomme le « théâtre sacré » (holy theatre) ou théâtre de l’invisible ? Ce théâtre peut-il encore exister alors que « ... le théâtre du doute, du malaise, de l’angoisse, de l’inquiétude nous semble plus vrai que le théâtre animé d’un idéal » ? Car retrouver le sens du sacré, n’est-ce pas retomber encore dans l’archéologie ? Ce qu’il faut à l’acteur, ce sont les moyens d’abolir les gestes appris, la psychologie de bas étage, qui le coupent de l’essentiel. Peter Brook propose des exemples d’exercices très simples qui permettent de donner à un texte, à une situation théâtrale, sa signification profonde. Il cite, en particulier, le théâtre biomécanique de Meyerhold qui « perchait ses acteurs sur des balançoires » – ce dont Peter Brook s’est souvenu pour sa belle mise en scène du Songe d’une nuit d’été. Il cite Antonin Artaud pour qui le geste théâtral était « un signe qu’on fait à travers les flammes ». Le théâtre invisible est à la fois théâtre de l’absurde et théâtre de la violence – ou, toujours selon Artaud, « théâtre de la cruauté ». Peut-être, dit Peter Brook, que ce qui se rapproche le plus d’un théâtre sacré, c’est le happening, dont nous avons connu la vogue aux États-Unis. Cet « événement » qui surgit, en principe, au hasard, cette rencontre de « la machine à coudre et du parapluie sur une table de dissection », pour parler comme Lautréamont, concourt « à faire une percée dans les réflexes conditionnés du spectateur de telle sorte qu’il est plus ouvert, plus alerte, plus éveillé : le champ de possibles et de responsabilités qui s’ouvre alors est le même du côté de l’acteur et du spectateur ». Cet « éveil », que souhaite également le bouddhisme zen, est-il suffisant ? Non pas, répond Peter Brook. Il faut chercher du côté d’une élaboration plus complexe. Les ballets de Merce Cunningham et de John Cage, les pièces de Beckett et les spectacles fous et rigoureux de Grotowski apporteraient, toujours selon les perspectives de ce nouveau holy theatre, une réponse plus convaincante. Le silence chez les danseurs de Cunningham, les symboles authentiques de Samuel Beckett, la notion de sacrifice propre aux acteurs de Grotowski apportent, par leur provocation, une « apothéose » et une « dérision ». Si le chapitre consacré au théâtre de l’invisible se termine sur une belle évocation du vaudou haïtien, on sent néanmoins que, pour Peter Brook, la recherche du sacré est infiniment plus profane. Les exemples du happening, d’Artaud, de Cunningham, de Beckett, de Grotowski ou du Living Theatre ne sont pour Peter Brook que les étapes, on le sent, d’un plus vaste projet, qui réconcilierait le ciel et la terre, le spectateur et l’acteur et, plus précisément, nous-mêmes avec nous-mêmes. À ce théâtre de l’invisible, qui passe de nos jours par la dérision et l’absurde, correspond un « théâtre brut » (rough theatre) fondé sur l’impureté : « La crasse et la vulgarité, dit Peter Brook, uploads/Industriel/ lespace-vide-ecrits-sur-le-theatre-by-peter-brook-brook-peter.pdf

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