LE SEMINAIRE DE JACQUES LACAN TEXTE ÉTABLI PAR JACQUES-ALAIN MILLER EDITIONS DU

LE SEMINAIRE DE JACQUES LACAN TEXTE ÉTABLI PAR JACQUES-ALAIN MILLER EDITIONS DU SEUIL 21 y rue Jacob, Paris VIe INTRODUCTION À LA STRUCTURE DE L'ANGOISSE I L'ANGOISSE DANS LE FILET DES SIGNIFIANTS Le désir de VAutre Vers une orographie de Vangoisse Sérieux, souci, attente Inhibition, empêchement, embarras Inhibition, émotion, émoi Je vais vous parler cette année de l'angoisse. Quelqu'un, qui n'est pas du tout à distance de moi dans notre cercle, m'a pourtant laissé apercevoir l'autre jour quelque surprise que j'aie choisi ce sujet, qui ne lui semblait pas devoir être d'une si grande ressource. Je dois dire que je n'aurai pas de peine à lui prouver le contraire. Dans la masse de ce qui se propose à nous sur ce sujet comme questions il me faudra choisir, et sévèrement. C'est pourquoi j'essaierai dès aujourd'hui de vous jeter sur le tas. Mais déjà cette surprise m'a semblé garder la trace de je ne sais quelle naïveté jamais étanchée, consistant à croire que chaque année je pique un sujet comme ça, qui me semblerait intéressant pour conti- nuer le jeu de quelque sornette. Non. L'angoisse est très précisément le point de rendez-vous où vous attend tout ce qu'il en était de mon discours antérieur. Vous verrez comment pourront maintenant s'arti- culer entre eux un certain nombre de termes qui ont pu jusqu'à présent ne pas vous apparaître suffisamment conjoints. Vous verrez, je le pense, comment, à se nouer plus étroitement sur le terrain de l'angoisse, chacun prendra encore mieux sa place. Je dis encore mieux, puisqu'il a pu m'apparaître, dans ce qui s'est dit lors de la récente réunion dite provinciale de notre Société, que quelque chose avait effectivement pris sa place dans votre esprit concer- nant cette structure si essentielle qui s'appelle le fantasme. Vous verrez que la structure de l'angoisse n'en est pas loin, pour la raison que c'est bel et bien la même. 11 INTRODUCTION À LA STRUCTURE DE L'ANGOISSE 1 Je vous ai mis sur ce tableau quelques petits signifiants-repères ou aide-mémoire. Ce n'est pas grand, un tableau, et il n'y a peut-être pas tous ceux que j'aurais voulus, mais il convient aussi de ne pas abuser quant au schématisme. Ils forment deux groupes. A gauche, celui-ci, que je compléterai. q* lu»- v c u > . jt 4 v tL^ v* 4 X a ^ n4)P À droite, ce graphe dont je m'excuse de vous importuner depuis si longtemps, mais qui est tout de même nécessaire, car la valeur de repère vous en apparaîtra, je le pense, toujours plus efficace. L'ANGOISSE DANS LE FILET DES SIGNIFIANTS Aussi bien sa forme peut-être ne vous est-elle jamais apparue comme celle d'une poire d'angoisse. Ce n'est peut-être pas ici à évoquer par hasard. D'autre part, tandis que la petite surface topologique à laquelle j'ai fait une si grande part l'année dernière, celle du cross-cap, a pu suggérer à certains d'entre vous certaines formes de reploiement des feuillets embryologiques, voire des couches du cortex, personne, en dépit de la disposition à la fois bilatérale et nouée d'intercommunications orien- tées qui est celle du graphe, n'a jamais évoqué à ce propos le plexus solaire. Je ne prétends pas, bien sûr, vous en livrer ici les secrets, mais cette curieuse petite homologie n'est peut-être pas si externe qu'on le croit, et méritait d'être rappelée au début d'un discours sur l'angoisse. Comme le confirme jusqu'à un certain point la réflexion par laquelle j'ai introduit mon discours, celle d'un de mes proches dans notre Société, l'angoisse ne semble pas être ce qui vous étouffe, j'entends comme psychanalystes. Et pourtant ce n'est pas trop dire que ça devrait. C'est en effet dans la logique des choses, c'est-à-dire de la relation que vous avez avec votre patient. Sentir ce que le sujet peut supporter d'angoisse vous met à tout instant à l'épreuve. Il faut donc supposer que, au moins pour ceux d'entre vous qui sont formés à la technique, la chose a fini par passer dans votre régulation, la moins aperçue il faut bien le dire. Mais l'analyste entrant dans sa pratique, il n'est pas exclu, Dieu merci, que, pour peu qu'il présente de très bonnes dispositions à être un analyste, il ressente de ses premières relations avec le malade sur le divan quelque angoisse. Encore convient-il de toucher à ce propos la question de la com- munication de l'angoisse. Cette angoisse que vous savez, semble-t-il, si bien régler et tamponner en vous qu'elle vous guide, est-ce la même que celle du patient ? Pourquoi pas ? Je laisse la question ouverte pour l'instant, non pas peut-être pour très longtemps. Il vaut la peine de la poser d'emblée, même s'il faudra recourir à nos articulations essentielles pour lui donner une réponse valable, et donc attendre d'avoir suivi un moment les premiers détours que je vais vous proposer. Ceux-ci ne sont pas absolument hors de toute prévision pour ceux qui sont mes auditeurs. En effet, si vous vous en souvenez, lors d'une autre série de Journées dites provinciales qui était loin, celle-là, de 13 INTRODUCTION À LA STRUCTURE DE L'ANGOISSE m'avoir donné autant de satisfaction, j'avais cru devoir, en manière de parenthèse dans mon discours de l'année dernière, projeter à l'avance une formule vous indiquant le rapport essentiel de l'angoisse au désir de l'Autre. Pour ceux qui n'étaient pas là, je rappelle la fable, l'apologue, l'image amusante que j'en avais dressée devant vous pour un instant. Moi-même revêtant le masque animal dont se couvre le sorcier de la grotte dite des Trois Frères, je m'étais imaginé devant vous en face d'un autre animal, un vrai celui-là, supposé géant pour l'occasion, une mante religieuse. Comme, le masque que je portais, je ne savais pas quel il était, vous imaginez facilement que j'avais quelque raison de n'être pas rassuré, pour le cas où, par hasard, ce masque n'aurait pas été impropre à entraîner ma partenaire dans quelque erreur sur mon identité. La chose était bien soulignée par ceci, que j'avais ajoute, que je ne voyais pas ma propre image dans le miroir énigmatique du globe oculaire de l'insecte. Cette métaphore garde aujourd'hui toute sa valeur. Elle justifie que j'aie placé au centre des signifiants sur ce tableau la question que j'ai depuis longtemps introduite comme étant la charnière des deux étages du graphe, pour autant qu'ils structurent ce rapport du sujet au signi- fiant qui me paraît devoir être la clé de ce qu'introduit sur la subjec- tivité la doctrine freudienne, Che vuoi ?, Que veux-tu ? Poussez un petit peu plus le fonctionnement, l'entrée de la clé, et vous avez Que me veut-Il ?, avec l'ambiguïté que le français permet sur le me, entre le complément indirect ou direct. Ce n'est pas seulement Que veut-Il à moi?, mais aussi une interrogation suspendue qui concerne directe- ment le moi, non pas Comment me veut-Il ?, mais Que veut-Il concernant cette place du moi ? La question se tient en suspens entre les deux étages, et précisément entre les deux voies de retour qui désignent dans chacun l'effet carac- téristique. La distance entre elles, si essentielle à construire, et qui sera au principe de tout ce dans quoi nous allons nous avancer, rend à la fois homologues et distincts le rapport au désir et l'identification nar- cissique. 14 L'ANGOISSE DANS LE FILET DES SIGNIFIANTS C'est dans le jeu de la dialectique qui noue si étroitement ces deux étapes que nous allons voir s'introduire la fonction de l'angoisse. Non pas qu'elle en soit elle-même le ressort, mais elle est ce qui nous permet de no.us y orienter en fonction des moments de son apparition. Ainsi donc la question que j'ai posée, de votre rapport d'analystes à l'angoisse, laisse en suspens cette autre - qui ménagez-vous ? L'autre, sans doute, mais aussi bien vous-mêmes. Ces deux ménagements, pour se recou- vrir, ne doivent pas être laissés confondus. C'est même là l'une des visées qui vous seront proposées à la fin du discours de cette année. Pour l'instant, je me contente d'introduire une indication de méthode sur ce que nous allons avoir à tirer d'enseignements de notre recherche sur l'angoisse. Voir en quels points privilégiés elle émerge nous permettra de modeler une véritable orographie de l'angoisse, ce qui nous conduira directement sur un relief qui n'est autre que celui des rapports de terme à terme que constitue la tentative structurale plus que condensée dont j'ai cru devoir faire pour vous, sous la forme de ce graphe, le guide de notre discours. Si vous savez donc vous arranger avec l'angoisse, cela nous fera déjà avancer que d'essayer de voir comment. Et aussi bien, moi-même, je ne saurais la produire sans l'arranger de quelque façon. C'est peut-être là un écueil. Il ne faut pas que je l'arrange trop vite. Cela ne veut pas dire non plus que, d'aucune façon, par quelque jeu psychodramatique, mon but doive être de vous jeter dans l'angoisse - avec le jeu de mots que j'ai déjà fait sur le je du jeter. 15 INTRODUCTION A LA STRUCTURE DE L'ANGOISSE Chacun uploads/Ingenierie_Lourd/ jacques-lacan-le-seminaire-livre-10-l-x27-angoiss.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager