Du dictionnaire au site lexical pour l!enseignement/apprentis" sage du vocabula
Du dictionnaire au site lexical pour l!enseignement/apprentis" sage du vocabulaire Anne-Laure Jousse, Alain Polguère, Ophélie Tremblay 1. Introduction Le dictionnaire pédagogique pourrait être l’outil privilégié de l’enseignement et apprentissage des connaissances lexicales. Cependant, dans sa forme actuelle, il ne contient pas nécessairement toutes les informations dont les enseignants ou les élèves ont besoin, les premiers, dans leur préparation d’activités pédagogiques, les seconds, dans leurs tâches scolaires. Cet article vise à proposer des pistes pour améliorer l’accès aux données sur le lexique par le biais de l’utilisation d’un type de ressource nouvellement apparu, les sites lexicaux, et par le recours à une formation linguistique visant le développement de la compétence lexicale des utilisateurs. Dans la section 2, le dictionnaire est examiné de façon critique, du point de vue du type d’informa- tions qu’on y retrouve et de la façon dont celles-ci sont encodées. Nous introduisons ensuite, dans la section 3, le site lexical comme alternative au dictionnaire. Nous faisons la présentation d’une approche relationnelle de la modélisation du lexique — celle de la Lexicologie Explicative et Combinatoire — et décrivons une base de données lexicale du français fondée sur cette approche : le DiCo et sa version en ligne DiCouèbe. La section 4 explicite les modes de navigation qui peuvent être intégrés dans un site lexical conçu à partir d’une telle base (approche thématique et approche structurante). Finalement, la section 5 est consacrée aux compétences mises en jeu dans l’utilisation d’une ressource lexicale pour l’enseignement et l’apprentissage du lexique, notamment dans un contexte de production de texte. 2. Limitations des dictionnaires conventionnels 2.1. Dictionnaires comme modèles du lexique Les dictionnaires de langue se veulent des descriptions du lexique, des « modèles lexicaux », conçus pour être utilisés par le grand public comme ouvrages de référence et de consultation. Ils devraient donc être en mesure de répondre aux questions les plus évidentes que l’on peut se poser sur le fonctionnement des unités lexicales de la langue. Cependant, les dictionnaires remplissent rarement ce rôle, notamment lorsqu’ils sont utilisés dans un contexte de production langagière (et pas simplement pour vérifier l’orthographe ou le sens d’un mot peu fréquent). Pour bien démontrer la nature des limitations du modèle lexical offert par les dictionnaires convention- nels, nous examinerons plusieurs cas d’échecs dans l’accès aux unités lexicales à partir de la nomenclature des dictionnaires : échecs au niveau de la navigation dans la macrostructure des dictionnaires. Ensuite, nous considérerons des cas d’échecs dans l’accès à l’information à l’intérieur des articles de dictionnaires eux-mêmes : échecs au niveau de la navigation dans la microstructure. Dans chaque cas, nous prendrons comme point de départ les dictionnaires papier, tout en faisant aussi référence aux dictionnaires électroniques. 2.2. Navigation dans la macrostructure des dictionnaires La recherche dans les dictionnaires papier est contrainte par l’ordre alphabétique et se caractérise, de ce fait, par une navigation fastidieuse (souvent décourageante, spécialement pour un jeune public). Les dictionnaires électroniques ont l’avantage de donner accès directement aux articles recherchés, puisqu’il suffit de taper le mot désiré. Certains dictionnaires électroniques, comme le dictionnaire du logiciel de correction Antidote, offrent même des alternatives pour les requêtes mal orthographiées. Cependant, que ce soit pour les dictionnaires papier ou les dictionnaires électroniques, l’accès direct par mot identifiant une entrée est souvent insuffisant lorsque l’usager cherche certains moyens linguistiques d’encoder sa pensée. Imaginons un cas concret où un rédacteur cherche des verbes sémantiquement liés au nom peur. Les dictionnaires papier traditionnels ne proposant pas de structuration thématique, le rédacteur est contraint de chercher à l’intérieur de l’article de peur, ou de mots sémantiquement proches, dans l’espoir d’y trouver mention des verbes recherchés. Par exemple, frayeur sera peut-être donné comme synonyme dans l’article de peur, et l’article de frayeur lui-même contiendra peut-être la mention du verbe effrayer (dont l’emploi est beaucoup plus courant que celui du dérivé morphologique apeurer). Les dictionnaires électroniques, bien que leur structure soit moins soumise à une nomenclature rigide comme l’est la nomenclature alphabétique, ne proposent généralement pas d’accès au lexique par des thèmes. Cependant, certains modes de recherche permettent de plus ou moins simuler un tel accès. Par exemple, le dictionnaire de la version 5 du correcteur Antidote présente un onglet « Analogies », qui donne accès, à partir de l’article d’un mot donné, aux éléments de la nomenclature dont l’article contient le mot en question. Il ne s’agit cependant pas d’un véritable mode d’accès par grandes catégories thématiques. Par ailleurs, si la navigation dans le « réseau lexical de la langue » est facilitée par le recours aux dictionnaires électroniques, elle peut devenir erratique dans le cas où l’utilisateur n’a pas une idée précise de l’information recherchée. Les informations visuelles et sonores que fournissent les dictionnaires électroniques destinés aux jeunes, comme le Petit Robert Junior, sont un bon complé- ment à une recherche linguistique, mais peuvent peut-être détourner l’usager de son objectif de recherche initial. Bref, dans bien des cas, aussi bien le dictionnaire papier que le dictionnaire électronique échouent quand il s’agit d’accéder de façon simple et systématique aux unités lexicales en tant qu’outils d’encodage de la pensée. 2.3. Accès aux données dans la microstructure des dictionnaires Les informations que l’on retrouve dans un article de dictionnaire sont de plusieurs ordres : or- thographe, prononciation, étymologie, définition, polysémie, synonymes et mots reliés, exemples, etc. Dans un contexte de rédaction de texte, ces informations ne sont pas toutes pertinentes, puisque l’utilisateur cherche avant tout des moyens linguistiques d’encoder sa pensée. Par exemple, il peut chercher une expression précise évoquant le fait qu’un sentiment de peur naît chez une personne. Où trouvera-t-il les expressions la peur s’insinue en X, la peur s’immisce en X, la peur naît chez X, la peur saisit X..., qui sont des collocations types contrôlées par peur ? La zone d’exemples de chaque article de dictionnaire contient souvent de telles collocations ; cependant, le sens véhiculé par chacune n’est pas spécifié, ce qui oblige l’utilisateur, dans l’exemple présenté, à chercher le sens des différents verbes employés avec peur pour trouver celui qui correspond le mieux à son intention de communica- tion. Cet exemple montre qu’un tel type de recherche dans le dictionnaire a de fortes chances d’être voué à l’échec, les dictionnaires traditionnels ne rendant pas compte de façon explicite et systématique du phénomène particulier qu’est la collocation. Cet échec dans la recherche de l’information est-il inéluctable ? Nous pensons qu’il peut être résolu en faisant appel à d’autres modélisations du lexique. De fait, le dictionnaire est moins caractérisé par un problème d’accès aux données que par une modélisation inadéquate de certains phénomènes lexicaux. Il faut donc faire appel à des modèles qui illustrent mieux la façon dont s’encode l’information lexicale et qui reproduisent davantage le processus d’accès aux unités lexicales et aux combinaisons lexicales. 3. Le modèle relationnel du lexique sous-jacent à un site lexical 3.1. Du dictionnaire au site lexical Le modèle classique du dictionnaire est de plus en plus remis en question par le développement de ressources lexicales « en ligne » qui ne sont pas de simples versions sur support électronique de dictionnaires papiers, mais de véritables sites lexicaux. Nous faisons référence ici aux ressources orientées vers le traitement automatique de la langue, comme WordNet (Fellbaum, 1998) ou FrameNet (Baker et al., 2003) — pour ne citer que les plus connues —, mais aussi aux travaux visant la construction de ressources à visées pédagogiques, comme le Dictionnaire d’apprentissage du français langue étrangère ou seconde DAFLES (Selva et al., 2002) ou le Diccionario de Coloca- ciones del Español (Alonso Ramos, 2003). Toutes ces ressources lexicales, pourtant très différentes les unes des autres dans leur conception, reposent sur une vision non linéaire du lexique, où la modélisation de ce dernier est plus inspirée des modèles de stockage informatiques du type bases de données que des modèles « textuels » des dictionnaires. On peut très grossièrement caractériser la nouvelle vision des modèles lexicaux qui se dégage peu à peu de ces travaux comme relevant d’une organisation plus relationnelle des lexiques, ces derniers étant conçus comme de gigantesques graphes d’entités lexicales interconnectées (Polguère, 2006). Bien que les auteurs du DAFLES continuent de parler de dictionnaire pour désigner la ressource qu’ils développent, la plupart des lexicographes et chercheurs impliqués dans la construction de la nouvelle génération de ressources lexicales préfèrent généralement utiliser d’autres termes. Tel qu’indiqué au début de la présente section, nous adoptons quant à nous le terme site lexical car il présente un double avantage. Tout d’abord, contrairement à dictionnaire (très connoté), il n’implique pas l’idée d’une organisation textuelle linéaire du modèle lexical. Ensuite, le terme site qu’il contient fait explicitement référence à une ressource « en ligne », qui est en évolution constante. Le site lexical se caractérise avant tout par son architecture qui, contrairement à la structure linéaire du dictionnaire, vise à modéliser la connaissance lexicale comme un réseau d’entités interconnectées. Notons cependant que nombreux sont les projets de mise en ligne de dictionnaires « classiques » qui visent à s’affranchir de la linéarité, notamment par le recours à un uploads/Ingenierie_Lourd/ jousse-polguere-tremblay-2008.pdf
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- Publié le Jui 21, 2022
- Catégorie Heavy Engineering/...
- Langue French
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