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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/346274449 Traduire le culturel : la problématique de l'explicitation Article in Palimpsestes · September 1998 DOI: 10.4000/palimpsestes.1538 CITATIONS 9 READS 225 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Simultaneous Interpretation : Units of Meaning and other features" in/ D. GERVER, H.W. SINAIKO (eds) View project EC4 Project : Make the planet great again, really, no bla-bla View project Marianne Lederer Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3 34 PUBLICATIONS 581 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Marianne Lederer on 12 April 2021. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 TRADUIRE LE CULTUREL : LA PROBLEMATIQUE DE L'EXPLICITATION Palimpsestes N°11, 1998, pp. 161-172 M. LEDERER L'explicitation est en traduction un procédé d'adaptation au lecteur étranger. Il peut s'agir par exemple de l'explicitation d'un référent désigné dans le texte original ou de celle de faits culturels inconnus du lecteur de la traduction. Il me semble utile, avant d'aborder la traduction à proprement parler, de donner un exemple, dont les traducteurs peuvent s'inspirer, de la façon dont certains emprunts qui à première lecture peuvent sembler opaques sont explicités par le texte dans son ensemble. S’inspirer d’auteurs "biculturels" J'illustrerai mon propos à l'aide de quelques extraits d'un roman indien récent écrit en anglais. Imprégné dès sa scolarité par la langue et la culture de la Grande Bretagne, Vikram Seth, né en Inde en l952, connait les deux cultures, l'indienne et la britannique, les deux types de lecteurs auxquels il aura à faire. Il sait donc au moment où il écrit que le cercle potentiel de ses lecteurs dépasse largement celui de sa culture nationale. Il est intéressant de noter le dosage d'implicite et d'explicite de son expression, car il peut servir de modèle au traducteur qui, au lieu de s'acharner à traduire chacun des éléments linguistiques, s'inspirera de la manière dont cet auteur fait passer son message. On notera par exemple la fréquence des termes indiens empruntés en anglais (environ 360) et la manière dont leur référent est explicité au cours du texte dans une narration qui permet petit à petit à un lecteur au départ ignorant de la culture indienne de comprendre et de ressentir cette culture. Vikram Seth a publié récemment A Suitable Boy1, saga familiale se déroulant quelques années après que l'Inde ait acquis son indépendance. Il y trace une fresque haute en couleur de la vie, du peuple, des pratiques sociales et politiques, industrielles et agricoles de l'Inde de l'époque de Nehru. Nous assistons au mariage de la sœur aînée de l'héroïne. Quoi de plus universel que le fait pour deux jeunes gens de se promettre amour et fidélité avant de fonder une famille. Quoi de plus habituel que la famille et les amis se réunissent pour fêter l'événement. "Servants, some in white livery, some in khaki, brought around fruit juice and tea and coffee and snacks to those who were standing in the garden: samosas, kachauris, laddus, gulab-jamuns, 1Vikram SETH, A Suitable Boy, Londres, Phoenix, 1993. La problématique de l’explicitation 2 barfis and gajak and ice-cream were consumed and replenished along with puris and six kinds of vegetables". En Occident, l'on servirait des canapés et des petits fours salés et sucrés ; les aliments sont différents, leur fonction est la même. Pour un Indien, les mets servis possèdent sans doute chacun une réalité bien précise. Ce ne sera pas le cas pour la plupart des anglophones qui lisent le roman de Vikram Seth. Certes, l'occupation de l'Inde a laissé des traces profondes en Grande Bretagne, dont le thé, le chutney et le curry font partie. Les non-Britanniques qui lisent l'anglais n'auront pas les mêmes souvenirs mais, malgré les nombreux emprunts au hindi et à l’ourdou, ils suivront sans peine les descriptions de la vie indienne. Ils ne connaitront pas les référents auxquels renvoient les mots samosa, kachauri, laddu, etc., mais ils en comprendront la fonction. A chaque page du roman, ils glaneront des informations qui délimiteront de façon de plus en plus précise la réalité à laquelle renvoient les vocables étrangers. Un exemple : p.4, Madame Mehra, la mère de la mariée, accueillant ses hôtes leur dit : "Please eat something, please eat: they have made such delicious gulab-jamuns, but owing to my diabetes I cannot eat them [...]". On comprend que le gulab-jamun est une sucrerie et lorsque, plus tard, vient l'énumération de tous les mets servis dans le jardin, la notion de sucré s'ajoute implicitement au terme, bien que l'on ne sache pas encore quel est l'aspect d'un gulab-jamun, ni quels ingrédients entrent dans sa confection. Le caractère implicite de l'expression originale n'est qu'un des aspects d'un phénomène général ; on le voit lorsqu'on compare deux langues : le français parle par exemple de 'planteur de betteraves', l'anglais dit 'beetgrower', mais au total le planteur et le grower ne font qu'un ! De même, tout texte est composé d'une partie explicite et d'une partie plus ou moins importante de sous-entendus. La traduction de la culture doit rétablir un dosage adéquat entre l'implicite et l'explicite, qui vise à faire passer autant du même tout de l'original que possible. Les choses désignées par les termes font partie de la culture, mais ne sont pas toute la culture. Celle-ci s'exprime tout autant sinon plus à travers les idées et les faits que désigne le texte. Voyons en guise d'illustration une partie de la cérémonie du mariage (p. l5) : The two bare-chested priests, one very fat and one fairly thin, both apparently immune to the cold, were locked in mildly insistent competition as to who knew a more elaborate form of the service. So, while the stars stayed their courses in order to keep the auspicious time in abeyance, the Sanskrit wound interminably on [...]. Lata tried to imagine what Savita was thinking. How could she have agreed to get married without knowing this man? La problématique de l’explicitation 3 Chaque ligne du texte apporte aux lecteurs son lot d'informations nouvelles sur les mœurs indiennes. Les deux prêtres nus jusqu'à la taille, le choix du moment propice pour le mariage, le sanscrit, langue du service religieux, le mariage arrangé par les parents... Tout ceci, les lecteurs le comprennent, le comparent à leurs propres connaissances du même type de situation et l'intègrent dans leur savoir du monde. Vikram Seth dessine dans son roman les grands traits de l'Inde des années 50, non pas seulement par l'usage de vocables locaux, mais essentiellement par la narration elle-même. Ne serait- ce qu'à travers la scène du mariage sur laquelle ouvre le roman (une vingtaine de pages), le lecteur est placé devant toutes sortes de faits culturels, de façons de faire ou de voir le monde qui lui sont a priori étrangers mais qu'il est capable d'assimiler. L'Indien extrait de ces vingt premières pages tout un implicite qu'il puise dans son vécu ; le non-Indien n'en tire pas autant, certains détails lui échappent ; il n'y puise pas moins des connaissances qu'il n'avait pas auparavant ; dans ces vingt pages, il commence à appréhender, à la fois rationnellement et émotionnellement, la façon dont vivent les Indiens, compréhension qui ira s'approfondissant au fil de la lecture et lui rendra les faits culturels de plus en plus accessibles. Le traducteur qui s'inspire de l'exemple de cet auteur et de bien d'autres que l’on pourrait citer, comprendra qu'à condition que le contexte apporte progressivement des éclaircissements, l'explicitation, voire les notes en bas de page, sont souvent inutiles. C’est le principe qu’a appliqué la traductrice du roman de Vikram Seth2. Françoise Adelstain a conservé dans la version française tous les emprunts de mots indiens (hindi, ourdou) de l'original. Par exemple dans le passage du mariage que nous avons cité plus haut en anglais, samosas, kachauris, laddus, gulab-jamuns, barfis, gajak sont repris tels quels dans le texte français. Elle a néanmoins ajouté un glossaire en fin de volume, estimant sans doute que les francophones, moins familiers de la culture indienne que les Anglais, pourraient parfois souhaiter s'y reporter. Elle s'est rendu compte que les référents désignés par les emprunts ont une fonction et correspondent à une situation telles qu'ils n'entravent ni la possibilité d'imaginer des nourritures exotiques ni le déroulement du récit. Le culturel en traduction En tant que traductologue, je trouve enrichissant l'examen d'œuvres écrites par des auteurs "biculturels", mais la place dont je dispose ne me permet pas de développer le sujet plus longuement. L'étude de traductions de langues-cultures éloignées s'avère également fructueuse. Lorsqu’on lit des 2Vikram SETH, Un garçon convenable, traduction par F. Adelstain, Paris, Grasset, 1995. La problématique de l’explicitation 4 traductions faites à partir de langues que l'on ne connaît pas, on est placé dans la position de lecteur : le lecteur de la traduction comprend le culturel, explicité ou non, et parfois ponctuellement il ne comprend pas. Le traductologue, lui, constate parfois un manque de méthode dans l'explicitation ; dans un même texte, peuvent coexister des explicitations uploads/Litterature/ 1998traduireleculturel 1 .pdf

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