Suspense en Seine-et-Marne Concours d’écriture de la nouvelle policière 2020 RE
Suspense en Seine-et-Marne Concours d’écriture de la nouvelle policière 2020 RECUEIL DES NOUVELLES PRIMÉES 2020 « Le Département de Seine-et-Marne mène une politique ambitieuse en matière de lecture publique et ce concours de la nouvelle policière a plus que jamais vocation à faire émerger, chez les jeunes et les moins jeunes, un intérêt réel pour la lecture et l’écriture, sous toutes leurs formes. Cette année, pour la première fois, des ateliers d’écriture ont pu être proposés et c’est sans nul doute un dispositif que nous reconduirons, pour accompagner au mieux nos auteurs en herbe. Nous sommes fiers de voir que cette 3e édition a de nouveau rencontré un franc succès et ravis d’avoir pu découvrir des textes de grande qualité. Félicitations aux six lauréats et bonne lecture à tous ! » Olivier Morin, Vice-président du Département en charge de la culture et du patrimoine « C’est une édition toute particulière qui s’achève et je suis fière d’y avoir participé, aux côtés de la Médiathèque départementale, qui a fait preuve d’un engagement sans faille. Je me réjouis de voir que le concours a pu être mené jusqu’à son terme. Un grand merci à notre parrain, Jean-Hugues Oppel, qui a toujours réagi avec vivacité et humour face aux contretemps, ainsi qu’aux membres du jury qui, de par leur diversité et leur implication, ont été précieux dans la réussite de ce beau projet. Et bien sûr, félicitations aux lauréats de cette 3e édition du concours Suspense en Seine-et-Marne ! » Cathy Bissonnier, Conseillère départementale et présidente du jury ÉTRANGE, ÉTRANGE... VOUS AVEZ DIT ÉTRANGE ? L'une des découvertes dans les jardins du château de Champs-sur-Marne devait être étrange pour le concours de nouvelles, mais que dire alors du concours lui-même, au final présidé, délibéré et récompensé en confinement ? Eh bien, comme il s'agissait d'écrire du Suspense, du Polar et du Noir, on ne peut pas dire que l'on a été dépaysé ! J'avoue cela dit avoir eu un peu peur de pouvoir établir le palmarès sans pouvoir échanger et débattre de vive voix, mais il n'en fut rien (ou presque) ; je dirais que cela est dû à la qualité des textes qui ont su réunir les différents jurys autour de quelques titres qui emportaient leurs suffrages... en ordre dispersé quand même parfois, à une unanimité près ! Alors grâces soient rendues ici aux participants des deux sexes et de tous âges, bien sûr, mais tout spécialement aux jurys confinés et donc bien solitaires dans les affres de la réflexion numérique. Quoique friand des échanges verbaux, de préférence enthousiastes, passionnés, voire enflammés, l'écrivain que je suis n'a pas vu d'un trop mauvais œil le fait de devoir échanger par écrit... Nous sommes restés dans le pouvoir des mots, non ? Jean-Hugues OPPEL SOMMAIRE LES LÉGUMES DE MONSIEUR JEAN Elisabeth Barthélémy, 1er prix dans la catégorie des plus de 15 ans 5 13 ET APRÈS, PLUS RIEN NE SERA COMME AVANT Laurence Congy, 2e prix dans la catégorie des plus de 15 ans 29 FACE CACHÉE Léo Bourdoncle, 1er prix dans la catégorie collégiens, 4e/3e 33 L ’ART DU CRIME Vincente Adrien, 2e prix dans la catégorie collégiens, 4e/3e 47 VENGEANCE AU CHÂTEAU Ambre Claassen, 1er prix dans la catégorie collégiens, 6e/5e 61 L ’OS MENT Chloé Vavon, 2e prix dans la catégorie collégiens, 6e/5e LES LÉGUMES DE MONSIEUR JEAN Elisabeth BARTHÉLÉMY 5 6 I l a de beaux légumes, Monsieur Jean. Brillants, juteux, colorés. On a envie de mordre dedans à pleines dents. Il faut dire qu’il y met du cœur à les arroser, les désherber, les bichonner comme s’il s’agissait de ses propres enfants. Hélas, il n’en a pas d’enfant, Monsieur Jean. Son épouse, la gentille Colette, l’a quitté il y a bien longtemps. « Un jour, elle est partie comme ça, j’ai rien compris », répète-t-il lorsqu’on le questionne à ce sujet. Oui, il l’a pleurée au début. Et puis il est passé à autre chose. Il s’est bien fait aguicher par la Christiane, la veuve du village, mais il n’a pas semblé intéressé. Christiane, quant à elle, trouvait que c’était un beau parti, Monsieur Jean. Sans être amoureuse, elle se disait qu’être mariée au jardinier du château de Champs-sur-Marne, ça faisait classe ! Elle se voyait déjà déambuler dans les allées de tilleuls, se prendre pour une reine ou une marquise en paradant avec Plouf, son jeune labrador qui ne la quitte pas d’une semelle. Hélas, Monsieur Jean lui a gentiment fait comprendre qu’un remariage était inenvisageable pour lui : « J’ai trop souffert, vous comprenez, quand ma chère Colette est partie ! » lui a-t-il dit, la larme à l’œil. Elle en aurait elle-même pleuré, la Christiane, mais elle s’est vite ressaisie et a choisi de jeter son dévolu sur le boulanger : lui au moins, il n’a pas l’air de faire le difficile ! De plus, la fenêtre de sa chambre donne directement sur une partie des jardins du château, ce dont elle se contente maintenant. Parfois, elle l’aperçoit, son Monsieur Jean, la bêche à la main, en train de planter ce qu’il a à planter et elle se dit sans regrets que, finalement, il ne sait faire que ça... On ne lui a d’ailleurs jamais connu d’autre femme que Colette à Monsieur Jean. 7 Les anciens vous diront qu’ils se souviennent de la Rosine quand il était jeune homme mais avec elle non plus, cela n’a pas duré. Après quelques semaines d’amourette, elle lui a préféré Fernand, son cousin. Ah ça, il n’a pas eu de chance avec les femmes, Monsieur Jean ! Alors, depuis le départ de Colette, Monsieur Jean ne vit que pour son potager. C’est son père qui lui a appris le métier de jardinier. À sa mort, il a naturellement repris le poste. Les propriétaires du château vous le diront : ils sont très satisfaits de leur jardinier. Non pas qu’ils le connaissent personnellement (on ne s’abaisse pas à parler au petit personnel chez les gens d’la haute) ; en revanche, ils apprécient de déguster d’excellentes cucurbitacées et autres ombellifères dans les potages, ragoûts et spécialités culinaires que leur concocte Robert, le cuisinier. Justement, aujourd’hui, Robert a prévu un menu digne des plus fins gourmets : un velouté de chou-fleur communément appelé Dubarry en hommage à la comtesse et favorite du roi Louis XV. Nul besoin d’évoquer le point de vue quelque peu pudibond de Robert sur la question. Il préfère ainsi se concentrer sur la finesse du mets plutôt que sur son appellation. S’ensuivra un carré d’agneau accompagné de sa mousseline de courgettes et pour clore ce festin en finesse, des pêches rôties au miel. Ce soir, on reçoit au château : Madame a invité son frère, le comte, son épouse la comtesse et leurs deux enfants, deux espèces de jeunes petits prétentieux mal élevés. Par conséquent, Robert goûte et re-goûte son potage, rectifie l’assaisonnement de sa mousseline... Rien n’y fait ! Il manque quelque chose mais quoi ? Il en perdrait ses cheveux, s’il lui en restait à Robert, tellement il se creuse les méninges pour rendre son repas succulent. 8 À force de réfléchir, il sait : de la sauge ! Oui, c’est de la sauge dont ses plats ont besoin ! La dernière fois, lors de la réception donnée en l’honneur de sa fille, Madame s’était régalée avec sa truite meunière subtilement aromatisée à la sauge ! Robert regarde l’heure : le temps est compté s’il souhaite une cuisson parfaite. Il ne lui reste plus qu’une chose à faire : se rendre au potager. Il prévient Marie, l’aide-cuisinière : « Je vais cueillir de la sauge », lance-t-il avant d’enfiler sa veste et des bottes, plus propices à une promenade dans la terre que ses élégants souliers vernis. Marie ne dit rien, habituée aux lubies de son patron et consciente de l’importance du détail aromatique pour le dîner de ce soir. Elle va en profiter pour s’avancer en attendrissant la viande. Quelques coups de marteau abattus avec vigueur sur celle-ci lui donneront ce fondant irrésistible. Elle s’empare de l’outil et tape, tape, tape sur la chair inerte. Lorsqu’elle l’estime suffisamment attendrie, elle se met en quête du couteau réservé à la découpe ; or, chose surprenante, il n’est pas accroché à l’enfilade avec les autres. Elle vérifie dans l’évier, regarde sur le plan de travail avant de se rendre à l’évidence : il a disparu. « Il faudra que j’en touche deux mots à Robert, se dit l’apprentie, il perd vraiment la tête ! ». Marie se résout à utiliser un autre couteau moins précis car elle n’a pas le temps d’attendre le retour du vieil homme. Pendant ce temps, Robert se dirige d’un pas décidé vers le potager, situé au fond du jardin. Lorsqu’il a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs, surtout pour sa cuisine ! 9 N’apercevant pas le jardinier à l’horizon, il se passe de son aval et s’avance un peu plus dans la terre restée boueuse à cause de la pluie uploads/Litterature/ 20-dac-brochure-recueil-de-nouvelles-suspensevf 1 .pdf
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- Publié le Aoû 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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