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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Note Martin Achard Laval théologique et philosophique, vol. 62, n° 2, 2006, p. 381-388. Pour citer cette note, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/014288ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 19 septembre 2011 05:09 « Le Traité 54 (I, 7) de Plotin : à propos d'une traduction récente » Laval théologique et philosophique, 62, 2 (juin 2006) : 381-388 381 X note critique LE TRAITÉ 54 (I, 7) DE PLOTIN À PROPOS D’UNE TRADUCTION RÉCENTE* Martin Achard Faculté de philosophie Université Laval, Québec ______________________ e Traité 54 (I, 7), Du premier Bien et des autres biens, est le dernier écrit de Plotin. Il a traditionnellement été divisé en trois chapitres, dans lesquels le philo- sophe résume à grands traits certains éléments-clés de son enseignement. Dans le chapitre I, Plotin rappelle d’abord, contre Aristote, que le bien de l’âme s’identifie au Bien absolu, puis il offre une description de ce dernier en des termes parfaitement habituels dans son œuvre. Le Bien est au-delà de l’être, de l’acte, de l’intelligence et de la pensée. Il est immobile, ne tend vers rien et ne désire rien. Bien plutôt, ce sont les autres choses qui, par leur désir ou leur activité, tendent vers lui, et c’est sous ce mode qu’il donne aux autres la forme du bien. Il est comme le centre d’un cercle, d’où partent les rayons, ou comme le soleil, d’où émane la lumière. Dans le cha- pitre II, Plotin précise le mode de participation des choses au Bien, en rappelant som- mairement son système des « hypostases ». Les êtres inanimés se rapportent au Bien par l’intermédiaire de l’Âme et de l’Intelligence, qui sont, chacune à leur manière, des « images » du Bien. La conséquence en est que les êtres inanimés prennent part au Bien de façon indirecte, en participant à la fois de l’unité, de l’être et de la forme. Quant à l’âme, elle participe au Bien par la vie et par l’intelligence, dont la posses- sion constitue, pour elle, deux manières de tendre vers le Premier Principe. Enfin, dans le chapitre III, Plotin rappelle en quels sens la vie et la mort sont un bien ou un * Agnès PIGLER, Plotin. Traité 54 (I, 7), introduction, traduction, commentaires et notes, Paris, Cerf, 2004, 194 p. L MARTIN ACHARD 382 mal. La vie, y explique-t-il, n’est pas forcément un bien puisque, chez le méchant, elle n’accomplit pas sa fonction. En fait, il faut dire que la vie impure est un mal pour l’âme. La vie ne sera un bien que si l’âme, par la vertu, se purifie, c’est-à-dire se garde de tout mal en se détachant du corps. Dans ces conditions, la mort, qui est la séparation de l’âme d’avec le corps, sera évidemment, pour l’âme vertueuse, un bien, et même un plus grand bien que son union avec le corps, qui fait entrave à son activité. Agnès Pigler nous a récemment offert, dans la belle collection que dirige Pierre Hadot aux Éditions du Cerf, une nouvelle traduction du traité, assortie, comme le veulent les usages de la collection, d’une introduction, de commentaires et de notes, et suivie d’un appendice d’une quinzaine de pages, intitulé « La matière précosmique comme principe d’entropie pour les êtres vivants sensibles ». Du premier Bien et des autres biens est toutefois un traité très court, nettement plus que les autres parus jus- qu’ici dans la collection, ce qui donne d’emblée au commentaire proposé par Pigler une ampleur disproportionnée. Ainsi, alors que le très substantiel Traité 38 (VI, 7), qui fait 57 pages de grec dans l’editio minor de Henry-Schwyzer, avait donné lieu, de la part de Pierre Hadot, à un commentaire de 173 pages, qui est à juste titre considéré comme un modèle de précision et d’érudition1, Pigler ne consacre pas moins de 94 pages d’explications à un traité qui n’en compte que 3, et dont le propos est essentiel- lement — comme on l’aura aperçu à partir du résumé qui précède — récapitulatif. Pour justifier une telle ampleur, l’auteur tente de faire valoir, dans son introduction, diverses raisons. Elle affirme ainsi, de manière apriorique, que le Traité 54 « repré- sente en quelque sorte le “testament” de l’Alexandrin », et qu’il « résume l’essentiel de son enseignement quant aux questions morales et religieuses » (p. 15). Quant à sa « concision extrême », elle témoignerait d’une « rigueur intellectuelle » comparable à « l’éclat froid mais pur de la lame d’acier » (p. 19). Pigler croit aussi utile de s’en prendre, après tant d’autres, au jugement de Porphyre, qui pose l’existence, dans la Vie de Plotin, d’une corrélation entre la vigueur physique du philosophe et la force de ses écrits, et qui affirme que les neuf derniers traités « ont été rédigés alors que déjà la force déclinait, et les quatre derniers plus encore que les cinq précédents2 ». Il est indéniable que le contenu de plusieurs des neuf derniers traités apporte un flagrant démenti au jugement de Porphyre, mais il est tout à fait abusif de résumer, comme le fait Pigler, son témoignage en écrivant que, selon lui, la dernière période de la pro- duction littéraire de Plotin serait une « période de quasi-sénilité », au cours de la- quelle le philosophe n’avait plus « l’acuité intellectuelle requise pour ce type de tra- vail » (p. 18). Porphyre n’affirme évidemment, ni même ne suggère, rien d’aussi fort. On notera en outre que les raisons qu’on possède de récuser le jugement de Porphyre sur la valeur globale des neuf derniers traités, si légitimes soient-elles lorsqu’on con- sidère par exemple les traités 49 (V, 3) ou 51 (I, 8), ne prouvent pas que le traité 54, 1. Pierre HADOT, Plotin. Traité 38 (VI, 7), introduction, traduction, commentaire et notes, Paris, Cerf, 1988, 428 p. 2. 6, 34-37. Nous reprenons, en la modifiant légèrement, la traduction de L. BRISSON et al., Porphyre. La vie de Plotin II, études d’introduction, texte grec et traduction française, commentaire, notes complémentaires, bibliographie, Paris, Vrin, 1992. LE TRAITÉ 54 (I, 7) DE PLOTIN. À PROPOS D’UNE TRADUCTION RÉCENTE 383 pris à lui seul, se compare aux meilleurs écrits de Plotin. Bien plutôt, le traité ayant certainement été écrit quelques mois avant la mort du philosophe, c’est-à-dire à une époque où ce dernier souffrait, vraisemblablement, d’une tuberculose avancée3, on pourrait logiquement s’attendre à ce qu’il trahisse quelques signes de faiblesse ; et, de fait, on y chercherait en vain une seule formulation ou analyse véritablement fine. On s’étonnera par ailleurs de lire, toujours dans l’introduction, que le traité 54 est, dans le groupe de traités constitué par la première Ennéade, « le seul à ne pas s’occuper de questions purement éthiques, mais aussi de l’Âme, de l’Intelligence et du Bien » (p. 18). Pour ne donner qu’un exemple, on voit difficilement comment les développe- ments du traité 1 (I, 6) sur la participation du sensible à l’intelligible, sur le méca- nisme de la perception, ou encore sur la nature du Bien, pourraient être qualifiés de « purement éthiques ». On trouverait également, dans les traités 20 (I, 3) et 53 (I, 1), ample matière à contester l’affirmation de Pigler. En dépit de l’utilisation des éditions de Henry et Schwyzer4, dont l’auteur fait grand cas pour tenter d’établir a priori la supériorité de son travail sur celui d’Émile Bréhier5, on ne saurait dire que la traduction proposée par Pigler représente un pro- grès notable par rapport à celle de ce dernier ; et, si on la compare à l’ensemble des traductions en langue moderne, il faut certainement conclure qu’elle est inférieure à celles de Harder6, d’Armstrong7, d’Igal8 ou de Casaglia9. En effet, la version de Pigler renferme un nombre considérable de défauts graves, surtout compte tenu de la brièveté du texte, qui aurait pourtant dû faciliter la relecture. Ces défauts peuvent être regroupés sous trois chefs. 1) Plusieurs connecteurs logiques de cause et de conséquence ont été traduits à contresens. Ainsi, s’agissant des marqueurs de cause, Pigler a choisi de rendre la con- jonction γάρ par « donc » dans la phrase καὶ γὰρ αὖ τοῦτο δεῖ τἀγαθὸν τίθεσθαι, εἰς ὃ πάντα ἀνήρτηται (1, 20-2110), ce qui donne « il faut donc admettre comme étant 3. Voir M.D. GRMEK, « Les maladies et la mort de Plotin », dans L. BRISSON et al., Porphyre. La vie de Plotin II, p. 335-353, particulièrement p. 350 et 353. 4. P. HENRY, H.-R. SCHWYZER, Plotini Opera (editio maior), uploads/Litterature/ achard-martin-compte-rendu-de-la-traduction-du-traite-54-de-plotin-par-agnes-pigler-pdf.pdf
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- Publié le Oct 28, 2021
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