1 Altan Gokalp (1942-2010) Né en 1942 à Izmir de parents instituteurs : mère al

1 Altan Gokalp (1942-2010) Né en 1942 à Izmir de parents instituteurs : mère albanaise, fille de réfugiés de Pristina durant la Guerre des Balkans en 1912, et père originaire du « Sanjak d’Alexandrette », disputé entre la Syrie et la Turquie, Altan Gokalp passa son enfance entre diverses villes d’Anatolie au gré des postes d’enseignants de ses parents. Il a fait ses études secondaires au collège francophone Saint Joseph d’Istanbul. Arrivé en France en 1961 il étudie d’abord le droit puis est admis à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris dont il sort diplômé en 1966. Naturalisé français la même année, il poursuit des études de sociologie et obtient son DEA en 1969 à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Après avoir exercé divers métiers pour financer ses études, il est admis comme chercheur au tout jeune Laboratoire d’Ethnologie et de sociologie comparative de l’Université Paris X créé en 1967 par Eric Dampierre. Sa thèse sur la religion hétérodoxe alevi et les pasteurs nomades anatoliens a été publiée sous le titre Têtes Rouges et Bouches Noires, une confrérie tribale de l’ouest anatolien (Paris, Société d’Ethnologie,CNRS,1980). Nommé Directeur de Recherche dans l’équipe « Etudes turques et ottomanes », CNRS/EHESS/Collège de France, Altan Gokalp se passionne pour ses étudiants séduits par son savoir et son enthousiasme en même temps qu’il s’investit dans un grand projet-pilote lancé par le Conseil de l’Europe sur l’enseignement aux enfants de l’immigration. Chargé de mission d’Inspection Générale au Ministère de l’Education nationale, il participe à l’organisation de l’enseignement de la langue turque dans le secondaire. Il est l’un des contributeurs du Rapport du groupe de réflexion animé par le professeur Jacques Berque au ministère de l’Education nationale, paru à la Documentation française en 1985 sous le titre L’immigration à l’Ecole de la République . De 1997 à 1998, il est détaché comme Fellow au Wissenschaftskolleg zu Berlin, détachement qui se poursuivra à Berlin jusqu’en 2002 au Centre Marc Bloch franco-allemand de recherches en sciences sociales (CNRS). Dans le cadre de l’Observatoire de l’Islam transplanté en Europe, Altan Gokalp étudie les débuts de l’immigration turque en France. Il a mené de nombreux travaux sur le fait migratoire dans ses aspects et implications anthropologiques (famille et parenté, transformations linguistiques et culturelles, comportements identitaires). Il a notamment publié plusieurs rapports et études sur « Le mariage des jeunes Français issus de l’immigration turque » ou encore sur « Conjoints et stratégies matrimoniales dans l’immigration». En 2007, il présentait une contribution remarquée au Colloque international organisé par Mohammed Hocine Benkheira et Pierre Bonte à l’EPHE, Section des Sciences Religieuses sur « Les Réformes du droit de la famille dans les sociétés musulmanes ». Sa recherche personnelle se déploie autour de quelques domaines privilégiés : ethno-linguistique des peuples turcophones, littérature turcophone traditionnelle et moderne, univers symbolique des religions pré-islamiques et de la pratique religieuse populaire des Turcs. Sa curiosité pour les langues et son travail de recherche l’ont familiarisé avec une dizaine de langues : français, turc, anglais mais aussi allemand, italien, espagnol, grec, arabe, persan… On peut y trouver l’inspiration de sa passion pour le passage d’une culture à l’autre et pour la traduction. Il a traduit en français certains ouvrages de Yashar Kemal notamment, Regarde donc l’Euphrate charrier le sang, Gallimard (2004) ou Le 2 Livre de Dédé Korkut : Récit de la Geste Oghuz (Gallimard,1998) qui a obtenu le prix littéraire de l’année décerné par l’UNESCO. Ce récit précédé d’une longue préface par Yashar Kemal avait été traduit avec Louis Bazin à partir de manuscrits originaux du Vatican et de Dresde. Lors des assemblées annuelles de l’Académie Universelle des Cultures, fondée en 1992 par Elie Wiesel sous les auspices de François Mitterand et de Jacques Lang, c’est aussi la voix d’Altan Gokalp qui au Louvre, à la Sorbonne ou à l’Unesco, incarnait la pensée de Yashar Kemal, membre fondateur de cette Académie. Pour ce qui est de la réflexion théorique, il animait depuis plusieurs années, en compagnie de Muhidine Timour un séminaire d’enseignement à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, intitulé «Traduire la Turquie : culture, littérature, vocabulaire politique ». Il a organisé autour de ce thème plusieurs colloques au Collège de France et tout récemment en octobre 2009, une manifestation internationale intitulée « Lettres d’Orient, Traduire l’Orient » à l’Abbaye de St-Florent-Le-Vieil. Cette manifestation était destinée à inaugurer un cycle régulier de confrontations d’idées et d’échanges avec des auteurs venus du Liban, d’Egypte, d’Irak, du Maroc, et des pays de l’aire turcophone. Ce projet s’inscrivait dans les activités de l’Institut d’études avancées de Nantes, dont il était membre correspondant. Dès l’origine, il avait soutenu avec enthousiasme la création de ce lieu de recherche hors normes, ouvert aux penseurs des cinq continents. Passionné par l’analyse anthropologique des idées politiques et religieuses d’aujourd’hui il a écrit en collaboration avec Pierre Bonte et Anne-Marie Brisbarre, Sacrifices en Islam, espaces et temps d’un rituel, (editeur1998 ). Il faut rappeler l’engagement d’Altan Gokalp pour les idées démocratiques et singulièrement pour les idées féministes. Il avait étudié très spécifiquement l’immigration féminine turque prise entre les laïcités turque et française et la montée de l’islamisme. En 2008, il publie Harems, entre mythe et réalité, dans lequel il décrit le harem comme le cœur des systèmes de reproduction dynastiques, grande obsession des monarchies du temps passé où de la naissance d’un héritier mâle dépend le destin du trône. Il venait d’ailleurs d’accepter de rédiger un « Que-sais-je ? » sur ce sujet à la demande des Presses universitaires de France, projet dont il était particulièrement heureux. Dans Harems il décrit une ruse de l’histoire : puisque les mères des sultans étaient choisies parmi « les plus belles esclaves d’origine étrangère », il s’ensuit que pratiquement tous les sultans étaient de sang mêlé. Altan Gokalp était un des experts de l’Institut Emilie du Châtelet pour la diffusion des études sur les femmes, le sexe et le genre créé en 2006 par le Conseil régional d’Île-de-France et à ce titre chargé d’examiner les dossiers de demandes d’allocations doctorales et post-doctorales. Il aimait faire communiquer les cultures. Lors du voyage d’Etat du Président François Mitterand en Turquie, lui avait servi d’interprète, visite sur laquelle il revient dans un essai intitulé le « Palimpseste ottoman » paru dans Tisser le lien social, ouvrage collectif publié par la MSH de Paris sous l’égide d’Alain Supiot: « Plus que le folklore protocolaire de ce genre d’expérience…alors qu’il est question de la destinée parfois douloureusement durable de milliers de gens, ce qui m’a le plus intrigué, mais pas vraiment surpris, eu égard à la réputation de l’homme, ce fut la fascination in situ et en homme de l’art du président pour « cet empire de signes que fut le système ottoman. » 3 Dans les derniers mois de sa vie, il a été particulièrement actif dans le cadre de la Saison de la Turquie en France. Ainsi notamment le 27 novembre 2009 il a, avec Jack Lang et Daniel Rondeau, participé à l’hommage rendu à Yachar Kemal à la Bibliothèque Nationale de France. En janvier 2010, il intervenait à l’Institut de la mémoire contemporaine, au cours d’une manifestation en l’honneur de Nâzim Hikmet qu’il cite par ailleurs en exergue d’un bel article sur « Les tabous de la démocratie en Turquie » (La Pensée de midi , 2006) : « Vivre comme un arbre seul et libre, Vivre en frères comme les arbres d’une forêt ». NOTE ETABLIE PAR FRANÇOISE BARRET-DUCROCQ (21 AVRIL 2010) uploads/Litterature/ ana-oise-barret-ducrocq-avril-2010.pdf

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