Pratiques : linguistique, littérature, didactique Analyser les problèmes de l’é
Pratiques : linguistique, littérature, didactique Analyser les problèmes de l’écriture de recherche en formation Yves Reuter Résumé L’écriture de recherche en formation, et les difficultés qui lui sont attachées, constitue un domaine d’investigation encore récent. Ce type d’écriture est d’abord défini à partir des notions de pratiques, de genres et de sphères socio- institutionnelles (recherche / formation). Puis, après avoir présenté deux modes d’approche des dysfonctionnements, fondés sur dimensions et lieux textuels, l’auteur en montre les limites dans la perspective d’interventions possibles, du point de vue de l’organisation des problèmes et de leurs causes potentielles. Il présente et met en débat dans cette optique trois cadres explicatifs envisageables : ceux de l’absence, des représentations et des dysfonctionnements. Citer ce document / Cite this document : Reuter Yves. Analyser les problèmes de l’écriture de recherche en formation. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°121-122, 2004. Normes et pratiques de l'écrit dans le supérieur. pp. 9-27; doi : https://doi.org/10.3406/prati.2004.2029 https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_2004_num_121_1_2029 Fichier pdf généré le 13/07/2018 Je souhaite développer ici un certain nombre d’éléments d’analyse concernant l’écriture de recherche en formation. A cette fin, je présenterai plus précisément cette notion dans la première partie de cet article avant de m’attacher, dans les parties suivantes, à un bref relevé de quelques dysfonctionnements récurrents dans les écrits considérés (1), puis à l’exposition de modes d’explication possi- bles de ces phénomènes et à leur mise en débat. Je dois encore préciser que cet article s’inscrit dans la continuité de mes tra- vaux antérieurs portant aussi bien sur la didactique de l’écriture (Reuter 1996 ; Delcambre et Reuter 2002b) que sur l’évaluation des écrits (Reuter 1994b et 1998b) ou encore sur l’écriture de recherche en formation (Reuter 1998a et 2001b, Delcambre et Reuter 2002a ; Ruellan et alii 2000) dans le cadre des re- cherches menées au sein de THEODILE et en collaboration avec le laboratoire LIDI- LEM de Grenoble (2). Il constitue une synthèse critique de mes deux dernières communications sur ce sujet. La première portait sur la question des annexes dans les mémoires (3) (séminaire THEODILE-LIDILEM des 12-13 septembre 2002 : « Gérer l’hétérogène dans la lecture et l’écriture »). La seconde – effectuée lors de la journée du 6 décembre 2002, organisée par CONSCILA sur le thème : « Ecrire à l’université : question aux normes discursives » – m’avait permis de revenir sur l’importance de la notion de tensions dans l’écriture de recherche en formation. Avant d’entrer véritablement dans le traitement des problèmes qui m’intéres- sent ici, j’aimerais soulever, pour mémoire, deux questions qui, selon moi, méri- tent des discussions approfondies. En premier lieu, si c’est en didacticien du fran- çais que j’ai abordé ces problèmes et cela d’autant plus « naturellement » que, 9 PRATIQUES N° 121/122, Juin 2004 ANALYSER LES PROBLÈMES DE L’ÉCRITURE DE RECHERCHE EN FORMATION Yves REUTER Université Charles de Gaulle – LILLE III Equipe THEODILE – E.A.1764 (1) Des maîtrises et DEA (essentiellement de didactique du français), des thèses (en information et communication, littérature, sciences du langage et sciences de l’éducation, pour partie seule- ment en didactique). (2) Voir notamment Boch et Grossmann, éds., 2001 ; Brassart, éd., 2000 ; Dabène et Reuter, éds., 1998 ; Delcambre et Jovenet, éds., 2002 ; Delcambre et Reuter, éds., 2001 et 2002. Ces travaux ne sont bien sûr pas sans relation avec les travaux sur l’écrit dans l’enseignement supérieur, en- tre autres : Fintz, éd., 1998 ; Guigue-Durning 1995 ; Pollet et Boch, éds., 2002a et 2002b... (3) Ce qui explique leur part importante dans les exemples que je prendrai ici. pour une bonne part, le corpus pris en compte comporte des mémoires (maîtrise, DEA, thèses...) de didactique du français, cela n’est pas sans interroger les fron- tières de la discipline aussi bien par le statut des apprenants (qui n’est plus celui traditionnellement central en didactique : du primaire au lycée) que par la relation à la discipline puisqu’il s’agit en l’occurrence de didactique du français (ou d’au- tres disciplines non scolaires), ou encore par la relation à l’enseignement-appren- tissage (qui se déplace ici vers la formation à la recherche et la recherche elle- même). Il me semble que l’on n’a pas encore pris la mesure de ce genre de dépla- cements qui interrogent l’identité de notre discipline de recherche. En second lieu, et si l’on veut bien se rappeler que je fais partie de ceux qui considèrent que l’horizon praxéologique est constitutif de la didactique du français (voir Brassart et Reuter 1992 ou Reuter 1994a), on ne peut que s’inquiéter des difficultés liées à la construction et surtout à l’évaluation des pistes de remédiation envisageables tant le public concerné est numériquement restreint, tant aussi les formes évalua- tives en vigueur obligent à ne faire courir aucun risque aux étudiants concernés. 1. L’ÉCRITURE DE RECHERCHE EN FORMATION Je désigne sous l’expression « écriture de recherche en formation » l’ensemble des pratiques d’écriture articulées autour de la production degenres d’écrits, tels maîtrises, DEA ou thèses, qui se situent à l’intersection entre deux sphères socio- institutionnelles d’activités : celle de la formation où l’enjeu principal est de mani- fester que l’on a acquis les savoirs et savoir-faire posés comme des objectifs pour obtenir tel diplôme ou tel grade dans des formes et des normes reconnues par la communauté universitaire régissant la discipline concernée et celle de la recher- che où l’enjeu principal consiste plutôt à produire des connaissances dans des formes et des normes reconnues par la communauté scientifique régissant le do- maine concerné. Cette définition – soumise à la discussion – mérite des précisions sur quelques points importants. La notion de pratiques, telle que je l’emploie (4), a notamment pour fonction de ne pas cliver une activité déterminée du contexte où elle s’exerce, impliquant généralement des relations entre des activités antérieures, simultanées ou conjointes : ainsi les pratiques d’écriture étudiées ici ne se com- prennent qu’en liaison avec d’autres activités telles la lecture, le recueil ou le trai- tement de données... Les pratiques d’écriture de recherche en formation, en tant qu’elles sont spéci- fiques, impliquent encore des continuités mais aussi des ruptures avec les prati- ques langagières d’autres sphères socio-institutionnelles : formes argumentati- ves et d’étayage, objectivation et mise en scène des possibilités de contrôle des éléments avancés... Et parmi ces spécificités, on peut sans doute relever l’accen- tuation de la dimension potentiellement heuristique – cognitive de l’écriture (Goo- dy 1977, Olson 1994) dans la mesure où : – l’écriture participe de l’activité même de recherche ; – l’écriture est incontournable pour objectiver la production des savoirs ; – l’écriture est indispensable pour organiser la recevabilité institutionnelle de la recherche. Envisagée sous un autre angle encore, l’écriture de recherche en formation se caractérise par une tension interne, structurée par sa position intermédiaire entre champ de la recherche (nécessitant une position de chercheur) et champ de la for- mation (impliquant une position de formé, en l’occurrence d’apprenti-chercheur). 10 (4) Voir Reuter 1996, 1997, 2000... Chaque genre manifeste cependant des modalités différentes de cette tension en fonction de son ancrage plus ou moins important dans l’un ou l’autre champ. On pourrait peut-être établir, de ce point de vue, un continuum entre genre manifes- tant plutôt une écriture de formation à la recherche (maîtrise), genre de passage entre la formation et la recherche (DEA), et genre d’entrée dans la recherche (thèse), cela étant sans doute à modaliser en fonction des disciplines, des lieux institutionnels, de la « qualité » du travail et du projet professionnel au sein duquel le mémoire s’inscrit... 2. DES MODES DE REPÉRAGE DES DYSFONCTIONNEMENTS À LA POSITION DU PROBLÈME 2.1. Un lieu possible de repérage : les annexes Il existe toujours de multiples façons de constituer des dysfonctionnements. L’une d’entre elles consiste à se centrer sur des lieux textuels. C’est ce que j’avais tenté de faire avec les annexes qui m’intéressent pour quatre raisons principales : – elles constituent, au moins dans un certain nombre de disciplines, une con- trainte quasi-structurelle et une proportion non négligeable des mémoires ; – elles interrogent l’unité du mémoire aussi bien par la différenciation qu’elles instaurent avec le texte « principal » que par leur diversité virtuelle ; – elles constituent un lieu d’inquiétude pour les étudiants comme en témoi- gnent les questions récurrentes sur leur nécessité (en mettre ou pas ?) et sur leur nature (quoi mettre ?) ; – elles ne paraissent pas faire l’objet d’une réflexion développée, aussi bien dans les documents-conseils distribués aux étudiants que j’ai pu consulter que dans les guides (voir ci-après). De fait, en analysant un corpus de mémoires (5), j’ai pu relever un certain nom- bre de problèmes que j’ai regroupés autour de sept axes. – L’axe quantitatif : Les annexes varient entre quelques pages et un volume plus important que le texte « principal » sans que cela soit toujours fonctionnel. El- les oscillent ainsi entre manque et superflu. – L’axe spatial : Elles peuvent être situées à trois places différentes : dans un volume spécifique (c’est le cas le plus fréquent) ; après le texte uploads/Litterature/ analyser-les-problemes-de-l-x27-ecriture-de-recherche-en-formation-copie.pdf
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- Publié le Dec 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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