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NUNC COGNOSCO EX PARTE TRENT U N IVERSITY LIBRARY Digitized by the Internet Archive in 2019 with funding from Kahle/Austin Foundation https://archive.org/details/auxoriginesducom0001krie I I I I I I AUX ORIGINES DU COMMUNISME FRANÇAIS ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES - SORBONNE SIXIÈME SECTION : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES SOCIÉTÉ, MOUVEMENTS SOCIAUX ET IDÉOLOGIES P R E M I È R E S É R I E ÉTUDES VI P A R I S MOUTON & CO LA HAYE MCMLXIV ANNIE KRIEGEL AUX ORIGINES DU COMMUNISME FRANÇAIS 1 914- 1920 Contribution à Vhistoire du mouvement ouvrier français T o m e I P A R I S MOUTON & CO M C M LXIV ‘ LA HAYE V , \ VAX • Tvn © 1964, Mouton & Co, and École Pratique des Hautes Études. Printed in France. A U X M I E N S . Tu as trouvé le bonheur. Il faut encore chercher la vérité. 115822 INTRODUCTION Voici un travail dont l’ambition primitive était d’embrasser dans son unité et sa diversité un phénomène très défini dans ses limites chrono logiques — 1914-1920 — ; universel par sa genèse et sa nature — la guerre et la révolution russe ayant constitué le double et successif épicentre d’un séisme qu’on étudie ici dans le cadre de la France mais qui appelle évi demment une enquête plus large et comparative — ; paroxystique dans ses manifestations — puisqu’il s’agit d’une crise qui, secouant le mouve ment ouvrier français, met en cause ses options de toute nature et son insertion dans les structures françaises — ; à la portée lointaine enfin — puisque la crise se dénoue avec l’apparition en France du fait communiste qui va, pour une part, commander l’évolution politique (intérieure et extérieure), institutionnelle, idéologique et sociale des Républiques fran çaises ultérieures. Il s’agissait donc d’analyser un phénomène global qui se rattache prioritairement à ce qu’il est convenu d’appeler l’histoire sociale ouvrière contemporaine, mais dont la genèse, la nature, les manifestations et la portée font qu’il concerne bien d’autres secteurs de la science historique : l’histoire militaire (la guerre ravageuse, mais aussi la guerre génératrice de progrès techniques et de mutations sociales n’est-elle pas ici omnipré sente ?) ; l’histoire des relations internationales (auxquelles participent tant les réactions initiales, l’évolution, la différenciation de l’opinion publi que française devant les affaires russes que la reprise, l’incertitude chao tique, la médiocrité, tissée de malentendus, des relations du Gouvernement bolchevik avec l’aile extrémiste du mouvement ouvrier occidental dans la perspective d’une révolution mondiale à court terme) ; l’histoire écono mique (dans ce cadre : l’étude des bouleversements apportés par la guerre non seulement dans la nature et le rythme de la production industrielle française, mais dans ses structures mêmes, notamment par l’instauration d’un secteur d’État, d’un secteur semi-public et par la mise en place des premiers mécanismes de contrôle de l’État). Au terme, ce phénomène, bien que d’histoire sociale, relève finalement de l’histoire tout court, témoignant par là que, pour l’histoire contemporaine du moins, le rappro chement, pour ne pas dire l’identification de l’histoire à l’histoire sociale, 12 INTRODUCTION ou sociologique, ou tout bonnement à la sociologie historique est une question de fond et non de méthode : c’est la matière même de l’historien qui est « sociale ». Or n’est-il pas paradoxal que ce projet ainsi défini — l’étude d’un phénomène global à dominante sociale — se soit pratiquement matéria lisé dans un travail où l’analyse politique et idéologique l’emporte large ment sur l’économique et le social ? Il faut ici le préciser : que nous ayons tenté d’écrire l’histoire politique de la classe ouvrière organisée entre 1914 et 1920 est peut-être une erreur qui serait capitale, mais cette solution ne fut pas, en tout cas, par mégarde adoptée. Non qu’il soit question de refuser aux facteurs économiques un rôle dans l’évolution de la crise ouvrière, et nous avons dû nous-mêmes, à plusieurs reprises, les analyser, les situer et les peser1 . Mais notre thèse est la suivante : le mouvement ouvrier français, tel qu’un siècle d’histoire l’avait forgé, s’est trouvé en 1914 brutalement secoué par le désaveu que lui inflige la guerre déclenchée, c’est-à-dire un phéno mène politique de grande ampleur à résonance idéologique. La crise s’approfondit ensuite en fonction d’une seconde épreuve, elle aussi poli tique, — la Révolution bolchevique — , et se dénoue avec la naissance d’un parti qui est d’abord un parti politique, même si par certains côtés c’est aussi une société globale fermée sur elle-même et lovée dans la société française. Au demeurant, dans toutes les circonstances majeures — en juillet- août 1914, au printemps 1917, en 1919-1920 — , l’unité politique du mou vement ouvrier français s’est brisée selon des lignes de fracture qui ne s’expliquent ni par des facteurs économiques — l’argument selon lequel, par exemple, « l’aristocratie ouvrière » serait pourvoyeuse d’opportunisme n’a que valeur polémique — ni par des facteurs sociaux — la différen ciation qui s’opère en 1920 entre militants gagnés à la IIIe Internationale et militants fidèles à l’ancien socialisme français ne procède pas dans une mesure significative de l’appartenance des uns au prolétariat urbain, des autres à la petite bourgeoisie. C’est à tout coup une certaine conception de la révolution qui se trouve bousculée — de son enclenchement, de son cours, de son rythme, du type de société qui doit en surgir. En 1914 : et la conception syndi caliste d’une révolution totale engendrant une société dont la cellule de base est constituée par le syndicat, organe de rassemblement des produc teurs, et la conception socialiste d’une révolution à l’issue de laquelle le pouvoir prolétarien reste un pouvoir politique, parlementaire et démocra tique, se trouvent malmenées du fait que l’une et l’autre (reconnaissant par ailleurs, bien qu’à des degrés divers, le rôle de la violence dans l’his toire) s’étaient imaginé pouvoir empêcher, par des moyens différents, que passe la violence bourgeoise suprême, c’est-à-dire la guerre. Non seulement la guerre passe, mais la quasi-totalité des chefs ouvriers et 1. En attendant les résultats de l’enquête entreprise par M. Charpentier sur les trans* formations économiques et soeiales que la guerre fait subir à la soeiété française dont on peut dire qu’elle entre alors dans le x x ' siècle. INTRODUCTION 13 socialistes croient devoir se convaincre que ce n’est pas exactement la pure violence bourgeoise qu’ils avaient dénoncée. En 1917 encore, tout en inclinant à espérer du socialisme international une médiation restau ratrice de la paix mondiale, ils se refusent à franchir les limites au-delà desquelles la lutte pour le rétablissement de la paix risquerait de compro mettre les chances de la nation en guerre. En 1919-1920 enfin, ayant vaille que vaille réduit les tensions internes qui les avaient déchirés pendant la guerre, socialisme et syndicalisme français considèrent le moment pro pice pour vérifier la qualité des formules révolutionnaires qu’ils avaient jadis mises au point. Leur double et irrémédiable échec — de novembre 1919 pour le socialisme, du printemps 1920 pour le syndicalisme — entraîne, dans la fraction du mouvement ouvrier qui ne veut pas renoncer au mythe révolutionnaire, une révision des objectifs et des méthodes : c’est tout naturellement le modèle bolchevik au pouvoir en Russie qu’il s’impose d’adopter pour remplacer les vieux schémas impuissants ; une douloureuse opération de greffage commence. C’est donc une crise doctrinale provoquée par des épreuves politiques brutales, courtes mais décisives, sur un fond de bouleversements écono miques et sociaux de grande ampleur, qui engendra en France et depuis 1920 la nouvelle disposition des forces ouvrières organisées. D’où la pro portion que nous avons cru devoir donner aux différents secteurs de recherche dans lesquels nous nous sommes engagés : une attention minu tieuse aux faits d’ordre politique et idéologique (bien entendu, les grèves du printemps 1920 qui, dans une certaine mesure et comme toute grève, relèvent de l’économique-social, sont néanmoins, dans la conjoncture où elles interviennent, au premier chef un fait d’ordre politique), une atten tion plus diffuse aux faits d’ordre économique et social. Il n’y a donc pas là une option initiale de caractère méthodologique, mais une détermina tion seconde fondée sur une idée d’ensemble de la crise ouvrière et socia liste d’après-guerre. * * * De cette détermination devait nécessairement découler une méthode : privilégier le politique, c’est privilégier l’événement. L’événement dont il ne suffisait pas de remettre en cause les diverses interprétations géné ralement adoptées (et généralement en fonction d’un critère actuel : l’affiliation, vague ou précise, à une obédience politique) mais dont il fallait retrouver la texture. Dès lors comment ne pas adopter l’humble voie d’une histoire au petit point tissant une matière neuve — la geste des masses populaires urbaines dans la société industrielle en développement ? Nul assurément n’oserait prétendre, dans une génération tout entière marquée par les novations introduites par ses aînés dans la science histo rique, dans une génération attentive aux contrecoups de la mise en place d’un secteur global de recherches enveloppant toutes les sciences humaines, que l’entreprise doive s’arrêter à ce point. Mais aussi comment négliger la uploads/Litterature/ annie-kriegel-aux-origines-du-communisme-francais-1914-1920-contribution-a-lhistoire-du-mouvement-ouvrier-francais-tome-i-pdf.pdf
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- Publié le Jan 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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