COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de /'ASSOCIAT/ON

COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de /'ASSOCIAT/ON GU/ELA.UME BUDÉ ARISTOTE [CATÉGORIES] TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT PAR Richard BODÉÜS Professeur à l'Université de Montréal Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre PARIS LES BELLES LETTRES 2001 Conformément aux statuts de /'Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique, qui a chargé M. Alain-Philippe Se gonds d'en faire la révision et d'en surveiller la cor- rection en collaboration avec M. Richard Bodéüs. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays © 2001. Société d'édition Les Belles Lettres, 95 bd Raspail 75006 Paris www lesbelles/ettres.com ISBN: 2-251-00497-1 ISSN: 0184-7155 AVANT-PROPOS Il y a près de quinze siècles, à demi accablé, à demi ébloui, Simplicius observait : « Beaucoup de philo- sophes ont mis par écrit beaucoup de réflexions au sujet du livre des Catégories d'Aristote » 1• Que dire aujourd'hui ? L'importance d'un texte qui a suscité tant de commen- taires à la fois justifie l'éditeur qui souhaite l'inscrire dans l'une de ses collections et décourage celui auquel il confie la préparation du travail. Encore s'il s'agissait d'une œuvre isolée, au propos évident, parfaitement datable, sûrement attribuable et transmise par quelque voie simple depuis longtemps explorée. Mais, ici, aucune de ces conditions favorables ne se trouve remplie et même l'intitulé traditionnel de l'ouvrage est franchement suspect ! L'introduction qui suit s'efforce de faire som- mairement et provisoirement le point sur tous les pro- blèmes que je viens d'évoquer, sans dissimuler les zones d'ombre où nos connaissances n'ont pas - ou ont diffi- cilement - accès. Il importe toutefois de relever au préalable qu'en rai- son même des problèmes qu'elle soulève et qui concer- nent non seulement l'interprétation d'Aristote, mais l'his- toire de l'aristotélisme et de sa transmission, l'étude du texte des Catégories que nous publions répond à plu- sieurs préoccupations différentes. 1. ln Categorias, p. 1, 3-4 (Trad. Ph. Hoffmann). VIII AVANT-PROPOS On tiendra pour évidente et conforme aux habitudes de la collection celle de procurer aux aristotélisants un texte grec convenable, assorti d'une traduction française, pré- cédé d'une entrée en matière et, bien entendu, accompa- gné de notes explicatives, sans lesquelles, aujourd'hui, la pensée d'Aristote est devenue pratiquement inaccessible. Je préciserai seulement, touchant ces notes explicatives, naturellement moins développées qu'un commentaire en bonne et due forme, qu'elles procèdent d'un choix déli- béré, presque inévitable, et sacrifient les renvois à la lit- térature savante qu'on trouvera dans une bibliographie thématique, au profit de références aux autres œuvres pertinentes du Corpus Aristotelicum. Je me suis interdit, avec cela, de gloser sur les gloses. À la préoccupation évidente qu'on vient de dire s'en ajoutent d'autres. Le traité des Catégories ayant été sou- vent commenté dès l' Antiquité, spécialement dans l'école néoplatonicienne, les commentaires conservés de cette époque sont utiles à l'intelligence et à l'établissement du texte qu'ils prennent pour objet. Mais la réciproque est vraie dans une certaine mesure et l'on ne peut pas, consi- dérant cette littérature, ne pas songer à ceux qui l' explo- rent pour elle-même. Ils sont d'ailleurs en droit d'attendre de ma part certaines indications touchant la manière dont les Anciens connaissaient, citaient et utili- saient le texte liminaire de l'Organon. C'est pour ce motif que j'ai cru bon, par exemple, de joindre à mon tra- vail un relevé exact des portions de texte produites par chacun des principaux commentateurs. Mais on trouvera naturellement aussi, dans l'apparat critique, des informa- tions complémentaires et, dans l'introduction, des consi- dérations en tout genre les concernant. J'ai beaucoup reçu des études aujourd'hui en pleine expansion sur les com- mentaires d'Aristote. Je serais donc heureux de pouvoir en retour acquitter ainsi partiellement ma dette. Une préoccupation analogue m'a conduit dans l'ex- posé de ma recherche portant sur la tradition manuscrite. AVANT-PROPOS IX Bien qu'il soit un cas privilégié vu le grand nombre de ses témoins, le texte des Catégories nous est transmis par les mêmes principaux manuscrits qui conservent aussi l'Organon dans sa totalité. Je me suis donc efforcé de prendre en compte l'intérêt potentiel d'une recherche sur une partie de l'Organon pour les recherches consacrées au tout et aux autres parties. Ceux qui voudraient procu- rer de nouvelles éditions de ces textes ne sont pas les seuls à pouvoir légitimement réclamer mon attention. Il y a aussi les chercheurs - et ils sont nombreux - qui tra- vaillent sur les versions latines des Catégories et sur les versions orientales, en langues arménienne, syriaque et arabe. J'ai personnellement étudié celles de ces versions qui offrent un intérêt pour l'établissement du texte grec, en plus de l'abondante tradition directe, dont j'ai tâché de repérer les branches principales. Mais, réciproquement, le repérage dont je parle n'est pas inutile à l'approfondisse- ment des connaissances portant sur les versions étran- gères. Les filiations identifiables entre témoins directs permettent au contraire de mieux identifier les sources possibles des témoins indirects et donc celles des diffé- rentes versions médiévales, en Occident ou en Orient. En résultent certaines particularités dans l'élaboration et la présentation du matériel critique que j'offre au lec- teur. Plus systématiquement que mon prédécesseur, Minio-Paluello, à qui la préoccupation d'éclairer la trans- mission du texte était en grande partie étrangère, j'ai col- lationné tous les plus anciens manuscrits grecs des Caté- gories (jusqu'au seuil du XIV" siècle). Grâce à quoi, de manière inattendue, j'ai acquis la conviction que le texte de l'édition procurée par Minio-Palluello devait être révisé en plusieurs endroits. J'ai donc cru nécessaire d'expliquer, dans un appendice exprès, pourquoi chacune de ces révisions me semblait convenable. Mais, en raison des préoccupations exposées plus haut, j'ai aussi tenu à présenter dans un apparat critique complet toutes les variantes qui signalent les différentes branches de la X AVANT-PROPOS transmission du texte grec, afin de satisfaire au souhait d'en disposer pour l'étude, soit du reste de l'Organon, soit des versions médiévales en langues étrangères, spé- cialement orientales. Je serais payé de ma peine si, parmi ceux qui se vouent à pareilles études et comptent pour certains au nombre de mes amis, il s'en trouvait dont le travail en puisse être facilité. Mon éditeur a généreusement accepté d'imprimer cet apparat critique complet en fin de volume, donc, en plus de l'apparat, sérieusement abrégé, qui figure sous le texte grec. Pour ce supplément, pour tous les « ajouts » inha- bituels qu'il m'a permis malgré les canons régissant la collection, pour la patiente relecture qu'il a faite de l'ensemble de mon travail et pour bien d'autres choses encore, qu'il soit chaleureusement remercié. R. B. INTRODUCTION* 1 De la place traditionnellement assignée aux Catégories dans le Corpus Aristotelicum Le texte du Corpus Aristotelicum transmis sous le titre Catégories (C) est à bien des égards énigmatique. Mais une tradition qui remonte à la fin de l 'Antiquité et qui fait écran, donne l'illusion du contraire, par la place qu'elle assigne à ce petit traité dans l 'œuvre d'Aristote et, en définitive, par le rôle qu'elle prétend lui conférer dans l'initiation à la philosophie. On peut en juger par le témoignage des philosophes néoplatoniciens qui com- mentaient les C au seuil de leur enseignement1 et dont l'étude est aujourd'hui très avancée2• * Les recherches préparatoires à ce livre ont été subventionnées par le Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada. - Les abréviations les plus usuelles utilisées dans les notes sont celles de !'Année philologique ; les autres sont expliquées infra, p. CLXXXIX. 1. Ces témoignages, bien connus, sont fournis principalement par Simplicius, ln Cat., p. 1-20, en voie de traduction : Simplicius. Corn· mentaire sur les Catégories, Traduction commentée sous la direction de Ilsetraut Hadol, Fascicule 1 Introduction, première partie (p. 1-9, 3 Kalbfleisch), Leyde-New York, 1990; Philopon, ln Cat., p. 1-13 ; Ammonios, ln Car, p. 1·15; David, ln Cat, p. 107-133 et Olympio· dore, ln Cat., p. 1-25. 2. Pour ce qui suit immédiatement, on se reportera en particulier à 1. HADOT, « Les Introductions aux Commentaires exégétiques chez les auteurs néoplatoniciens et les auteurs chrétiens » dans Les Règles de l'interprétation, éd. par M. Tardieu, Paris, 1987, p. 99-122 et « La XII INTRODUCTION D'après ceux-ci, on le sait, C serait le traité liminaire par lequel doit être inaugurée l'étude de la philosophie aristotélicienne et il formerait, avec le De l'interpréta- tion et les Premiers Analytiques, une sorte de triptyque développant, dans l'ordre, une logique des termes, une logique des propositions et une logique des raisonne- ments. Ces opinions s'intégraient dans une vision plus large, celle qu'atteste le programme des études philoso- phiques mis au point par les mêmes néoplatoniciens et suivi ne varietur depuis Proclus (V" siècle), qui en avait définitivement établi les étapes. Le programme en ques- tion comprenait au départ une Introduction générale à la philosophie (précédant le Commentaire de l'/sagogè de Porphyre) puis, successivement, l'étude commentée des principales œuvres d'Aristote et de Platon. L'introduc- tion générale exposait notamment que le but de la philo- sophie (en dernière analyse, le bonheur) ne pouvait être atteint que moyennant ce uploads/Litterature/ aristote-categories.pdf

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