ARISTOTE RHÉTORIQUE Traduit avec le concours du Centre national du Livre GF Fla
ARISTOTE RHÉTORIQUE Traduit avec le concours du Centre national du Livre GF Flammarion Aristote Pierre CHIRON Rhétorique ISBN numérique : 978-2-0812-3445-1 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 978-2-0807-1135-9 Ouvrage composé et converti par Nord Compo Présentation de l’éditeur : La Rhétorique est un texte fondateur à bien des égards. Outre l’intérêt capital qu’elle présente pour les spécialistes de la civilisation grecque antique, elle constitue une mine d’informations et de questionnements pour les théoriciens du langage, pour les historiens ou les praticiens de ce qu’on nomme aujourd’hui « communication ». Mais son intérêt est surtout philosophique. Reconnaître l’importance de la persuasion dans les rapports sociaux et politiques, comme alternative à la violence et pour satisfaire ce que l’homme a d’humain ; reconnaître dans la persuasion la présence incontournable de l’opinion (doxa), analyser ses mécanismes, y introduire de la rationalité sans ignorer ni ses pouvoirs ni ses prestiges, telle est l’entreprise de savoir, de lucidité et de progrès à laquelle nous convie Aristote. Qui nierait sa brûlante actualité ? Du même auteur dans la même collection DE L’ÂME (nouvelle traduction de Richard Bodéüs). CATÉGORIES – SUR L’INTERPRÉTATION (nouvelles traductions de Michel Crubellier, Catherine Dalimier et Pierre Pellegrin). ÉTHIQUE À NICOMAQUE (nouvelle traduction de Richard Bodéüs). PARTIES DES ANIMAUX, livre I (nouvelle traduction de J.-M. Le Blond). PETITS TRAITÉS D’HISTOIRE NATURELLE (nouvelle traduction de Pierre-Marie Morel). PHYSIQUE (nouvelle traduction de Pierre Pellegrin). LES POLITIQUES (nouvelle traduction de Pierre Pellegrin). RHÉTORIQUE (nouvelle traduction de Pierre Chiron). SECONDS ANALYTIQUES (nouvelle traduction de Pierre Pellegrin). TRAITÉ DU CIEL (nouvelle traduction de Catherine Dalimier et Pierre Pellegrin). INTRODUCTION Rhétorique est le titre en usage du présent traité, mais une traduction par Art ou Technique oratoire rendrait sans doute mieux compte du grec rhètorikè (tekhnè) : son objet est l’apprentissage raisonné1 de la persuasion collective, ou plutôt – car nul n’est assuré du résultat –, l’apprentissage de la « capacité de discerner dans chaque cas ce qui est potentiellement persuasif » (1, 2, 1355 b 26-27)2. Sa macro-structure – si l’on se fie au texte parvenu jusqu’à nous – se laisse aisément déceler : sur trois livres, deux sont consacrés à la recherche des arguments, tandis que le troisième se décompose en deux sous-parties, l’une consacrée au style (3, 1-12), l’autre au plan (3, 13-19). Ces proportions et cet ordre ont le caractère d’un manifeste. Par opposition aux auteurs de manuels qui l’ont précédé, Aristote se consacre d’abord et surtout au « corps de la persuasion », soit l’argument ; de plus, au lieu d’accrocher les préceptes aux parties successives du produit fini (exorde, narration, confirmation, etc.) comme on le faisait généralement avant lui, il semble organiser sa réflexion à partir des étapes d’une méthode, d’où une somme utile tant aux praticiens de l’éloquence qu’à des lecteurs aux préoccupations plus spéculatives, plus « philosophiques », soucieux non de pratique mais plutôt de savoir ce qu’est la persuasion et comment on peut la faire accéder au rang de technique véritable. Novatrice en son temps par sa conception même, la Rhétorique est intemporelle par la richesse du panorama qu’elle offre sur la question soulevée. Peu d’œuvres à caractère technique contiennent autant d’acquis définitifs sinon indépassables pour la discipline concernée : « une définition de la rhétorique et de sa place dans le champ du savoir ; la constitution de l’art en système, avec des classifications et une terminologie ; l’identification de trois genres auxquels doivent se ramener tous les discours rhétoriques possibles ; l’identification de deux formes principales de persuasion, la persuasion logique, par la démonstration, et la persuasion morale, par le caractère (èthos) et la passion (pathos), la psychologie entrant ainsi dans l’arsenal des preuves ; la mise en système des “lieux” (topoi) ; la distinction entre preuves techniques (élaborées par le discours) et non techniques (fournies de l’extérieur, comme par exemple les témoignages) ; la distinction entre raisonnement déductif (enthymème) et inductif (exemple), ainsi que la notion d’amplification ; la liste des qualités du style ; l’analyse de la phrase (période), de la métaphore, des rythmes de la prose. Aristote a dégagé cette idée fondamentale que, pour persuader, il faut exploiter des ressorts déjà présents chez l’auditeur. Le bon orateur connaît les compétences cognitives et les connexions pertinentes de ceux qui l’écoutent. Il s’appuie sur les idées préexistantes, sur les valeurs reconnues, et c’est ainsi qu’il peut réaliser le mystère de la persuasion [...] : amener autrui à penser ce qu’il ne pensait pas auparavant. L’innovation est introduite dans l’esprit de l’auditeur à partir de prémisses3 connues et repérées. La Rhétorique, dans toutes ses parties, se ramène au fond à l’immense inventaire de ces prémisses et des moyens de persuader en s’appuyant sur elles4 ». Elle rejoint ainsi, par un curieux détour, les préoccupations les plus actuelles en matière de théorie du langage. Nul n’ignore que la linguistique a tendu à accorder, ces dernières décennies, une place de choix à la pragmatique, et que l’on appréhende la communication, aujourd’hui, davantage comme un acte de langage, impliquant mille paramètres, langagiers ou non, que comme l’actualisation d’une structure abstraite. Or cette approche rejoint celle d’Aristote qui – sans doute après avoir hésité, comme on le verra – inclut dans l’étude « scientifique » de la persuasion les « à-côtés » de la démonstration que sont les a priori politiques du public, sa psychologie, la stylistique, etc. La Rhétorique est donc un livre essentiel, susceptible d’apporter beaucoup à de nombreux lecteurs, mais c’est aussi un livre « foisonnant et surprenant5 », parfois difficile. Il existe un écart net entre le chapitre 1 du livre premier, où l’art rhétorique est restreint à la démonstration du fait, et le chapitre suivant où, après une nouvelle définition, la rhétorique s’ouvre à la persuasion par le caractère (l’« image ») de l’orateur et l’émotion du public, moyens précédemment récusés comme extérieurs à la cause. La persuasion par le caractère est elle-même multiforme et n’est pas restreinte, dans la suite du traité, à l’« image » de l’orateur, car elle inclut bientôt les tendances « psychologiques » du public dont il faut savoir tenir compte. Autre exemple : le traitement de la persuasion logique, commencé au livre 1, est interrompu par deux séries de chapitres, l’un (2, 1-11) sur la persuasion par le caractère (èthos) de l’orateur et par l’émotion, ou passion (pathos), du public, l’autre (2, 12-17) sur les caractères liés à l’âge et aux conditions de fortune, avant de reprendre et d’occuper ensuite deux longs chapitres (2, 23-24). Si 1, 2 et 2, 23-24 se fondent sur une analyse de l’argument voisine de celle des Topiques, il n’en va pas de même pour la fin du livre 1, où prévaut l’opposition entre prémisses communes et prémisses spécifiques à chaque genre oratoire. La Rhétorique ne forme donc pas un corps de doctrine unifié, mais une réflexion en marche, ou une collection des différents états d’une réflexion, ce qui requiert la même souplesse de la part du lecteur, s’il veut tirer profit des problèmes posés, voire des difficultés elles-mêmes. La synopsis que nous proposons infra (p. 83) vise à fournir une première aide en ce sens en permettant une approche synthétique. Une lecture fructueuse requiert trois autres conditions, différentes selon le lecteur – pour simplifier et sans que ces termes soient exclusifs l’un de l’autre : le curieux, le « littéraire » et le philosophe. Le curieux non prévenu qui aborde avec la Rhétorique son premier texte antique sur les questions de communication peut se sentir désarmé s’il ignore l’ancrage de la Rhétorique dans un contexte historique et politique particulier et au sein d’une tradition technique vieille alors de plus d’un siècle. Ce même curieux, qui lit avec la Rhétorique son premier texte aristotélicien, doit savoir qu’il a affaire à un ouvrage sans rapport avec, par exemple, les dialogues de Platon, ou un livre produit et publié selon les normes modernes. Il risque d’être déconcerté par un texte qui n’est ni toujours clair, ni d’une qualité constante, ni d’une cohérence évidente dans le détail. Aussi faut-il éclairer dans la mesure du possible les conditions si particulières de production et de transmission du texte aristotélicien. Le « littéraire », intéressé par une théorie de la communication au rôle historique considérable et en même temps si actuelle, s’expose au risque d’ignorer que l’ouvrage est une pièce dans un ensemble philosophique sinon systématique du moins en voie de systématisation, et ce au moyen de concepts et de méthodes d’une grande fermeté et d’une grande constance. Au-delà des problèmes posés par les conditions de composition et de transmission du texte, le sens de la Rhétorique n’est accessible que si l’on dispose d’une connaissance de la Poétique, bien sûr, mais aussi de l’œuvre logique et dialectique (les Analytiques, les Topiques et les Réfutations sophistiques, surtout), de l’œuvre politique (les Politiques) et de l’œuvre éthique du Stagirite (l’Éthique à Nicomaque, surtout), et l’on ne saurait se passer non plus de quelques lumières sur la métaphysique, ou la biologie aristotéliciennes. Quant aux philosophes, qui ont longtemps boudé le uploads/Litterature/ aristote-rhetorique-flammarion-2012 1 .pdf
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- Publié le Mar 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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