Baudoin, M. (2004). Un atelier d’écriture en classe : place et rôle. Skholê, ho

Baudoin, M. (2004). Un atelier d’écriture en classe : place et rôle. Skholê, hors-série 1, 165-171. 165 Un atelier d’écriture en classe : place et rôle Mireille Baudoin • Laboratoire Parole et Langage – UMR 6057 (Université de Provence) m.baudoin@lpl.univ-aix.fr Résumé L’atelier d’écriture, apparu en France dans les années 70, a pour but de faciliter l’entrée dans l’écriture. Quelles qu’en soient les approches et les formes (cela peut s’échelonner du formalisme oulipien à la centration sur l’expression du sujet à la manière d’Elisabeth Bing), quels qu’en soient les dispositif et les public concernés, il s’articule autour de concepts et de modalités disparates mais dont l’intérêt reste indéniable. Sans tenter de donner une définition univoque de l’atelier d’écriture, car se poserait alors un problème de description, au vu de l’hétérogénéité des pratiques, j’en évoquerai les moments-clés et les principes fondateurs, et m’interrogerai sur ce qu’une telle démarche peut apporter au sein d’une formation. Je n’évoquerai pas la question de l’atelier d’écriture comme activité culturelle de loisir, j’en envisagerai le fonctionnement au sein de l’institution scolaire. L’atelier d’écriture est-il possible ? Comment le mener à bien dans un projet didactique cohérent ? Peut-il s’intégrer facilement dans l’enseignement de la langue ? Remet-il en question le statut de l’écriture en classe ? Ou au contraire s’intègre-t-il dans les programmes et les cursus actuels ? C’est un dispositif coûteux, pénible à mettre en œuvre, difficile à gérer en termes d’effectifs, de contraintes horaires, mais en définitive gratifiant lorsqu’il aboutit, comme tout projet à long terme. Mots clés Atelier d’écriture – Dispositif – Principes et contraintes – Projet didactique Au sein des établissements scolaires les pratiques se diversifient, les attitudes et les comportements évoluent. Ainsi les ateliers d’écriture, qui existent depuis maintenant une trentaine d’années, qui ont été marginalisés et ont soulevé nombre de réactions, pas toujours favorables, semblent en fin de compte être reconnus, leur pratique se multiplie, et tend à se banaliser, avec en contrepoint tous les risques de dérive que cela comporte… Bref l’atelier d’écriture commence à être légitimé et valorisé par un public toujours plus diversifié. Les écoles comme les établissements du second et du troisième degré tendent à intégrer dans leur cursus des ateliers d’écriture (désormais désignés par AΣ), dont on peut espérer qu’ils puissent être opératoires face aux instructions nouvelles, car les polémiques vont bon train, non seulement pour définir ce qu’est l’écriture d’invention récemment portée au programme du bac, mais surtout pour mettre en place des activités et des méthodes de travail nouvelles. Mon propos n’est pas de faire rapidement un panorama complet de ce qui existe en matière d’AΣ de nos jours : les pratiques sont très diversifiées, et touchent toutes sortes de publics, dans de cadres allant de l’institution publique à la cellule culturelle privée. Je me contenterai d’évoquer l’intérêt de ce type d’approche en milieu scolaire, en m’appuyant sur mon expérience (limitée) de praticienne, sur les échanges que j’ai eus avec des collègues/confrères animateurs, et en me référant bien sûr aux ouvrages spécialisés qu’y ont consacrés nombre de spécialistes chevronnés. L’AΣ, apparu en France dans les années 70 (Rossignol, 1997), a pour but de faciliter l’entrée dans l’écriture à qui en exprime le besoin (ou l’envie). Quelles qu’en soient les approches et les formes (et cela peut s’échelonner du formalisme oulipien à la centration sur l’expression du sujet à la manière d’Elisabeth Bing), quels qu’en soient les dispositifs et les publics concernés, l’AΣ s’articule autour de concepts et de modalités disparates mais dont l’intérêt reste indéniable. Autrefois, lorsqu’était enseignée la rhétorique classique, le processus éducatif reposait sur l’imitation, par l’imprégnation, l’analyse et le réemploi. Depuis, les méthodes éducatives ont évolué, mais il demeure qu’implicitement, dans les représentations usuelles, la lecture précède l’écriture, qui devient l’application de compétences acquises dans la lecture. A l’inverse, l’AΣ essaie de mettre en œuvre des techniques d’écriture soit conjointes, soit préalables à la lecture. Mireille Baudoin 166 Il est à la fois arbitraire et quasi impossible de donner une définition univoque de l’AΣ, car se poserait alors un problème de description, au vu de l’hétérogénéité des pratiques ; je me contenterai donc d’en évoquer les moments-clés et les principes fondateurs, puis m’interrogerai sur les outils et les méthodes qu’une telle démarche peut apporter à une formation. Il ne sera pas question de l’AΣ comme activité culturelle de loisir, j’en envisagerai uniquement le fonctionnement au sein de l’institution scolaire. La première question à se poser dans ce cadre, fondamentale, est celle-ci : l’atelier d’écriture est-il un acte pédagogique ? Autrement dit : revêt-il une forme analysée, détaillée, visant à la reproduction de l’acte ? Ou encore, plus trivialement : en classe, l’AΣ est-il possible? Comment le mener à bien dans un projet didactique cohérent ? Peut-il s’intégrer facilement dans l’enseignement de la langue ? Remet-il en question le statut de l’écriture en classe ? Ou au contraire s’intègre-t-il dans les programmes et les cursus actuels ? Si nous considérons comme didactique le fait de s’appuyer sur des pratiques sociales avérées, d’en identifier la forme et le contenu, puis de les modéliser pour aboutir à une pratique scolaire (valorisante si possible), alors bien évidemment l’AΣ appartient de plein droit à la pratique scolaire. Pourtant, avant d’aller plus loin, reprenons au commencement. Qu’entend on par “atelier d’écriture” ? A ce propos, différentes questions se posent : Par où commencer ? Faut-il évoquer un positionnement théorique ? Un ensemble de pratiques effectives ? Quel est le plus important : le point de départ (l’animateur) ; le résultat obtenu (le texte) ; le processus exploratoire (l’écriture ) ? Y aborde-t-on des questions de technique d’écriture ? d’expression de soi ? de relations sociales ou interpersonnelles ? de culture littéraire ? Bien sûr un peu de tout. Il est possible d’évoquer différentes approches, tout est question de point de vue. Comme la fameuse “auberge espagnole”, l’AΣ offre surtout ce que l’on y apporte. Ce n’est pas un objet fini, apodictique ; c’est un procès qui repose à mon sens sur trois principes moteurs : - l’écriture à contraintes comme inducteur d’écrit ; - les partenaires en présence, soit le groupe et l’animateur ; - le lien essentiel lecture-écriture, en interaction constante. Je choisis de m’appuyer sur la proposition que fait Voltz (2001, p. 47) : “… ce que nous avons appelé l’AΣ, c’est-à-dire des lieux et des moments où l’on se réunit à plusieurs, où l’on écrit : parfois seul, parfois en groupe, de toutes façon toujours on y lit ce qu’on a produit, le groupe renvoie des échos, des questions, permet d’approfondir, de réécrire, d’améliorer”. L’AΣ est fondé avant tout sur une pratique de groupe, que régit une méthode particulière de travail ; son contenu sera orienté vers l’écriture d’invention (ou écriture créative, qui mêle fiction et narration), la forme textuelle en sera modelée par la contrainte initiale. Déroulement de l’atelier d’écriture La forme canonique de l’AΣ (selon cette conception) se déroule en trois temps, eux-mêmes décomposables en sous-unités, dont les durées sont modulables au gré des séquences et du travail proposé : - un inducteur d’écriture est proposé, en général par l’animateur ; - un laps de temps prédéfini est consacré à l’écriture, seul ou en groupe ; - un temps de lecture permet d’écouter tout ou partie des productions. Curieusement, au cours de ces activités, les échanges verbaux seront privilégiés, et au sein de l’AΣ coexisteront en constante interaction l’oral et l’écrit. Seul le second temps sera consacré à l’acte d’écriture ; tout au long des autres séquences, les partenaires en présence parleront ; on présentera et explicitera oralement le thème et le sujet de l’atelier, les écrivants ne se contenteront pas de rédiger, ils liront à voix haute, puis seront amenés à commenter, critiquer, apprécier, et toutes les modalités de la lecture comme de l’écriture pourront être mises en œuvre. Bien évidemment, on n’en restera pas là. Une séance peut-être autonome, bouclée sur elle-même ; mais inévitablement, la discussion entraînera des suggestions, des propositions pour aller plus loin, améliorer, retravailler les productions. Selon l’intérêt soulevé, en fonction des textes obtenus et de leur adéquation au projet global, il sera possible de proposer des consignes de réécriture, et une nouvelle séquence sera impulsée, pour démarrer sur des productions antérieures. Se créera alors une boucle de rétroaction, en un système générateur à la fois de consignes et de textes, et l’AΣ suscitera un foisonnement textuel spiralé quasi illimité. Un atelier d’écriture en classe : place et rôle 167 Comment procéder en classe ou au sein d’une formation Quelques postulats pour l’animateur • L’écriture, cela s’apprend. Par l’étude de textes d’auteurs, mais aussi par l’examen des productions du groupe. Il y a aller-retour entre théorie “littéraire” issue de l’analyse, et le fait de s’essayer à écrire. Oriol-Boyer (2002) postule depuis toujours qu’écrire cela s’apprend, et corollairement, que cela peut s’enseigner. Elle associe théorie du texte et théorie du processus et les propose comme des préalables nécessaires à la didactique de l’écriture. Produire un objet d’art scriptural suppose tout à la fois de connaître le matériau uploads/Litterature/ atelier-d-ecriture-en-classe.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager