Ceci n'est pas un livre pornographique. Ni exploitation commerciale du sexe, ni
Ceci n'est pas un livre pornographique. Ni exploitation commerciale du sexe, ni tentative de titillation du lecteur : ratages et demi-fiascos, contingences et ridicules sont relatés au même titre que les plaisirs les plus heureusement partagés. Nulle p~ouesse. Ceci n'est pas un livre érotique. Lart du narrateur, si art il y a, ne consiste pas en un effort pour rendre plus poétique le récit, plus culturel, plus relevé ni, partant, plus acceptable socialement. Pas d'esthétisme. Ceci n'est pas un livre scientifique, certes, pas même un document sociologique. Les épisodes rapportés ne doivent leur agencement qu'au hasard, ou aux déterminations les plus subjectives. Ce livre essaie de dire la sexualité, en l'occurrence l'homosexualité comme si ce combat-là était déjà gagné, et résolus les problèmes que pose un tel projet : tranquillement. 9 Photo de couverture : Rüdiger T rautsch 921225-5 ISBN: 2-86744-1 33-1 02-99 1 60 F (24,39 €) Tricks EGLOGUES 1. Renaud Camus, Passage, Éditions Flammarion, collection « Textes ))' 1975. Il. Denis Duparc, Échange, Éditions Hammarion, collection « Textes ,,, 1976. III. 1 Renaud Camus & Tony Duparc, Travers, Éditions Hachette/P. O.L, 1978. 2 Jean-Renaud Camus & Denis Duvert, Été (Travers II), Éditions Hachette/P. O.L, 1982. Autres livres de Renaud Camus : Chroniques autobiographiques : Tricks, Éditions Mazarine, 1979. Nouvelle édition complétée (épuisée), Persona, 1982. Journal d'un Voyage en France, Éditions Hachette!P.O.L, 1981. Journal romain, 1985-1986, Éditions P. O.L, 1987. Élégies pour quelques-uns, Éditions P. O. L, 1988. Roman : Roman Roi, Éditions P. O.L, 1983. Roman Furieux, Éditions P. O.L, 1987. MISCELLANÉES 1. Buena Vista Park, Éditions Hachette/P. O.L, 1980. II. Notes achriennes, Éditions Hachette!P.O.L, 1982. III. Chroniques achriennes, Éditions P. O.L, 1984. IV. Notes sur les manières du temps, Éditions P. O.L, 1985. Renaud Camus Tricks Édition définitive 45 récits Préface de Roland Barthes P.O.L 8, Villa d'Alésia, Paris 14e © P.O.L éditeur, 1988 ISBN 2-86744-133-1 Que soient remerciés ici Jacqueline Didier, Elisabeth Malissen, Danièle Sallenave, Jean-Christophe Cambier, Jean-Paul Mar- cheschi et Rodolfo Junqueira Franco de l'aide qu'ils m'ont apportée pour la relec- ture de ce manuscrit. A Philippe St., sans qui ce livre, etc. Tip6awna tfiç fiya7tl1Ç, ônwç t0.8üEv fl 1tOlllCJlÇ IJ.OU .... IJ.ÈÇ CJ'tÈÇ Vl)'X'tEÇ tfiç VE6tll't6Ç IJ.OU, IJ.Éaa atf:ç vux-rEç IJ.OU, KpuqJa, auvavtlliJ.ÉVa .... Constantin Cavafy, Poèmes. Visages de l'amour, tels que les désirait mon art ... Visages rencontrés furtivement dans mes nuits, dans les nuits de ma jeunesse ... (Traduction de Marguerite Yourcenar.) Figures du désir, telles que les voulait mon travail ... Figures entr'aperçues dans mes nuits, dans les nuits de ma jeunesse ... (Variante abusive.) Visages de la tendresse, tels que les désirait mon [livre ... Visages rencontrés furtivement dans mes nuits, dans les nuirs de ma jeunesse ... (Autre.) What people cali love is impossible except as a joke (and even then one of the two is sure to turn serious) between two stran- gers meeting accidentai/y at an inn or in a forest path. G.B. Shaw. Préface - Pourquoi avez-vous accepté de préfacer ce livre de Renaud Camus ? - Parce que Renaud Camus est un écrivain, que son texte relève de la littérature, qu'il ne peut le dire lui-même et qu'il faut donc que quelqu'un le dise à sa place. - Si ce texte est littéraire, cela doit se voir tout seul. - Cela se voit, ou s'entend à la première tournure de phrase, à une manière immédiate de dire « je », de conduire le récit. Mais comme ce livre semble parler, et crûment, de sexe, d'homosexualité, certains oublieront peut-être la littéra- ture. - On dirait que pour vous, affirmer la nature littéraire d'un texte, c'est une manière de le dédouaner, de le sublimer, de le purifier, de lui donner une sorte de dignité, que donc, à vous croire, le sexe n'a pas ? - Nullement : la littérature est là pour donner un sup- plément de jouissance, non de décence. - Eh bien, allez-y ; mais soyez bref. L'homosexualité choque moins, mais elle continue à intéresser ; elle en est encore à ce stade d'excitation où elle provoque ce que l'on pourrait appeler des prouesses de dis- cours. Parler d'elle permet à ceux « qui n'en sont pas » 13 (expression déjà épinglée par Proust) de se montrer ouverts, libéraux, modernes; et à ceux «qui en sont •, de témoigner, de revendiquer, de militer. Chacun s'emploie, dans des sens différents, à la faire mousser. Pourtant, se proclamer quelque chose, c'est toujours parler sous l'instance d'un Autre vengeur, entrer dans son discours, discuter avec lui, lui demander une parcelle d'identité : • Vous êtes... - Oui, je suis ... » Au fond, peu importe l'attribu~ ; ce que la société ne tolèrerait pas c'est que je sois... rien, ou, pour être plus précis, que le quelque chose que je suis, soit donné ouvertement pour passager, révocable, insignifiant, inessentiel, en un mot : impertinent. Dites seulement « Je suis », et vous serez socialement sauvé. Refuser .l'injonction sociale peut se faire à travers cette forme de silence, qui consiste à dire les choses simplement. Dire simplement relève d'un art supérieur : l'écriture. Prenez les productions · spontanées, les témoignages parlés, puis transcrits, dont la presse et l'édition font de plus en plus usage. Quel qu'en soit l'intérêt • humain •, je ne sais quoi sonne faux en eux (du moins à mes oreilles): peut-être, paradoxalement, un excès de style (faire « spontané •, faire « vivant •, faire « parlé • ). Il se produit en somme un chassé- croisé : l'écrit véridique paraît fabulateur; pour qu'il paraisse vrai, il faut qu'il devienne texte, passe par les arti- fices culturels de l'écriture. Le témoignage s'emporte, prend la nature, les hommes, la justice à témoin ; le texte va lente- ment, silencieusement, obstinément - et il arrive plus vite. La réalité est fiction, l'écriture est vérité : telle est la ruse du langage. Les Tricks de Renaud Camus sont simples. Cela veut dire qu'ils parlent l'homosexualité, mais ne parlent jamais d'elle : à aucun moment ils ne l'invoquent (la simplicité serait ceci : ne jamais invoquer, ne pas laisser venir au lan- 14 gage les Noms, source de disputes, d'arrogances et de morales). Notre époque interprète beaucoup, mais les récits de Renaud Camus sont neutres, ils n'entrent pas dans le jeu de l'Interprétation. Ce sont des sortes d'à-plats, sans ombre et comme sans arrière-pensées. Et, encore une fois, seule l'écri- ture permet cette pureté, ce matin de l'énonciation, inconnu de la parole, qui est toujours un enchevêtrement retors d'intentions cachées. N'étaient leur taille et leur sujet, ces Iricks devraient faire penser à des Haïkus ; car le Haïku unit un ascétisme de la forme (qui coupe net l'envie d'inter- préter) et un hédonisme si tranquille, qu'on peut dire seule- ment du plaisir qu'il est là (ce qui est aussi le contraire de l'Interprétation). Les pratiques sexuelles sont banales, pauvres, vouées à la répétition, et cette pauvreté est disproportionnée à l'émer- veillement du plaisir qu'elles procurent. Or, comme cet émerveillement ne peut être dit (étant de l'ordre de la jouis- sance), il ne reste plus au langage qu'à figurer, ou mieux encore, à chiffrer, à moindres frais, une série d'opérations qui, de toute manière, lui échappent. Les scènes érotiques doivent être décrites avec économie. L'économie, ici, est celle de la phrase. Le bon écrivain est celui qui travaille la syntaxe de façon à enchaîner plusieurs actions dans l'espace de langage le plus court (il y a, chez Sade, tout un an des subordonnées) ; la phrase a pour fonction, en quelque sone, de dégraisser l'opération charnelle de ses longueurs et de ses effons, de ses bruits et de ses pensées adventices. A cet égard, les scènes finales des Tricks restent entièrement sous le pouvoir de l'écriture. Mais ce que je préfère, dans Tricks, ce sont les • préparatifs • : la déambulation, l'alene, les manèges, l'approche, la conversation, le dépan vers la chambre, 15 l'ordre (ou le désordre) ménager du lieu. Le réalisme se déplace : ce n'est pas la scène amoureuse qui est réaliste (ou du moins son réalisme n'est pas pertinent), c'est la scène sociale. Deux garçons,-qui ne se connaissent pas mais savent qu'ils vont devenir les partenaires d'un jeu, risquent entre eux ce peu de langage auquel les oblige le trajet qu'ils doi- vent faire ensemble pour atteindre le terrain. Le trick quitte alors la pornographie (avant d'y avoir abordé) et rejoint le roman. Le suspense (car ces Tricks, je crois, se lisent avec entrain) porte, non sur les pratiques, attendues (c'est le moins qu'on puisse dire), mais sur les personnages: qui sont-ils? Comment sont-ils différents les uns des autres ? Ce qui m'enchante, dans Tricks, c'est ce chassé-croisé : les scènes, assurément, sont loin d'être pudiques, mais les propos le sont : ils disent en sous-main que le véritable objet de la pudeur, ce n'est pas la Chose («La Chose, toujours la Chose •, disait Charcot cité par Freud), mais la personne. C'est ce passage du sexe au discours que je trouve réussi, dans Tricks. C'est uploads/Litterature/ camus-renaud-tricks-1988.pdf
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- Publié le Apv 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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