Amoura Inès M2 1 Cendrillon de Joël Pommerat Cendrillon est originellement un c
Amoura Inès M2 1 Cendrillon de Joël Pommerat Cendrillon est originellement un conte, né de centaines de versions orales différentes, et fixé à l’écrit par Charles Perrault en 1697 dans ses Contes de la mère l’Oye. Il y introduit le personnage d’une marraine la fée, des personnages peu caractérisé si ce n’est par des traits moraux stéréotypés, des animaux transformés (dont la fameuse citrouille), la pantoufle de verre perdue au bal, et deux moralités conclusives. Cependant, la variété des histoires ne s’est pas arrêtée là : les frères Grimm par exemple en donnent une toute autre version en 1812 : ils renouent avec la violence traditionnelle du conte, avec la cruauté de la mutilation des pieds des sœurs, leur punition (les yeux crevés), le rôle d’adjuvant des oiseaux et du noisetier… Ces deux versions ont le plus nourri notre imaginaire, rejointes par l’adaptation de Walt Disney –une version édulcorée et familiale. Mais les éléments invariants –une jeune fille, sa mère morte, une belle-famille horrible, des épreuves ménagères, un père quasi-absent, un bal, un prince, un mariage –laissent la porte ouverte à multiples interprétations… Ce conte a été adapté en opéras, ballets, comédies, fééries, films, pièces jeune public etc. maintes fois. Joël Pommerat est un auteur contemporain dont le goût pour la reprise de contes semble affirmé : c’est avec Le Petit Chaperon Rouge en 2004 que sa popularité commence. En 2008, il s’attelle à Pinocchio et enfin en 2011 à Cendrillon. On est enclin à se demander : comment passer du conte –dont le genre est défini comme narratif, bref, faisant appel au merveilleux…- aux arts de la scène, supposé représenter ? Comment la scène modifie- t-elle le conte ; et quelle nouvelle lecture Pommerat en offre-t-il ? 1. Le conte : un matériau pour la scène ? - Adaptations de tout temps (exemples, invariants…) Charles Perrault publiait ses Histoires ou contes du temps passé, plus célèbres sous le nom de Contes de la mère l’Oye en 1697. Or, dès le 2 mars 1697, Brugière de Barante et Charles-Rivière Dufresny donnait leur comédie en un acte Les Fées ou Les contes de la mère l’Oye à l’hôtel de Bourgogne. Et jusqu’en 1800, une trentaine d’adaptations de ces contes de Perrault ont vu le jour. Au XIXème, l’apparition et le succès de la littérature de jeunesse encouragea cette tendance à adapter les contes. Jusqu’à nos jours, c’est ainsi que la plupart des contes de Perrault, des Grimm, d’Hoffman et Andersen ont été portés à la scène –transposés au théâtre, au ballet ou à l’opéra. - Un spectacle pour « tout public à partir de 8 ans » Amoura Inès M2 2 Les contes appartiennent à une culture populaire et orale ; en cela ils ont longtemps été jugés et campés comme une forme inférieure de littérature. De plus, malgré le fait qu’ils étaient originellement destiné aux adultes, depuis leur passage à l’écrit et jusqu’à ce jour, ils sont associés principalement à la littérature enfantine. Pourtant, cet engouement pour le conte et ses adaptations contredisent cette idée d’un genre mineur. Michel Jolivet compare sa place à celle réservée aux arts de la marionnette en exposant comment ils sont tous deux « victimes du même ostracisme » et réduits aux arts enfantins et populaires. Ainsi, les dévaluer comme « niaiseries » serait méconnaître la vraie qualité des contes. Joël Pommerat éloigne lui aussi cette distinction entre « jeune « et « tout public» en assignant son œuvre à « tout public à partir de 8 ans ». Il considère en effet que les enfants sont un public comme tout autre, et que son travail doit rechercher la même qualité et soutenir les mêmes ambitions pour tout public. Pour reprendre ses mots du dossier de presse de son Petit chaperon rouge : « Au niveau de la forme de mes spectacles (la façon d’envisager le jeu des acteurs, le rapport à la lumière, du son et de l’espace) et même de l’exigence que nous mettons dans notre travail, comédiens et techniciens, je suis à peu près sûr qu’il n’y a pas de différence à rechercher entre les différents publics. Je suis au contraire persuadé que les enfants ont droit à la même qualité de recherche, à la même volonté de perfection. Je crois que les enfants ont le droit qu’on ne change pas de façon de faire et d’envisager le théâtre pour eux. »1 Il précise même dans Joel Pommerat, troubles : « Je leur raconte des histoires d’enfants. Pas des histoires pour les enfants ». En effet, les expériences que subissent ses personnages et que le public éprouve en écho –découverte de la peur, la mort, etc.- ne concernent pas que les enfants, et au contraire elles apportent des émotions résonnant chez l’adulte. - Différents types d’adaptations Ce que l’on appelle communément le « théâtre jeune public » était souvent synonyme d’adaptations et réécritures de contes ; ainsi, les pièces distrayaient et parfois éduquaient. De plus en plus, des œuvres originales ont été créées et certaines dramaturgies se sont appuyées sur le monde des contes pour mieux les détourner. Selon la terminologie de Christiane Connan-Pintado, on pourrait ainsi y distinguer plusieurs types d’adaptations : les « transpositions minimales », qui suivent le conte linéaire en remplaçant marques du récit par moyens théâtraux ; les « transpositions parodiques » où le conte est réécrit, détourné à visée ludique ou pédagogique ; enfin, (et c’est à cette dernière catégorie que Pommerat peut être associé) les « transpositions réappropriations » dans lesquelles le conte est plus un matériau revitalisé pour et par le théâtre. 1 Dossier de presse du Petit Chaperon Rouge Amoura Inès M2 3 - Un choix : le retour au récit Pommerat expliquait dans le programme de l’opéra pour sa pièce Au monde cette année : « Depuis le début de mon écriture théâtrale je me suis intéressé à ce que l’on pourrait appeler un retour vers le narratif ou vers le récit, vers la fiction […] Comme si on ne pouvait pas inventer une histoire sans se mettre dans les pas de toutes les histoires existantes et, à partir de là, chercher ce qui est possible ». A l’inverse de la tendance « postdramatique » du fragment, c’est une narration linéaire et des personnages entiers que semble choisir l’auteur. De plus, il engage l’idée que tout aurait déjà été écrit et que les écrivains ne feraient que recopier et réécrire : les contes, les récits mythiques pensés aux racines de notre culture, sont le matériel désigné pour réécrire, et ainsi chercher le nouveau et l’invention de formes dans un grand récit fondateur. Cette volonté d’être créatif et novateur correspond à Pommerat en tant qu’écrivain mais aussi en tant que metteur en scène. D’ailleurs, il ne distingue pas l’un et l’autre : il se dit « écrivain de spectacle », et crée ses pièces avec écriture de l’histoire et écriture sur le plateau conjointement lors des répétitions. Même si le conte et son histoire préexiste, c’est ar la scène que son œuvre se construit : dans ce sens, le renouvellement du récit est assuré. Ainsi, les contes par Pommerat sont des occasions pour expérimenter en matière de spectacle. Cendrillon le démontre notamment avec la recherche sonore mêlant bruitages, musique, chant, voix amplifiées ; mais aussi l’utilisation de « la vidéo pour faire évoluer la couleur sur les murs »… 2. Du mot conté à la représentation Transposer un conter relève forcément d’un défi : comment passer d’un genre qui narre et laisse imaginer à un genre qui donne à voir et entendre ? Comment adapter un récit narratif codifié et oral à la représentation scénique ? Que peut-il rester du conte sur scène, et comment ne pas détonner ou appauvrir un spectacle en laissant trop de place au conte ? Pommerat dit lui-même dans un entretien avec Joëlle Gayot : « on pourrait dire que je fais le même travail que les conteurs d’autrefois ». Mais comment met-il en place certaines stratégies de représentation permettant de conserver cet esprit de contage tout en posant sa patte personnelle ? - Réactiver l’oralité du conte Pommerat s’amuse à raviver et redonner le plaisir d’une histoire contée à l’aide de personnages s’addressant directement au spectateur et les introduisant et guidant au sein de la fiction. En effet, un conteur en chair ou une voix qui raconte attisent la curiosité, activent l’attention, poussent à se laisser aller … Amoura Inès M2 4 Dans son Petit chaperon rouge, Pommerat avait mis en scène un « homme qui raconte » en même temps que les personnages évoluaient en silence : son récit oral et l’interprétation parallèle des actrices se complétaient et s’ajoutaient –conte et théâtre étaient en accord. Dans Cendrillon, il y a une narratrice dont on n’entend que la voix –elle est à la fois présente et absente de la scène. Cette voix est celle d’une femme avec un fort accent étranger –de cette manière, en plus de la distance temporelle propre aux contes qu’elle annonce avec « uploads/Litterature/ cendrillon-pommerat-mini-mmoire-expose.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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