Histoire Épistémologie Langage César et l’aphabet : un fragment du De Analogia
Histoire Épistémologie Langage César et l’aphabet : un fragment du De Analogia Alessandro Garcea Citer ce document / Cite this document : Garcea Alessandro. César et l’aphabet : un fragment du De Analogia . In: Histoire Épistémologie Langage, tome 24, fascicule 2, 2002. Politiques linguistiques (1/2) pp. 147-164; doi : https://doi.org/10.3406/hel.2002.2176 https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2002_num_24_2_2176 Fichier pdf généré le 28/03/2019 Résumé RÉSUMÉ: Dans une discussion sur < x> •consonne double’, le grammairien latin Pompée (GL 5,108,7-13) insère deux citations, l’une appartenant au De analogia de César, l’autre au De antiquitate litterarum de Varron, sur les lettres de l’alphabet latin primitif. Varron distingue seize caractères anciens entre les vingt-trois employés à l’âge classique; César se borne à onze caractères primitifs. Cette dernière opinion a suscité la perplexité des éditeurs et des interprètes de César, qui pour la plupart corrigent le texte transmis par Pompée. L’examen des paramètres auxquels Varron avait recouru et la comparaison entre le fragment de César et celui de Varron permettent d’envisager une autre possibilité: les deux groupes de signes ne se situent pas sur le même plan et la liste de César semble se référer seulement aux éléments consonantiques du répertoire varronien. Abstract ABSTRACT: In a discussion on < x> “double consonant’, the Latin grammarian Pompeius (GL 5,108,7-13) inserts two quotations: the first one from the De analogia of Caesar, and the other one from the De antiquitate litterarum of Varro. Each expresses a different opinion about the original Latin alphabet. Varro distinguishes sixteen ancient characters among the twenty-three used in the classical age, whereas Caesar limits himself to eleven original characters. The latter opinion raises doubts among the scholars, who generally try to modify the text conveyed by Pompeius. An examination of the parameters followed by Varro and the comparison between his fragment and that of Caesar allow us to choose another possibility: the two groups of signs are not on the same level and the Caesar’s list concerns only the consonant elements of the varronian inventory. Histoire Épistémologie Langage 24/II (2002) : 147-164 © SHESL, PUV CÉSAR ET L’APHABET : UN FRAGMENT DU DE ANALOGIA (frg. 4 p. 148 Funaioli = 5 p. 179 s. Klotz) 1 Alessandro GARCEA Université de Turin RÉSUMÉ : Dans une discussion sur <x> ‘consonne double’, le grammairien latin Pompée (GL 5,108,7-13) insère deux citations, l’une appartenant au De analogia de César, l’autre au De antiquitate litterarum de Varron, sur les lettres de l’alphabet latin primitif. Varron distingue seize caractères anciens entre les vingt-trois employés à l’âge classique ; César se borne à onze caractères primitifs. Cette dernière opinion a suscité la perplexité des éditeurs et des interprètes de César, qui pour la plupart corrigent le texte transmis par Pompée. L’examen des paramètres auxquels Varron avait recouru et la comparaison entre le fragment de César et celui de Varron permettent d’envisager une autre possibilité : les deux groupes de signes ne se situent pas sur le même plan et la liste de César semble se référer seulement aux éléments consonantiques du répertoire varronien. MOTS-CLÉS : De analogia ; Antiquité latine ; Latin ; Grammaire ; Phonologie ; Alphabet ; César ; Varron ; Grammairiens latins. ABSTRACT : In a discussion on <x> ‘double consonant’, the Latin grammarian Pompeius (GL 5,108,7-13) inserts two quotations : the first one from the De analogia of Caesar, and the other one from the De antiquitate litterarum of Varro. Each expresses a different opinion about the original Latin alphabet. Varro distinguishes sixteen ancient characters among the twenty-three used in the classical age, whereas Caesar limits himself to eleven original characters. The latter opinion raises doubts among the scholars, who generally try to modify the text conveyed by Pompeius. An examination of the parameters followed by Varro and the comparison between his fragment and that of Caesar allow us to choose another possibility : the two groups of signs are not on the same level and the Caesar’s list concerns only the consonant elements of the varronian inventory. KEY WORDS : De analogia ; Latin antiquity ; Latin ; Grammar ; Phonology ; Alphabet ; Caesar ; Varro ; Latin grammarians. __________ 1. Cette étude représente la version remaniée d’une communication présentée au colloque annuel SHESL (ENS Lyon, 2 février 2002) : je tiens à remercier tous ceux qui ont animé la discussion et qui m’ont permis d’améliorer sur plusieurs points le texte définitif, en particulier Bernard Colombat et Jean Lallot. Mes remerciement vont aussi à Mme Valeria Lomanto, avec laquelle un projet d’édition et de commentaire du De analogia est en cours. Les signes /…/ indiquent une transcription phonématique ; les signes […] une transcription phonétique ; les signes <…> une transcription graphématique. 148 A. GARCEA Histoire Épistémologie Langage 24/II (2002) : 147-164 © SHESL, PUV LES QUESTIONS relatives à l’écriture ont passionné très tôt les Latins, comme l’attestent les témoignages concernant leur activité littéraire, qui s’accompagnait souvent d’une réflexion théorique sur le langage. Dans le cadre de cette étude, je voudrais proposer l’analyse d’un fragment du De analogia de César, un ouvrage composé pendant la traversée des Alpes en 55 ou 54 av. J.-C. et dédié à Cicéron, peut-être en réponse à la faible attention que cet auteur avait consacrée dans le De oratore à la pureté (Latinitas) et à la clarté (explanatio ou perspicuitas) parmi les vertus du style oratoire 2. De la trentaine de fragments du De analogia qui nous est parvenue, une courte citation transmise par le grammairien africain Pompée (fin du Ve siècle) a suscité de nombreux débats parmi les interprètes, qui essaient de corriger le texte en le rapportant aux traditions connues sur l’origine de l’alphabet latin (§ 1). L’analyse de ce fragment nous permettra de considérer dans l’ordre les théories anciennes sur les lettres nécessaires et superflues pour représenter le système phonématique latin (§ 2), ainsi que les listes des lettres primitives et supplémentaires (§ 3). Grâce au recours à ces données, il sera possible d’identifier le groupe de signes visé par César et son statut phono- graphématique. 1. TEXTE ET CONTEXTE DU FRAGMENT Dans la section de littera de son ars 3, le grammairien Pompée observe que le <x> possède un caractère bi-phonématique et qu’il ne rentre pas dans l’ensemble des signes primitifs. En effet le <x> occupe une position spéciale dans le système alphabétique latin, où d’un côté il constitue un exemple d’ambiguïté (puisqu’il correspond au groupe bi-phonématique dorso-vélaire sourde/sonore + fricative alvéolaire), de l’autre il produit une asymétrie, du fait qu’il n’existe pas un signe parallèle pour le groupe labiale sourde/sonore + fricative alvéolaire. À ce sujet Pompée enchaîne deux citations concernant les lettres de l’alphabet latin primitif, où le <x> ne rentrait pas, l’une tirée du De analogia de César, l’autre du De antiquitate litterarum de Varron. Tandis que César compte onze caractères latins primitifs, Varron distingue seize caractères anciens au sein des vingt-trois employés à l’âge classique 4 : legimus apud maiores nostros primas apud Romanos XI litteras fuisse tantummodo, ut dicit Caesar in libro analogiarum primo : in libro __________ 2. Cf. Hendrikson 1906 ; contra Dahlmann 1935 ; cf. aussi Lomanto 1994-1995, p. 16-22. 3. Sur la structure des sections de littera dans les artes latines, cf. Froehde 1892, p. 69-100 et Jeep 1893, p. 109-115. 4. Le texte de Pompée dépend du commentaire de Servius (cf. Schindel 1975, p. 19-33), qui toutefois ne contient pas le même excursus sur l’alphabet latin primitif : il se borne à présenter la question de <x> consonans duplex d’un point de vue historique, sous- entendant que la première version de l’alphabet était dépourvue au moins de ce signe. Cf. Papke 1988, p. 134 s. Le passage de Pompée sera repris tel quel par le soi-disant Donatus Ortigraphus p. 13, 105-109 Chittenden. CÉSAR ET L’ALPHABET 149 Histoire Épistémologie Langage 24/II (2002) : 147-164 © SHESL, PUV analogiarum primo Caesar hoc dicit, XI fuisse. Varro [frg. 2 p. 184 Funaioli = 41 Goetz & Schoell] docet in aliis libris, quos ad Accium scripsit, litteras XVI fuisse, postea tamen creuisse et factas esse XXIII. (Pompée GL 5,108,7- 13) Nous lisons chez les Anciens qu’il n’y a d’abord eu que 11 lettres chez les Romains, comme le dit César dans son Analogie, livre 1 ; dans L’analogie, livre 1, César dit ceci : il y en avait 11. Dans un autre ouvrage, les livres qu’il a dédiés à Accius, Varron enseigne qu’il y avait 16 lettres mais que leur nombre s’accrût par la suite jusqu’à 23. (Trad. F. Desbordes 1990, p. 142) Le texte du fragment est reproduit tel quel par Lersch (1838, p. 133) et Egger (1843, p. 43), ainsi que dans les éditions de César de Nipperdey 1847 et de Kübler 1897. Cependant, la plupart des éditeurs et des interprètes, perplexes quant à l’opinion de César transmise par Pompée, corrigent le texte. Après avoir défini la thèse de César comme une « peruersa opinio » qu’il ne vaut pas la peine d’expliquer, Wilmanns (1864, p. 123 n. 2) identifie par conjecture les signes visés par César en <A E uploads/Litterature/ cesar-et-l-x27-aphabet-un-fragment-du-de-analogia-gracea-alessandro.pdf
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- Publié le Dec 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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