Réflexions sur la violence du même auteur D’Aristote à Marx, éd. du Sandre, 200

Réflexions sur la violence du même auteur D’Aristote à Marx, éd. du Sandre, 2007. Étude sur Vico et autres textes, Honoré Champion, 2007. Introduction à l’économie moderne, L’Harmattan, 2010. La décomposition du marxisme, L’Harmattan, 2010. Les illusions du progrès, L’Âge d’Homme, 2007. Proudhon, Stalker, 2007. georges sorel RÉFLEXIONS SUR LA VIOLENCE Postface de Philippe Blouin entremonde Genève-Paris Les Réflexions sur la violence ont été publiées pour la première fois en 1908. La présente édition reproduit la 8e édition, parue chez Marcel Rivière en 1936. isbn : 978-2-940426-22-5 Entremonde, 2013. AVERTISSEMENT pour la troisième édition On m’a demandé bien des fois, dans ces derniers temps, si je n’ai pas observé depuis 1906 des faits qui infirmeraient quelques-unes des thèses exposées dans ce livre. Je suis, au contraire, plus convaincu que jamais de la valeur de cette philosophie de la violence. Il m’a paru même utile de joindre à cette réimpression une « apologie de la violence » que j’avais publiée dans le Matin du 18 mai 1908, au moment où paraissait la première édition. Ce livre appartient à la catégorie de ceux que l’opinion commune n’autorise pas un auteur à améliorer ; je me suis seulement permis de changer, de place en place, quelques mots, afin de rendre certaines phrases plus claires. Février 1912. À la mémoire de la compagne de ma jeunesse je dédie ce livre tout inspiré par son Esprit INTRODUCTION lettre à daniel halévy Mon cher Halévy, J’aurais sans doute laissé ces études enfouies dans la collection d’une revue si quelques amis, dont j’apprécie fort le jugement, n’avaient pensé que je ferais bien de placer sous les yeux du grand public des réflexions qui sont de nature à mieux faire connaître un des phénomènes sociaux les plus singuliers que l’histoire mentionne. Mais il m’a semblé que je devais à ce public quelques explications, car je ne puis m’attendre à trouver souvent des juges qui soient aussi indulgents que vous l’avez été. Lorsque j’ai publié dans le Mouvement socialiste les articles qui vont être maintenant réunis en un volume, je n’avais pas l’intention de composer un livre. J’avais écrit mes réflexions au fur et à mesure qu’elles s’étaient présentées à mon esprit ; je savais que les abonnés de cette revue ne seraient pas embarrassés pour me suivre, parce qu’ils sont familiarisés avec les théories qu’y développent mes amis depuis plusieurs années. Je crois bien que les lecteurs de ce livre seraient au contraire fort désorientés si je ne leur adressais une sorte de plaidoyer, pour les mettre à même de considérer les choses du point de vue qui m’est habituel. Au cours de nos conversations vous m’avez fait des remarques qui s’inséraient si bien dans le système de mes pensées qu’elles m’ont amené à approfondir quelques questions intéressantes. Je suis persuadé que les considérations que je vous soumets ici, et que vous avez provoquées, seront fort utiles à ceux qui voudront lire avec profit ce volume. Il y a peut-être peu d’études dans lesquelles apparaissent d’une manière plus évidente les défauts de ma manière d’écrire ; maintes fois on m’a reproché de ne pas respecter les règles de l’art, auxquelles se soumettent tous nos contemporains, et de gêner ainsi mes lecteurs par le désordre de mes expositions. J’ai bien cherché à rendre le texte plus clair par de nombreuses corrections de détail, mais je n’ai pu faire disparaître le désordre. Je ne veux pas me défendre en invoquant l’exemple de grands écrivains qui ont été blâmés pour ne pas avoir su composer ; Arthur Chuquet, parlant de J.-J. Rousseau, dit : « Il manque à ses écrits l’ensemble, l’ordonnance, cette liaison des parties qui constitue le tout 1. » Les défauts des hommes illustres ne sauraient justifier les fautes des hommes obscurs, et j’estime 1. A. Chuquet, Jean-Jacques Rousseau, p. 179. 10 RÉFLEXIONS SUR LA VIOLENCE qu’il vaut mieux expliquer franchement d’où provient le vice incorrigible de mes écrits. Les règles de l’art ne se sont imposées d’une manière vraiment impé­ rative qu’assez récemment ; les auteurs contemporains paraissent les avoir acceptées sans trop de peine parce qu’ils désirent plaire à un public pressé, souvent fort distrait et parfois désireux avant tout de s’éviter toute recherche personnelle. Ces règles ont d’abord été appliquées par les fabricants de livres scolaires. Depuis qu’on a voulu faire absorber aux élèves une somme énorme de connaissances, il a fallu mettre entre leurs mains des manuels appropriés à cette instruction extra-rapide ; tout a dû être exposé sous une forme si claire, si bien enchaînée et si propre à écarter le doute, que le débutant en arrive à croire que la science est chose beaucoup plus simple que ne pensaient nos pères. L’esprit se trouve meublé très richement en peu de temps, mais il n’est point pourvu d’un outillage propre à faciliter le travail personnel. Ces procédés ont été imités par les vulgarisateurs et les publicistes politiques 2. Les voyant si largement appliquées, les gens qui réfléchissent peu ont fini par supposer que ces règles de l’art étaient fondées sur la nature même des choses. Je ne suis ni professeur, ni vulgarisateur, ni aspirant chef de parti ; je suis un autodidacte qui présente à quelques personnes les cahiers qui ont servi pour sa propre instruction. C’est pourquoi les règles de l’art ne m’ont jamais beaucoup intéressé. Pendant vingt ans j’ai travaillé à me délivrer de ce que j’avais retenu de mon éducation ; j’ai promené ma curiosité à travers les livres, moins pour apprendre que pour nettoyer ma mémoire des idées qu’on lui avait imposées. Depuis une quinzaine d’années je travaille vraiment à apprendre ; mais je n’ai point trouvé de gens pour m’enseigner ce que je voulais savoir ; il m’a fallu être mon propre maître et, en quelque sorte, faire la classe pour moi-même. Je me dicte des cahiers dans lesquels je formule mes pensées comme elles surgissent ; je reviens trois ou quatre fois sur la même question, avec des rédactions qui s’allongent et parfois même se transforment de fond en comble ; je m’arrête quand j’ai épuisé la réserve des remarques suscitées par de récentes lectures. Ce travail me donne énormément de peine ; c’est pourquoi j’aime assez à prendre pour sujet la discussion d’un livre écrit par un bon auteur ; je m’oriente alors plus facilement que dans le cas où je suis abandonné à mes seules forces. Vous vous rappelez ce que Bergson a écrit sur l’impersonnel, le socialisé, le tout fait, qui contient un enseignement adressé à des élèves ayant besoin 2. Je rappellerai ici cette sentence de Renan : « La lecture, pour être salutaire, doit être un exercice impliquant quelque travail. » (Feuilles détachées, p. 231.) 11 INTRODUCTION d’acquérir des connaissances pour la vie pratique. L’élève a d’autant plus de confiance dans les formules qu’on lui transmet, et il les retient par suite d’autant plus facilement qu’il les suppose acceptées par la grande majorité ; on écarte ainsi de son esprit toute préoccupation métaphysique et on l’habitue à ne point désirer une conception personnelle des choses ; souvent il en vient à regarder comme une supériorité l’absence de tout esprit inventif. Ma manière de travailler est tout opposée à celle-là ; car je soumets à mes lecteurs l’effort d’une pensée qui cherche à échapper à la contrainte de ce qui a été antérieurement construit pour tout le monde, et qui veut trouver du personnel. Il ne me semble vraiment intéressant de noter sur mes cahiers que ce que je n’ai pas rencontré ailleurs ; je saute volontiers par-dessus les transitions parce qu’elles rentrent presque toujours dans la catégorie des lieux communs. La communication de la pensée est toujours fort difficile pour celui qui a de fortes préoccupations métaphysiques : il croit que le discours gâterait les parties les plus profondes de sa pensée, celles qui sont très près du moteur, celles qui lui paraissent d’autant plus naturelles qu’il ne cherche jamais à les exprimer. Le lecteur a beaucoup de peine à saisir la pensée de l’inventeur, parce qu’il ne peut y parvenir qu’en retrouvant la voie parcourue par celui-ci. La communication verbale est beaucoup plus facile que la communication écrite, parce que la parole agit sur les sentiments d’une manière mystérieuse et établit facilement une union sympathique entre les personnes ; c’est ainsi qu’un orateur peut convaincre par des arguments qui semblent d’une intelligence difficile à celui qui lit plus tard son discours. Vous savez combien il est utile d’avoir entendu Bergson pour bien connaître les tendances de sa doctrine et bien comprendre ses livres ; quand on a l’habitude de suivre ses cours, on se familiarise avec l’ordre de ses pensées et on se retrouve plus facilement au milieu des nouveautés de sa philosophie. Les défauts de ma manière me condamnent à ne jamais avoir accès auprès du grand public ; mais j’estime qu’il faut savoir nous contenter de la place que la nature et les circonstances ont attribuée à chacun de nous, sans vouloir forcer notre talent. Il y a une uploads/Litterature/ classique-sorel-georges-blouin-philippe-re-flexions-sur-la-violence-entremonde-2013 1 .pdf

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