Université du Luxembourg Christian D’Amico Daniel Pennac et le plaisir de lire.
Université du Luxembourg Christian D’Amico Daniel Pennac et le plaisir de lire. Étude poétique et thématique d’une littérarité accessible aux lycéens. Travail de candidature préparé sous la direction de M. Ben Faber et Mme Caroline Klensch 2016 Par la présente, je soussigné, Christian D’Amico déclare avoir rédigé ce travail par mes propres moyens. Christian D’Amico – professeur candidat au Lycée Hubert Clément à Esch-sur-Alzette Daniel Pennac et le plaisir de lire. Étude poétique et thématique d’une littérarité accessible aux lycéens. Lieu d’affectation : Lycée Hubert Clément à Esch-sur-Alzette 2016 Résumé : Cette étude se propose de mettre en évidence, à travers certaines œuvres de Daniel Pennac, le projet d’écriture de l’auteur qui vise à mener le lecteur au plaisir de lire. En effet, comme discuté dans Comme un roman, l’ancien professeur de lettres s’intéresse à la question: comment réconcilier le lecteur et surtout le jeune lecteur avec la lecture ? L’objet d’étude est l’analyse à partir des romans à thèse de l’auteur, des écrits d’Henri Mechonnic et de Roland Barthes, qui fourniront un aperçu théorique de cette intentionnalité de l’auteur et des pistes pour comprendre et suivre ce projet d’écriture. Nous retrouvons alors, dans certains romans de Daniel Pennac, « les exemples concrets », les différents ingrédients faisant d’une œuvre un objet de plaisir. La structure de cette étude est assez rigide, afin de réussir à cerner le plus objectivement possible cette intentionnalité. Dans un premier temps, nous proposons une analyse de la poétique de Daniel Pennac, une étude du plaisir procuré par la langue. Ensuite, nous nous intéressons au plaisir engendré par le fond des romans, que l’auteur puise dans le roman noir. Nous en venons ensuite, dans une dernière partie, à découvrir les principaux mécanismes, mis en place par Daniel Pennac, qui mènent au plaisir de lire. Par cette étude, nous avons réussi à démêler, à partir de la poétique de l’auteur et par l’analyse des caractéristiques que ses romans reprennent du roman noir, son intentionnalité créatrice de vouloir plaire à son lecteur. Nous en tirons des conclusions utiles afin d’espérer pouvoir captiver l’élève à la lecture, à l’attacher au texte tout en réveillant en lui l’envie de poursuivre la lecture ; faisant de cette étude une partie intégrante de notre projet professionnel en tant qu’enseignant de lettres. Je tiens à remercier mes patrons de recherche, M. Bernard Faber pour m’avoir conseillé sur les théories à mettre en œuvre et Mme. Caroline Klensch pour avoir eu la gentillesse de prendre la relève. Je voudrais aussi témoigner ma reconnaissance à ceux qui ont eu l’amabilité de commenter ou de relire le manuscrit. « Aime-moi ! » « Rêve ! » « Lis ! » « Lis ! Mais lis donc, bon sang, je t’ordonne de lire ! »1 1 Daniel Pennac, Comme un roman, p. 13. Christian D’Amico Introduction 7 INTRODUCTION L’origine du plaisir de la lecture est un sujet de recherche qui reste d’une actualité évidente, et qui occupe l’esprit de tout enseignant de lettres, soucieux de faire partager son amour du livre et de la littérature à une époque où la lecture est considérée par beaucoup de jeunes comme un exercice austère et ennuyeux. Pourtant, d’une année à l’autre, l’enseignant remarque que certains livres plaisent plus que d’autres. L’élève dit avoir aimé l’histoire, et qu’il a trouvé du plaisir à la lire. Ainsi, il existe de ces livres qui semblent jouir d’une meilleure acceptation par le jeune public que d’autres. Au fil des lectures en classe, il semble que les livres de Daniel Pennac plaisent beaucoup aux jeunes lecteurs. A tous les niveaux de l’enseignement secondaire luxembourgeois, ses livres arrivent à happer des élèves, à les accrocher par une lecture dont la langue n’est pourtant pas si simple, surtout au Luxembourg, pour des élèves dont le français n’est pas la langue maternelle. Comment, de nos jours, dans une société où la vitesse de débit de l’information prime sur la profondeur du signe, et donc aussi du signifié, un écrit réussit-il à plaire ? Y aurait-il un plaisir dans le fait de réussir quelque chose de difficile ? Le taux de plaisir ressenti serait-il proportionnel à l’effort fourni par le lecteur ? Les jeunes d’aujourd’hui ont moins de temps à consacrer à la lecture, la vie moderne, caractérisée par des technologies rendant les flux d’information de plus en plus rapides, accapare toute leur attention. Ainsi, la rapidité constitue un élément essentiel, permettant de s’adapter de plus en plus vite à de nouvelles situations et à de nouveaux défis d’un monde changeant, toujours en mouvement. Sur le plan de la vitesse, la concurrence à la lecture livresque est bien réelle. En effet, le numérique offre des supports de texte qui fournissent un accès plus direct à l’information, et même si cette information reste souvent superficielle, elle est immédiate. Le livre en papier, étant considéré par beaucoup de jeunes comme archaïque, n’offre qu’une lecture suivie, tandis que le support numérique est hypertextuel, et son utilisateur a l’impression d’être connecté aux informations du monde entier. Pourtant, face au plaisir de lire, cette contradiction ne semble pas entrer en compte. Pour pouvoir « savourer » la lecture, il faut du temps. Le temps réservé à la lecture lui est dédié entièrement ; il y a Christian D’Amico Introduction 8 exclusivité. En plus, c’est un temps long, qui empêche une autre activité principale. Pourtant, ceci ne semble pas être un obstacle au plaisir. Dans cette étude sur le plaisir de lire un certain auteur, nous nous proposons donc de déceler des mécanismes responsables du plaisir de lire, et qui surpassent les réticences à la lecture généralement admises comme le manque de temps et l’ennui. Choisir Daniel Pennac comme objet d’étude n’est ni un choix innocent ni un choix désintéressé sur un plan personnel et professionnel. L’auteur lui-même s’est posé la question sur le plaisir de lire et la naissance d’une jouissance de la lecture chez le jeune dans deux essais, Comme un roman suivi de Chagrin d’école. Ancien professeur d’école et enseignant de français, il a réalisé une réflexion poussée sur la question du plaisir de lire de ses élèves. Ainsi, nous utiliserons ses essais comme appui pour déceler comment cet auteur réussit à captiver ses lecteurs par le plaisir de lire. Ses propres réflexions sur le sujet dans ses essais prouvent que son écriture est caractérisée par l’intention de procurer du plaisir. Le choix de l’auteur se justifie aussi par son succès évident auprès de la communauté littéraire internationale, mais aussi auprès des jeunes lecteurs. Outre nos considérations initiales, observées en classe auprès des élèves confrontés à ses romans, les œuvres de Pennac sont reconnues par Dominique Brunet, dans son éditorial de la nouvelle revue pédagogique, comme incitant les jeunes lecteurs à réfléchir sur l’œuvre et le texte de façon stimulante. « […] les multiples significations du texte, sous son apparente facilité, constituent un excellent moyen pour conduire de jeunes élèves, de façon progressive, à un travail euristique collectif stimulant intellectuellement »2 Une caractéristique spécifique à l’écriture de Pennac est le fait qu’elle semble accessible à tous, mais étant en réalité bien plus complexe et remplie de sens qu’il n’y paraît aux premiers abords. Il y a donc sujet à analyser sa façon d’écrire, sa « poétique ». Ici, la poétique est à considérer comme l’ensemble des phénomènes et 2 L’œil du loup de Daniel Pennac, Cahier Nouvelle Revue Pédagogique, p. 1. Christian D’Amico Introduction 9 artifices langagiers et littéraires prévus (ou non) par l’auteur, qui modifient le signifié originaire et objectif du message transmis par la langue. Selon le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage : « La poétique est l'étude des formes littéraires et plus particulièrement de la stylistique, de la narratologie, des figures de style. Elle est « l'étude de l'art littéraire en tant que création verbale »3. Cette définition proposée par Tzvetan Todorov, cofondateur avec Gérard Genette de la revue littéraire Poétique, distingue trois grandes familles poétiques. Ici, l’idée de la poétique comme ornement de la langue servant à procurer du plaisir est centrale pour notre analyse tout comme celle considérant l’importance du jeu du langage poétique. Notre définition de la poétique utilisera comme théorie du langage l’essai Pour la poétique d’Henri Meschonnic qui nous aidera à cerner les moyens de la langue pour procurer du plaisir par rapport au texte. La poétique étant, pour Meschonnic, l’étude de la « littérarité », nous nous servirons aussi de ce concept. Étudier la poétique d’un auteur revient à en délimiter la définition, en essayant au mieux de cerner l’idée qui a guidé la genèse de cette poétique. Ainsi on voudrait pouvoir répondre à la question : pourquoi a-t-il écrit de telle manière, sur tel sujet ? Le sujet des études littéraires n’est pas la littérature dans sa totalité, mais la « littérarité » (literaturnost’), c’est à dire « cela qui fait d’une œuvre donnée une œuvre littéraire ».4 En citant la définition de littérarité de Roman Jakobson, qu’il définit dans Questions et Poétique, Henri Meschonnic nous invite à nous intéresser uploads/Litterature/ daniel-pennac-et-le-plaisir-de-lire-final-revise.pdf
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- Publié le Mar 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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