numt!ro LE FRAN~AIS spécial ~ DANS REeHERCHES LE MONDE &T APPLICATIONS FÉVRIER/
numt!ro LE FRAN~AIS spécial ~ DANS REeHERCHES LE MONDE &T APPLICATIONS FÉVRIER/MARS 1987 VERS UN NIVEAU 3 " " '" Denis Bertrand BELe Sémiotique et explica tion de textes : les discours d'une passion Remarques préalables L 'article qui suit se propose de mener de front deux exposés: une présentation pédagogique d'exercices sur des fragments littéraires, et une information d'ordre théorique sur les orientations récentes de la sémiotique textuelle. La conduite parallèle de ces deux discours s'expli que: par jeu, tout d'abord. On sait que le théorique et le pédagogique s'observent souvent du coin de l'œil sans aménité. Par principe, ensuite. Chacun des domaines ayant sa propre justification et exigeant des savoir faire spécifiques, il n'est pas utile, et il est même plutôt illusoire, de vou loir les faire communiquer en « trace directe» : l'un n'est ni l'application ni la justification de l'autre. Par opportunité, enfin. Ce qu'on commence à appeler le Niveau 3 en français langue étrangère concerne en priorité des enseignants, des étudiants, des élèves-professeurs en formation qui ont, par goût ou par nécessité professionnelle, le souci d'articuler une pratique scolaire efficace des textes et une réflexion théorique et métho dologique sur ces mêmes textes. On tentera ici d'apporter quelques sug gestions dans cette perspective. « L'explication de textes », dans la tradition de l'enseignement littéraire français (et en français) est un exercice touffu et mal délimité. Elle pour rait san~ doute justifier un certain « projet de lecture» - comme une lecture peut être orientée par un projet de résumé, de traduction, ou de seul plaisir -, mais en réalité elle n'y parvient que très difficilement. Souvent, le texte « à expliquer» subjugue par son prestige, et on ne songe guère à l'objectiver: l'explication, alors, l'avalise avec respect. Et lorsqu'il échappe à l'envoûtement, cet exercice est approximativement finalisé: il suppose la prise en charge simultanée de toutes les isotopies du texte, il a pour ambition d'en faire appréhender d'un seul tenant les dimensions structurelles, thématiques, stylistiques, de regrouper les observations ponctuelles (lexique, figures) et les considérations globales (culturelles, esthétiques, appréciatives, etc.), sans parler des problèmes de délimitation, de représentativité, ou de relation entre l'auteur et son u -. -----.-,- r'-,I1I.- "'7rl nI texte ... Bref, ce bourgeonnement du commentaire paraît souvent impos sible à maîtriser et l'exercice, bien que pratiqué pour des raisons institu tionnelles (examens), est rangé parmi les rituels académiques figés. Les propositions faites ici ne prétendent pas fournir un sésame-ouvre toi pour « l'explication de textes », ni même valider ou invalider en lui même l'exercice. Elles ont un objectif plus précis, et plus modeste, qui consiste à articuler la lecture, attentive et analytique, avec la rédaction. En effet, la connaissance intérieure des textes et l'affinement des prati ques d'écriture vont de pair. C'est pourquoi l'option méthodologique retenue dans l'unité pédagogique proposée consiste à assurer un va-et vient aussi serré que possible entre l'examen de plusieurs fragments, extraits du corpus littéraire et réunis en raison de leur sujet commun, et l'élaboration d'un texte par les étudiants portant sur le même thème. Un tel mouvement, associant des activités de lecture et de production, est susceptible de motiver réciproquement les deux pratiques. Le postulat est, au fond, assez proche de celui qui fonde la pédagogie de la créativité reposant sur les contraintes formelles (type Oulipo). A cette différence près, toutefois, que dans notre cadre les contraintes ne sont pas introdui tes de l'extérieur, elles sont en quelque sorte « dictées» par l'analyse du texte [1). Cette démarche est informée, pour sa part analytique, par les recher ches et les travaux de la sémiotique textuelle. Un des apports les plus manifestes de cette discipline est d'avoir su localiser, dans l'objet diffus qu'est le texte, des espaces d'appréhension définis et d'avoir du même coup permis la mise en place de procédures d'analyse homogènes. Le texte, tout d'abord, est envisagé en tant que signification; il est, littéra lement, constitué par la lecture et l'analyse. Au delà de sa matérialité empirique, il est donc défini comme une unité sémantique: de ce point de vue, un tableau, un ensemble gestuel, etc., sont aussi des textes. Il est ensuite considéré comme un univers autonome, un « tout de signifi cation », articulant dans ses formes sa clôture et sa cohérence. L'analyse sémiotique enfin, pour saisir et décrire cet objet - qui ne désigne plus, rappelons-le, une substance graphique ou picturale, mais l'organisation des effets de sens qu'elle produit -, opère une stratification par « niveaux ». Non seulement, donc, elle isole le texte comme un objet propre, mais aussi elle isole dans le texte des niveaux de saisie rationnellement dispo sés selon un parcours génératif : génération qui va des formes les plus générales et les plus abstraites (celles dont on a tant retranché qu'il reste un modèle d'articulation élémentaire, type « carré sémiotique ») aux for mes les plus spécifiques telles qu'elles se manifestent à la surface linéaire de la lecture. La construction des modèles et les analyses concrètes de corpus textuels sont étroitement associées: elles ont permis d'établir un [1J L'unité pédagogique proposée ici est extraite d'un livre à paraÎtre, rédigé en collaboration avec Fran· çOlse Ploquin: Expression·Rédaction, publié chez Nathan. Il est destiné à des élèves de classe de 4- en France. La formulation des consignes voudrait correspondre, comme il est naturel, à ce type de public. Moyennant d'éventuels aménagements, elle pourrait aisément {!tre adaptée à un public d'étu· diants relevant du (( Niveau 3 )J. ~ ~ ~ ~ ~ ~ ----------------- ., 1"7.""· ••" •••-•• " U Uf"J" " - ---- -- niveau de saisie, le plus richement développé il l'heure élctllelle en s61lllo tique, celui dit de la « syntaxe narrative ». Prenant initialement appui, en effet, sur les récits qui sont les forma tions textuelles les plus universellement répandues, la sémiotique s'est constitué progressivement, à partir des intuitions de V. Propp, un palier conceptuel apte à rendre compte des dispositifs narratifs : il permettait de constituer une grammaire des régularités et des récurrences qui for ment l'armature sous-jacente des textes observés et observables. Très vite, cependant, la reconnaissance d'une syntaxe autonome, détachée des représentations figuratives qu'offre la lecture des récits, a conduit les chercheurs à en envisager l'application, et du même coup à en vérifier le caractère opératoire, sur d'autres types de discours que ceux que l'on qualifie spontanément de narratifs: les discours politiques, scientifiques, etc., pouvaient être analysés - au même niveau de saisie - dans les termes de cette syntaxe. Celle-ci, reposant essentiellement désormais sur les concepts de modalité (vouloir, devoir, savoir, pouvoir faire ou être et leurs agencements) et d'actant (Destinateur, sujet, objet) qui en est l'aboutissement serait mieux nommée désormais par l'expression: « syntaxe modale », que par syntaxe narrative: elle dispose des schèmes généraux de lisibilité, sous-jacents à la lecture et trans-textuels. La syntaxe modale ainsi détachée de sa matrice narrative se situe à un niveau de généralité très large. L'analyse en spécifie les formes à un autre niveau de saisie du texte, celui de sa manifestation discursive. Là « interviennent» les opérateurs de l'énonciation (narrateur, focalisation, point de vue), la spécialisation sémantique des valeurs (thèmes, univers figuratifs et leur axiologisation), l'ordonnancement spatial, temporel et aspectuel, bref, la « mise en scène» discursive des structures qui lui sont sous-tendues. 1\ ne s'agit pas ici de présenter l'ensemble du dispositif théorique, ni les débats auxquels il donne lieu [21, mais, dans l'aval de ses principes (le texte considéré comme sens énoncé, l'analyse stratifiée en paliers de profondeur), d'indiquer quelques-unes de ses voies de recherche actuel les, exposées de conserve avec les propositions pédagogiques [3J. La sémiotique des passions Pourquoi avoir choisi « l'avarice », c'est-à-dire une passion-type? 1\ y a au moins deux raisons: tout d'abord parce que les textes littéraires offrent un vivier remarquable pour tout ce qui touche la mise en discours des sentiments, des états d'âme, des affects, des passions. Ce vaste champ est depuis longtemps soumis au scalpel du psychologue, ou de l'historien des mentalités, mais pas à celui de l'analyste des discours. Or, il y a là un domaine qui, rapporté aux formes langagières qui le manifes tent et exploité pédagogiquement dans cette perspective, ne pourrait qu'enrichir la maîtrise de l'expression et faciliter la saisie de variations cul turelles significatives. 1\ reste seulement à décider d'une méthodologie de lecture des sentiments. ••• • rrrr ..... r. ••• . . _ _ .• ,-. _.. _ ~. . • . . Une seconde raison, d'ordre théorique, motive aussi ce choix. Une image un peu figée de la sémiotique tend à faire de celle-ci une théorie du récit, c'est-à-dire une théorie de l'action narrée: un sujet est séparé d'un objet qui représente pour lui une valeur, eu égard à l'univers axiolo gique qui l'encadre et, par le jeu d'une transformation simple, le voici en possession de cet objet. Dans un sens ou dans l'autre (acquisition / priva tion), selon des configurations variées (don, é~hange négocié, vol, lutte, etc.), actualisant des valeurs matérielles ou cognitives (trésor, connais sances, uploads/Litterature/ denis-bertrand-semiotique-et-explication-de-textes-1987.pdf
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- Publié le Jui 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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