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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Marie Claire Huot Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 3, n° 2-3, 1993, p. 103- 125. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/1001194ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 28 November 2011 04:14 « Deux pôles yang du nouveau cinéma chinois : Chen Kaige et Zhang Yimou » Deux pôles yang du nouveau cinéma chinois : Chen Kaige et Zhang Yimou Marie Claire Huot RESUME Seul deux cinéastes chinois sont connus aussi bien en Chine qu'à l'étranger. Il s'agit de Chen Kaige et de Zhang Yimou. L'article tente de démontrer la polarisation de leur cinéma respectif à partir de leurs positions qui sont diamétralement opposées. Celle de Chen est dite hanxu, allusive qui incite à l'auto-réflexion alors que celle de Zhang est du ressort yanggang, soit en faveur de l'émotion vive et directe. L'article rend compte de ces deux pôles dans leurs différences, mais aussi dans ce qui les unit, leur «impensé» qui touche à la différence sexuelle et à l'écriture chinoise. ABSTRACT Two Chinese filmmakers, Chen Kaige and Zhang Yimou, are as well known abroad as they are in China. This article seeks to show how the polarisation between their respective approaches to filmmaking derives from the diametrically opposed positions they have adopted. Chen's position is called hanxu or allusive and favours self-reflection, while Zhang's is called yanggang and favours vivid, direct emotion. The article discusses the difference between these two polar opposites, but also explores their underlying unity, the "unthought" dimension, which incorporates sexual difference and Chinese writing. 104 Même s'il y a plusieurs cinéastes de marque, hommes et femmes, en République populaire de Chine, deux seuls sont bien connus tant chez eux qu'à l'étranger. Il s'agit de Chen Kaige, qui vit présentement aux Etats-Unis, et de Zhang Yimou, toujours en Chine '. Tous deux ont reçu, en 1982, leur diplôme de l'Institut de cinéma de Beijing et appartiennent donc à la Cinquième génération de cinéastes. Leurs profils sont en plusieurs points semblables : même institution de départ et en même temps, même âge ou peu s'en faut, même sexe et mêmes circonstances historiques (en particulier la Révolution culturelle). En outre, Chen et Zhang ont fait ensemble deux films : Terre jaune (1984) et La grande parade (1985). Tous deux font un cinéma qui est critique de la tradition et de la culture chinoises, ainsi que du cinéma chinois qui s'est fait avant eux. Malgré les similarités et coïncidences dans leurs cheminements respectifs, leurs positions sont aujourd'hui fort différentes, tant dans leur production que dans leur façon d'en parler. Cet article tente d'exposer ces deux modes de cinéma, deux pôles contrastants, en les comparant l'un à l'autre. Mon fil conducteur consiste en deux notions chinoises, le hanxu (mode implicite) et le yanggang (mode contrasté). L'un ou l'autre des positionnements entraîne une série d'effets esthétiques et idéologiques dont le plus important est, d'une part, la distanciation et de l'autre, la fascination qui se manifeste notamment par l'importance accordée soit à la nature, soit aux personnages, et l'insistance sur des objets de savouration ou de consommation. Je ferai donc une incursion dans l'acception des deux termes chinois ci-haut mentionnés, dans l'usage particulier qu'en font Chen et Zhang, puis exposerai les techniques cinématographiques utilisées par chacun afin d'arriver à leurs fins respectives. Technique et thématique étant (ici) intimement liées, je passerai ensuite aux sujets de prédilection de ces deux cinéastes, aux objets et motifs qu'ils privilégient. J'espère ainsi montrer qu'il y a cheminement à l'intérieur même de l'œuvre de ces deux cinéastes, mais aussi cheminement vers deux modalités distinctes et tout autant valorisées dans la production culturelle chinoise actuelle, au moins dans celle réalisée par les hommes. I. Qu'est-ce que le hanxu et le yanggang"! 1. Dans le discours de Chen et de Zhang Depuis la reconnaissance, en Euro-Amérique, de la Cinquième génération que l'on peut situer en 1988, avec l'attribution de l'Ours d'argent de Berlin au film Sorgho rouge de Zhang Yimou Cinémas, vol. 3,n o s 2-3 et l'attribution du Réveil-matin en or de Cannes au film Le Roi des enfants de Chen Kaige, j'ai été intriguée par la façon dont ces cinéastes parlaient de leurs propres œuvres. Un terme était récurrent chez chacun d'eux : le hanxu chez Chen Kaige et le yanggang chez Zhang Yimou. — «hanxu», le mode indirect de Chen Kaige Chen Kaige, parlant de son premier film Terre jaune, a affirmé: «La quintessence de notre style peut se résumer en un mot, "hanxu"2». Je traduis ce mot par «indirect» ou «ambigu» parce que, à la lecture des nombreux interviews que Chen a accordés, en plus d'affirmer ce qu'il veut faire dans ses films, il insiste aussi sur ce qu'il ne veut pas faire : du cinéma noir sur blanc où tout est bien défini, clos, univoque et téléologique. Chen avoue avoir horreur de la facilité, du cinéma de divertissement comme le cinéma américain qui est, selon lui, «par trop clair 3» ou encore le cinéma chinois de la Révolution culturelle, qu'il dit «vide de sens 4». Chen est partisan d'un cinéma sérieux, c'est-à-dire qui traite de questions qui vont au-delà du ponctuel. C'est pourquoi il critique notamment les films de deux de ses confrères qui, d'après lui, s'enlisent dans l'ici-maintenant : L'Année de mon signe de Xie Fei, un film portant sur les problèmes actuels des jeunes à l'ère de l'économie de marché, n'est pas, à son avis, réussi. «Moi, j'aurais traité des problèmes éternels de la jeunesse^», affirme-t-il. Judou de Zhang Yimou est également la proie de sa critique parce que ce film, d'après lui, expose les rapports vils et bas entre les hommes et les femmes 6. Pour Chen, ce sont les rapports entre les êtres humains, dans leur humanité et dignité, qui importent plus que tout7. Aussi peut-on constater que le terme hanxu implique une position qui est reliée à une volonté d'abstraction, de dépassement des circonstances particulières inscrites dans un temps donné, qui est à portée philosophique. Et, de fait, Chen décrit le travail de cinéaste comme étant une mission. Pour lui, ce n'est pas le cinéma lui-même qui importe, mais ce que peut provoquer le cinéma. Dans tous les interviews recensés, Chen parle de son devoir : Je suis un membre de l'humanité (...) je me vois toujours comme un saint, je considère que dans mes films, je dois faire passer une idée (...). Au plus profond de moi, je me prends pour un éducateur (Aubert, p. 50). Il parle aussi du devoir du spectateur : Ce que la caméra nous invite à regarder n'est pas le paysage comme tel, ni le personnage comme tel, mais l'histoire de la civilisation chinoise; pour que l'on s'interroge sur les raisons qui font que cette ancienne nation et cette culture sont en retard par Deux pôles yang du n ou veau cinéma chinois 105 rapport aux autres, à l'époque moderne. (...) le film tourne notre attention vers l'intérieur (...) (Semsel, p. 82) s. — «yanggang», le mode direct de Zhang Yimou C'est à partir de son premier film Sorgho rouge que Zhang s'est mis à parler de sa position comme étant contre toute forme de hanxu et en faveur du yanggang : «Je n'ai rien à voir avec le "hanxu", avec une façon contournée de faire»; «Les personnages (...) sont simples et heureux (...); je ne les représente pas de manière "hanxu", désincarnée : ils n'ont pas de problème» (Li, p. 44); «Ce que je veux créer c'est un beau "yanggang", fort / viril» (Zhong). À chaque fois que Zhang Yimou discute de ses films, il parle à la fois d'effet esthétique et psychologique. Ce qui semble préoccuper Zhang, c'est l'effet émotif de ses films sur l'auditoire, un effet créé par une esthétique foudroyante et par des personnages forts, le tout haut en couleurs. Zhang ne discute pas en termes politico- philosophiques. Même si Zhang continue à nier toute allusion à la politique contemporaine chinoise dans ses films, de nombreuses lectures ont été faites en ce sens. En fait, Zhang affirme ne se baser que sur ses propres expériences : Ce que je peux dire c'est que, c'est ainsi que je vois la vie, que je vois le destin en ce moment. Comment ça changera dans le futur, je ne le sais pas (Chua, p. 30). Je n'ai pas tant de choses à dire.(...) Un film ne devrait pas être comme une conférence philosophique (Zhang Yimou, uploads/Litterature/ deux-poles-yang-du-nouveau-cinema-chinois-chen-kaige-et-zhang-yimo.pdf

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