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Dans la même collection Bibliomnibus Humour : Pierre Dac, Un loufoque à Radio Londres Pierre Dac et Francis Blanche, Le Boudin sacré Jean-Pierre Delaune, D’Alphonse à Allais Olivier Talon et Gilles Vervisch, Le Dico des mots qui n’existent pas (et qu’on utilise quand même) Mark Twain, Nouvelles du Mississippi et d’ailleurs Tristan Savin DICTIONNAIRE DES MOTS SAVANTS (employés à tort et à travers) Qui n’a point réfléchi sur le langage n’a point réfléchi du tout. Alain. Défiez-vous des mots sonores : rien n’est plus sonore que ce qui est creux. Alphonse Karr. Un chef-d’œuvre de la littérature n’est jamais qu’un dictionnaire en désordre. Jean Cocteau. Celui qui pose une question est bête cinq minutes. Celui qui n’en pose pas l’est toute sa vie. Proverbe chinois. C’est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde. Boris Vian. Avant-propos Nous employons tous des termes érudits, un brin recherchés. Ils nous permettent de briller en société, au bureau, dans les dîners en ville… Ces mots, on les entend au cours d’une conversation, on les capte à la radio, on tombe dessus dans un livre, un quotidien du matin hâtivement picoré. Nous avons rarement le temps de vérifier leur définition précise dans un dictionnaire. Chacun se les approprie machinalement. Ainsi se véhiculent les mots. Pareils aux particules élémentaires, ils nous environnent sans se faire remarquer, évoluent à leur gré pour ressurgir au cours d’une discussion. Mais les emploie-t- on à bon escient ? Pour le savoir, il faut consulter des lexiques, plonger dans des manuels, des encyclopédies. On renoue ainsi avec les origines de notre langue, empruntée au latin, au grec, au francique, au sanskrit ou au volapük. On voyage dans le temps. On se rend compte à quel point les vocables évoluent, au fil des modes, des idéologies, des technologies. Au lycée, j’étais fasciné par un élève asocial, à demi autiste. Il n’adressait la parole à personne, mais passait son temps le nez dans le dictionnaire. Il ressemblait aux personnages de Goscinny dessinés par Sempé. J’ai fini par comprendre la nature de sa névrose : il apprenait les mots un par un, dans l’ordre alphabétique. Je l’entendais parfois réciter les définitions à voix basse. Il n’avait aucun ami et effrayait les filles. Malgré cela, je l’enviais. S’il vit encore, ce que je souhaite, il doit être l’une des rares personnes à connaître le sens exact des mots… Peut-être est-il devenu lexicographe. Ce n’est pourtant pas lui qui m’a fait aimer les dictionnaires. Mon père était un latiniste distingué – il avait fait ses humanités au collège – et ressassait sa devise à l’envi : doctus cum libro, formule kabbalistique qui pourrait se traduire par « savant avec un livre ». Il faisait bien sûr référence aux Littré, Larousse, Robert, Gaffiot ou Webster qu’il était d’usage de consulter, à la maison, dès qu’un doute s’immisçait dans une conversation. Les mots servent à exprimer une pensée. Plus le vocabulaire s’enrichit, plus la réflexion est profonde. Mais pour parvenir à se faire comprendre, encore faut-il employer les mots à bon escient, connaître leur sens précis. Parler et écrire avec exactitude et précision nécessite la fréquentation de la langue. Par la lecture, bien sûr – dont celle des dictionnaires –, mais aussi grâce à la discussion, à l’écoute. Car seul l’échange met à l’épreuve la connaissance d’un vocabulaire. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », disait Boileau. Ce dictionnaire empirique – composé par un anachorète dilettante, retiré dans sa thébaïde – recense trente dizaines de termes plus ou moins savants, éloignés de leur sens originel par l’usage, mal interprétés ou indûment employés : faux amis, oxymores, homophonies trompeuses, locutions littéraires remises au goût du jour mais dénaturées, jargon psychanalytique ou médical tiré par les cheveux car glané dans les magazines d’une salle d’attente, termes techniques vulgarisés et détournés au passage, par extrapolation, de leur sens étymologique, quitte à signifier tout le contraire. La langue française, fleuron de la civilisation judéo-chrétienne, n’a cessé d’évoluer au cours des siècles. Peut-être plus encore au XXe, sous l’influence des sciences, de la psychologie, puis de l’informatique. Le langage populaire, dit « courant », ou « familier », s’est fait le témoin des changements, des révolutions techniques et politiques. De manière peu orthodoxe pour un lexicologue, parfois grossière, voire graveleuse, aux yeux – ou à l’ouïe – d’un puriste. Mais i l serait mal venu de jeter l’opprobre sur cette évolution du champ lexical. On le constate, les rééditions successives des dictionnaires entérinent la plupart du temps néologismes, sens courants et nouvelles significations apportées aux mots anciens par l’usage. L’objectif de ce Dictionnaire des mots savants n’est pas de nous culpabiliser – comme le ferait un trop scrupuleux professeur de français –, mais de retrouver l’étymologie des expressions érudites les plus couramment employées et d’analyser avec un tant soit peu d’esprit les causes de ces glissements sémantiques propres à la vivacité de la langue française. Cet ouvrage n’est pas exhaustif – loin de là. Chacun y ajoutera ses mots, ses propres définitions. Lexicographes et lexicologues y trouveront probablement des erreurs, des inexactitudes. Ce petit abécédaire n’a pas la prétention de rivaliser avec les grands. Sans les dictionnaires pionniers, testés et éprouvés, il n’existerait pas. S’il peut vous exhorter à leur redécouverte, il aura accompli sa mission. Parmi eux, celui qui a le plus inspiré mes recherches, l’inestimable Dictionnaire historique de la langue française, publié par Le Robert sous la direction d’Alain Rey, l’un de nos plus grands linguistes. Cet éminent lexicolologue, bien connu des auditeurs de France Inter, me fit l’immense honneur de préfacer la première édition de l’ouvrage – revu et augmenté – que vous avez entre les mains. Et d’écrire, à son sujet, ces mots bienveillants qui contribuèrent à son succès : « Ce dictionnaire des mauvais usages reçus, très tranquillement et sans nous taper sur les doigts, remet les choses en place et les pendules déréglées à l’heure. Ce faisant, il apporte une eau dépolluée au moulin de la langue française, ce qui ne peut qu’embellir le paysage lexical. » Il en a une autre, dictée par la démagogie, la prétention et la concupiscence : vous aider à briller un peu plus dans les conversations. En reprenant les autres au lieu de vous faire reprendre. Tristan SAVIN Signes et abréviations adj. : adjectif adv. : adverbe, adverbial(e) ant. : antonyme ex. : exemple fam. : familier loc. : locution n. : nom n. f. : nom féminin n. m. : nom masculin prép. : préposition syn. : synonyme tr. : transitif v. : verbe * : voir la définition de ce mot dans ce dictionnaire Dictionnaire de A à Z A [Abracadabrantesque] adj. Néologisme inventé par Arthur Rimbaud dans un poème intitulé Le Cœur du pitre, daté de mai 1871 : « Ô flots abracadabrantesques/Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé ». Rimbaud l’aurait forgé avec l’adjectif abracadabresque, créé par Théophile Gautier à partir de la formule kabbalistique* « abracadabra », elle-même dérivée du grec abraxas, signifiant « divinité ». L’adjectif rimbaldien est ressorti des oubliettes de la poésie en l’an 2000, lors d’un entretien donné à France 3 par Jacques Chirac. Le président de la République l’utilisa pour réagir à une accusation portant sur les finances du RPR… Selon la petite histoire, restée à l’état de rumeur, l’idée lui aurait été soufflée par son secrétaire général de l’époque, Dominique de Villepin – grand amateur de poésie –, pour détourner l’attention. La stratégie fut payante : on ne retint que ce bon mot, aux airs de formule magique, et on oublia les accusations. Ainsi auréolé de la gloire élyséenne, repris avec délectation par la presse, « abracadabrantesque » signifie désormais « n’importe quoi » ou « ahurissant ». [Abyssal] adj. Du latin abyssus, ou abismus, dérivé du grec abussos (« sans fond »), qui a donné « abisme » puis « abîme ». Terme rare de théologie, l’adjectif sert au XVIe siècle à qualifier l’insondable, les profondeurs. « L’abîme sans fond » est donc un pléonasme. L’abysse est une fosse ou un fond sous-marin très profond. Il est amusant de noter que le bathyscaphe, qui sert à explorer ces zones, tient son nom du grec bathos (« profondeur »), apparenté à bussos (« le fond de la mer »), qui a donné… abîme. La « mise en abyme », quant à elle, provient d’un terme d’héraldique (désignant le centre d’un écu) et renvoie à un jeu de miroirs. Aujourd’hui, l’adjectif abyssal est surtout employé avec le mot bêtise, pour marquer à quel point elle peut être… insondable. [Accorte] adj. De l’italien accorto, issu du latin accorigere (« à corriger »). L’adjectif « accort » signifie originellement « adroit ». Selon le Dictionnaire historique de la langue française, le terme a dérivé au XVIIe siècle à cause d’une erreur d’étymologie : confondu avec « courtois », il a pris le sens de « gracieux » et par extension « séduisant, avenant ». D’où l’expression, commune depuis, de « serveuse accorte ». uploads/Litterature/ dictionnaire-des-mots-savants.pdf
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- Publié le Oct 08, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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